Posted On 20 octobre 2025

Ces derniers jours, c’est l’installation du géant chinois Shein aux Galeries Lafayette à Grenoble qui a suscité la controverse. Une arrivée qui résonne comme un symbole supplémentaire des effets de la politique de paupérisation de la ville.

LES DONNEURS DE LECONS SONT DE SORTIE…

En tête de cortège des opposants, les Verts grenoblois qui appellent à « dire non à l’installation de Shein » (sans pour autant rien engager de concret pour l’empêcher) et parlent d’une « menace pour les commerces locaux ». Mais aussi la métropole qui voit quant à elle une implantation « contraire à la vision d’un commerce local, éthique et éco-responsable ». Postures d’indignation habituelles qui ne coûtent rien à leurs auteurs (qui ne vont tout de même pas jusqu’à signer leurs communiqués..).

Un point de vente physique de Shein doit ouvrir aux Galeries en novembre
… APRÈS AVOIR DOUBLÉ LA VACANCE COMMERCIALE

Et qui leurs évitent, comme d’habitude, de s’interroger sur ce que eux ont fait pour le « commerce local ». Dans une ville où l’attractivité en chute libre et la politique de restriction de l’accessibilité ont fait exploser la vacance commerciale, passée de 6 à 12%. Où les donneurs de leçons sur Shein ont avalisé la création de pompes aspirantes, temples de la consommation en entrée de ville : Neyrpic, et l’extension de Grand Place, avec l’installation d’une grande enseigne Primark pas plus vertueuse que Shein…  

« L’ACTIVITÉ COMMERCIALE S’EFFONDRE »

C’est cette tartufferie que ne manque pas de souligner l’association « Grenette village » qui regroupe commerçants et entreprises de la place du même nom. Son porte-parole Harout Agobian rappelle que « depuis plusieurs années, l’hyper-centre connaît une situation désastreuse : de nombreux commerces ferment leurs portes et l’activité commerciale s’effondre », et que dans un tel contexte l’arrivée de Shein les fait espérer « retrouver une dynamique positive, indispensable à la relance économique de Grenoble ».

En rouge l’évolution des chiffres d’affaires à Grenoble, en vert l’évolution dans le reste de la région grenobloise.
UN VECTEUR DE NOUVEAUX CLIENTS POUR LES COMMERCES LOCAUX ?

Emmanuel Lenoir, président de LabelVille interrogé par Le Monde, ne dit pas autre chose : « je préfère une enseigne qui s’installe qu’une enseigne qui disparaît. Et pour une fois, c’est une marque Internet qui s’installe en présentiel (…) Charge à nous, commerçants, d’aller capter cette nouvelle clientèle », allant dans le sens de nombreux autres commerces interrogés par le quotidien national, qui constatent tous cette chute de la fréquentation du centre. 

ZARA REMPLACÉ PAR SHEIN COMME LOCOMOTIVE COMMERCIALE ?

L’avenir nous dira si Shein attire une nouvelle clientèle qui bénéficie aux commerces alentours. Mais d’ores et déjà, le fait que la boutique fast-fashion soit espérée comme locomotive commerciale du centre est tout un symbole de l’évolution sociologique de la ville. Car jusque-là, c’est Zara qui était avant son départ à Neyrpic considérée comme locomotive pour le centre-ville. Soit une enseigne plutôt orientée classes moyennes remplacée par du hard discount. 

En juillet les mêmes élus Verts et de la métropole poussaient des cris d’orfraies contre des pub Shein sur leurs propres abri-bus mais étaient incapables de les retirer ! Des champions de l’efficacité
UNIFORMISATION DU COMMERCE ET EXPLOSION DU HARD DISCOUNT

L’installation de Shein n’est que la dernière actualité d’une tendance de fond à Grenoble. D’un côté une uniformisation du commerce avec une explosion des cafés, bars, restauration rapide type fast-food, au détriment de tous les autres types de boutiques en chute libre. De l’autre, des installations de plus en plus nombreuses d’enseignes hard discount, proposant des prix très bas, témoignant d’une adaptation du marché à une ville de plus en plus pauvre.

UNE « OFFENSIVE DU DISCOUNT »…

Car avant Shein, il y a eu Primark à Grand Place, évoqué plus haut. On peut aussi citer l’arrivée de la boutique « Normal » rue de la République, du premier supermarché hard discount Aldi juste en face de la métropole à Hoche (à la place d’Habitat), le remplacement d’Auchan avenue Jean Perrot par un nouveau Lidl… Constatant cette évolution, Sophie Serra, déléguée syndicale CGT Auchan, explique simplement à Place Gre’net : « ce que les gens recherchent, c’est de pouvoir manger à moindre prix. Peut-être mal, mais à moindre prix ».

Une « offensive du discount à Grenoble » s’interroge Florent Mathieu de Place Gre’net
… QUE L’ON DOIT À LA PAUPÉRISATION DE LA VILLE

La corrélation est très simple à établir entre la percée du hard discount à Grenoble, et la paupérisation de la ville. Le bilan de 12 années de Piolle parle de lui-même : 1 Grenoblois sur 5 sous le taux de pauvreté, et 38 % de familles monoparentales à Grenoble (contre 23% de moyenne nationale). Les Verts/LFI si prompts à dénoncer l’installation de Shein et du hard-discount ne s’interrogent pas sur les causes : leur politique du logement qui ne vise que l’installation de ménages précaires voire très précaires, cibles privilégiées des enseignes low-cost. 

Partout dans la ville, la métropole achète des logements qu’elle confie à des associations qui logent des populations en situation de grande précarité.
LAURENCE RUFFIN AGGRAVERA CETTE SPIRALE

Cette paupérisation est amenée à se poursuivre, et même à s’accélérer, si Laurence Ruffin était élue en mars 2026. La candidate de Piolle vise en effet les 30% de logements sociaux à Grenoble. Ce qui signifierait, pour atteindre cet objectif, la construction de 5000 HLM supplémentaires, soit le double de ce qui a été fait sous la mandature actuelle. Et bien sûr elle poursuivrait en parallèle la politique de fermeture de la ville qui prive les commerçants traditionnels de consommateurs extérieurs plus aisés. 

LE NÉCESSAIRE RÉÉQUILIBRAGE DE LA VILLE

À moyen/long-terme, cette trajectoire que font prendre les Verts/LFI à la ville se terminera dans un mur avec une ville pauvre et incapable d’assurer le minimum de services à ses habitants. Car les recettes fiscales qui permettent à la ville d’assurer des investissements se font la malle, avec des propriétaires et des contribuables de la classe moyenne qui quittent Grenoble. Pour compenser les départs, parce qu’ils sont incapables d’économies, les Piollistes aggravent le matraquage fiscal qui pèse sur ceux qui restent… les poussant à leur tour au départ.

Un cercle vicieux qu’il est impératif d’enrayer en rééquilibrant la ville par une vraie politique de promotion sociale (comme le propose Alain Carignon) et par l’arrêt de la ghettoïsation des quartiers avec des taux ahurissants de logements sociaux.