

Pendant longtemps, les différences d’âge au diagnostic de l’autisme étaient attribuées principalement à des facteurs sociaux, culturels ou organisationnels : manque de formation des professionnels, stéréotypes de genre, disparités d’accès aux soins. Ces éléments restent vrais.
Mais selon une étude publiée dans Nature par l’équipe du généticien Kai Zhang (Polygenic and developmental profiles of autism differ by age at diagnosis, 2025), l’âge du diagnostic possède aussi une composante génétique propre, jusque-là insoupçonnée.
En analysant les données de plus de 45 000 personnes autistes issues de grandes cohortes internationales, dont iPSYCH (Danemark) et SPARK (États-Unis), les chercheurs ont identifié deux ensembles polygéniques distincts : un profil “précoce”, souvent associé à des retards de développement et à une détection rapide, et un profil “tardif”, lié à des manifestations plus sociales, émotionnelles ou psychiatriques qui émergent plus progressivement.
Les deux profils ne s’opposent pas totalement. Ils partagent une corrélation génétique modérée, indiquant une superposition partielle des mécanismes en jeu.
Détection de l’autisme : deux visages génétiques d’un même spectre
Concrètement, les enfants du “profil précoce” présentent dès les premières années des signes nets de difficultés de communication, d’interactions sociales ou de motricité. Ces signaux attirent rapidement l’attention des familles et des pédiatres, entraînant un diagnostic plus jeune, parfois avant trois ans.
À l’inverse, le “profil tardif” correspond à des trajectoires plus subtiles. Ce sont des enfants dont le développement semble typique au départ, mais qui rencontrent plus tard des obstacles dans les relations sociales, la gestion des émotions ou l’attention. Ce second profil est génétiquement plus proche de troubles comme le TDAH, l’anxiété ou la dépression, ce qui rend parfois le repérage plus difficile et plus tardif. « Les manifestations ne sont pas moins réelles, mais moins immédiatement visibles », expliquent les auteurs dans Nature.
L’étude précise que les variations génétiques communes expliquent environ 11 % de la variance de l’âge au diagnostic, tandis que les mutations rares à fort effet ne semblent pas jouer de rôle déterminant ici. Autrement dit, la génétique contribue, mais l’essentiel des différences de diagnostic reste lié à des facteurs environnementaux, sociaux et cliniques.
Autisme : en France, un repérage encore inégal
Ces résultats résonnent fortement avec la situation française. Selon l’Inserm, environ 700 000 personnes en France seraient concernées par un trouble du spectre de l’autisme, dont 100 000 enfants. Pourtant, l’âge moyen du diagnostic reste élevé : autour de 6 ans, alors que les premiers signes peuvent être détectés dès 18 mois (Inserm, 2024).
Les inégalités territoriales et la sous-formation des professionnels de santé demeurent des obstacles majeurs. Dans certaines régions, l’attente pour un diagnostic peut dépasser un an, ce qui retarde l’accès à une prise en charge adaptée. Le gouvernement a lancé la Stratégie nationale pour les troubles du neurodéveloppement (2023-2027), qui renforce le dépistage précoce et soutient la recherche génétique et clinique.
La cohorte MARIANNE, pilotée par Santé publique France et l’Inserm, suit actuellement plus de 15 000 enfants depuis la naissance pour mieux comprendre les causes génétiques et environnementales des TND. Ces données permettront bientôt de vérifier si les deux profils identifiés à l’international se retrouvent dans la population française.
Spectre de l’autisme : ce que cette découverte change… et ce qu’elle ne change pas
Ces travaux ne visent pas à “génétiser” l’autisme, mais à mieux comprendre sa diversité. Savoir qu’il existe un profil génétique plus “tardif” pourrait aider à développer de nouveaux outils de dépistage, adaptés aux enfants dont les signes émergent plus tardivement. Cela permettrait d’éviter des années d’errance diagnostique, fréquentes surtout chez les filles, souvent sous-diagnostiquées à cause de leur capacité à “masquer” leurs difficultés.
Cependant, les chercheurs insistent sur le fait que la génétique n’explique qu’une partie du tableau. Le diagnostic reste avant tout un processus clinique et humain, qui dépend de la vigilance des familles, des enseignants et des soignants. « Il faut éviter toute lecture déterministe. Ces profils ne prédisent pas un destin, ils aident à repérer la diversité des trajectoires », rappelle le Pr Anders Børglum, coauteur de l’étude.
À SAVOIR
En France, malgré les progrès du dépistage, près d’un enfant sur trois présentant des signes d’autisme n’est toujours pas diagnostiqué avant l’âge de 8 ans, selon une étude de Santé publique France publiée en 2024 dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH).


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