Le gouvernement botswanais a présenté mardi 14 octobre un plan de développement d’environ 24 milliards d’euros (388 milliards de pulas, la monnaie locale) pour relancer une économie fragilisée par la baisse prolongée des prix du diamant. Le pays, longtemps cité pour sa stabilité et la qualité de sa gouvernance, veut désormais accélérer sa diversification et attirer de nouveaux investisseurs, dont certains pourraient venir d’Europe.
Selon les premiers détails rapportés par la presse internationale, ce plan doit « guider la transformation » du pays jusqu’en 2030 et servir de cadre pour les budgets successifs. Il privilégie les investissements dans les infrastructures de transport, la gestion de l’eau, l’habitat et l’énergie, identifiés comme des leviers de croissance et d’emplois. Le financement reposera sur des partenariats public-privé et la mobilisation d’investisseurs institutionnels. Sur le montant total, 74 % seront consacrés à de nouveaux projets, le reste à la poursuite de programmes déjà engagés.
Une économie touchée par la crise des diamants
Cette initiative intervient dans un contexte de ralentissement. D’après le Fonds monétaire international (FMI), l’économie botswanaise s’est contractée de 3% en 2024 et devrait encore reculer de 1 % en 2025. La baisse des recettes issues du diamant pèse sur les finances publiques et sur les réserves de change.
L’agence S&P Global Ratings a abaissé en septembre dernier la note souveraine du pays de BBB+ à BBB, évoquant la détérioration des comptes publics et l’érosion des réserves de devises. Selon l’agence, cette dégradation reflète la vulnérabilité d’une économie trop dépendante d’un secteur confronté à la concurrence des diamants synthétiques et au ralentissement mondial.
Pour le président Duma Boko, arrivé au pouvoir fin 2024, la relance passe par la diversification. En juin, il a lancé le Botswana Economic Transformation Program (BETP) pour développer la finance régionale, les services et la croissance inclusive. Deux mois plus tard, un fonds souverain a été créé afin d’investir dans des actifs productifs et soutenir la croissance à long terme, tandis qu’un Diamonds for Development Fund a été mis en place avec le groupe De Beers pour appuyer les filières agricoles et énergétiques.
Un rapprochement avec l’Europe
La dynamique de diversification économique engagée au Botswana arrive alors que le pays s’est rapproché de l’Europe, ces dernières années. En mai dernier, le Botswana et l’Union européenne ont lancé un programme de soutien à la transformation numérique, financé dans le cadre de la stratégie Global Gateway.
Ce programme vise à renforcer les compétences numériques, l’entrepreneuriat et la gouvernance digitale. Selon un communiqué de l’UE, il mobilise l’expertise technique et les investissements des membres de l’Équipe Europe pour accompagner le parcours numérique du pays. Le Botswana, classé troisième en Afrique en matière de développement technologique selon Digital Planet, se positionne ainsi comme un partenaire privilégié pour des projets conjoints au sein de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).
Plus tôt cette année, en mars, le vice-président Ndaba Gaolathe a mené une mission européenne à Bruxelles, Luxembourg et Paris pour attirer des investisseurs et renforcer les liens économiques. Selon un communiqué gouvernemental, les échanges ont porté sur les énergies renouvelables, la finance et les infrastructures. Au Luxembourg, par exemple, un protocole d’accord en préparation pourrait faire du Botswana un centre financier régional. Et à Paris, les entretiens ont porté sur la montée en gamme du secteur minier et la transformation industrielle. À Anvers, les discussions avec le Centre mondial du diamant visent à accroître la présence botswanaise dans la filière européenne de valorisation.
Ce n’est pas la première fois que les liens économiques entre le Botswana et l’Europe se resserrent dans un contexte géopolitique particulier. En 2022, au plus fort de la guerre en Ukraine, l’ancien président Mokgweetsi Masisi avait indiqué que plusieurs pays européens sollicitaient le Botswana pour s’approvisionner en charbon afin de pallier la crise énergétique. Ces échanges, alors conjoncturels, avaient déjà révélé l’intérêt que suscitait le pays ainsi que sa capacité à répondre à des besoins stratégiques.
Création de valeur
En parallèle, il faut souligner les relations directes entre Gaborone et certaines entreprises européennes. HB Antwerp, négociant belge installé depuis 2022 à Gaborone, opère localement à travers HB Botswana, une coentreprise avec l’État botswanais, dédiée à la taille et à la traçabilité des diamants. Ce partenariat s’inscrit dans la stratégie nationale de création de valeur ajoutée et de transformation locale des ressources. Selon Reuters, en août 2024, le ministre des Mines d’alors, Lefoko Moagi, avait indiqué que le Botswana envisageait de renégocier son projet d’acquisition d’une participation dans HB Antwerp, dans le but de détenir 49,9 % du capital, contre les 24 % discutés initialement en mars 2023. Toutefois, selon un entretien accordé au Business Weekly & Review en décembre 2024 par le cofondateur d’HB Antwerp, Rafael Papismedov, aucune transaction n’avait encore eu lieu à cette date. Le gouvernement avait achevé la phase de due diligence et s’apprêtait à partager les projets de contrats. Le dirigeant a précisé que la proposition d’entrée au capital venait de Gaborone, et qu’HB Antwerp restait engagé à travailler avec la nouvelle administration dans une logique de transparence et de création d’emplois locaux.
Une évolution à suivre de près
Le Botswana ne mentionne pas explicitement la volonté d’attirer des partenaires du Vieux Continent dans son plan de développement, mais les intersections avec les priorités européennes sont visibles. Si ledit plan venait à être adopté par le Parlement local, sa réussite tiendra à la capacité du gouvernement à concrétiser les investissements annoncés et à maintenir la discipline budgétaire saluée par les institutions financières.
Les partenaires européens, qui soutiennent déjà plusieurs projets dans les infrastructures et le numérique, peuvent y trouver un cadre propice à une coopération économique renforcée. Toutefois, il faut noter que le pays entretient également des relations actives avec d’autres partenaires, notamment la Chine et les pays du Golfe, déjà présents dans l’énergie et la construction. L’avenir du rapprochement dépendra donc de la cohérence entre les priorités africaines de diversification et la stratégie européenne d’investissement durable.