Ayao Komatsu lève le voile sur ce qui
empêche Esteban Ocon d »atteindre son pic de performance… et lance
un avertissement à Oliver Bearman de ne pas tomber dans le travers
inverse.
Aux commandes de l’écurie
Haas F1,
le sympatique Ayao Komatsu se retrouve face à un fascinant
dilemme de management.
Son objectif n’est pas seulement de maximiser les performances
de la modeste monoplace américaine, mais surtout de décrypter et de
satisfaire les besoins psychologiques et techniques radicalement
différents de ses deux pilotes,
Esteban Ocon et
Oliver Bearman.
Le sympathique team principal japonais a bien compris qu’une
approche monolithique serait vouée à l’échec. Il doit en effet
actionner des leviers distincts pour tirer le meilleur de
chacun.
Ocon en quête de confiance absolue
Concernant Esteban Ocon, le fardeau repose lourdement sur les
épaules de l’équipe technique. Le Français est un pilote éminemment
sensible.
Komatsu est catégorique : “Je ne dis pas qu’il est lent,
mais quand il n’est pas à 100 % à l’aise avec la voiture, il ne
peut pas aller chercher la limite.” Ocon exige une alchimie
parfaite avec sa machine pour pouvoir s’exprimer pleinement.
L’équipe se doit de le placer dans un environnement où il est
totalement confiant dans son outil de travail.
Le cas de Bakou est d’ailleurs particulièrement éloquent. Lors
des essais libres 3 (FP3), puis en qualifications, Ocon n’était
“pas content de la performance du freinage”. Les données
télémétriques ne mentaient pas : il freinait prématurément dans
certains virages, se laissant une marge colossale et compromettant
irrémédiablement sa performance chronométrique.
“Il prenait une énorme marge dans certaines zones de
freinage, et c’était la fin du jeu. Esteban est bien plus sensible,
mais sa vitesse est là. Nous devons lui donner une voiture bien
définie pour lui insuffler la confiance nécessaire.”
L’équation est simple : pour qu’Ocon soit rapide, l’équipe doit
le rassurer sur le matériel, son feeling primant sur sa capacité à
“faire avec”.
Dompter le talent brut de Bearman
À l’autre extrémité du spectre, se trouve le jeune Oliver
Bearman. S’il est capable de “conduire n’importe quoi”,
son problème est inverse : il doit apprendre à modérer l’incroyable
talent naturel qui le rend si rapide, pour éviter les coûteux
incidents.
La performance de Bearman au Brésil l’année dernière est souvent
citée comme l’illustration de son potentiel : cinq heures de
préavis, un saut dans la voiture sans information en EL1, et il
battait un pilote expérimenté comme
Nico Hülkenberg de trois dixièmes, à la fois en EL1 et en
qualifications Sprint. “C’est incroyable, n’est-ce pas ?”
sourit Komatsu.
Paradoxalement, cette même fougue, cette capacité à être
“incroyablement rapide”, est la cause de ses
accrochages.
“Il n’est pas obligé d’être aussi rapide, si vous voulez. Il
doit faire un pas en arrière – un tout petit pas – et c’est dans
l’évaluation de ce petit pas qu’il n’y arrive pas encore.”
Bien que Komatsu constate des progrès – moins d’erreurs, une
approche plus structurée des essais – l’objectif est désormais
l’irréprochabilité. Au-delà des points pour Haas, l’enjeu est
capital pour la carrière de Bearman.
“J’ai été clair avec lui avant la trêve estivale. Cette
dernière partie de saison, tu dois simplement être constant. Sinon,
les gens ne retiendront de toi qu’un pilote doté d’une vitesse
ahurissante, mais qui sort trop souvent de la piste.” Une mise
en garde brutale, mais nécessaire pour le prodige.