L’enquête bat son plein : au lendemain du cambriolage du Louvre, au cœur de Paris, la police est aux trousses de quatre malfaiteurs partis avec huit « joyaux de la couronne de France », un vol spectaculaire qui interroge sur la sécurité des musées français.

Ce vol par effraction en plein jour dans l’un des plus célèbres musées du monde, avec neuf millions de visiteurs par an et 35 000 œuvres sur 73 000 m2, a eu un retentissement international.

Il a déclenché une polémique politique et relancé le débat sur la sécurité des musées français, qui présentent « une grande vulnérabilité », a reconnu dimanche Laurent Nuñez, le ministre de l’Intérieur français.

M. Nunez et la ministre de la Culture, Rachida Dati, ont demandé lundi aux préfets de renforcer, si nécessaire, les dispositifs de sécurité autour des établissements culturels et de dresser un inventaire des biens patrimoniaux « précieux ».

Dans un pré-rapport consulté lundi par l’Agence France-Presse (AFP), la Cour des comptes, institution chargée de vérifier l’emploi des fonds publics en France, déplore le « retard persistant » pris par le musée dans le déploiement d’équipements destinés à assurer la protection de ses œuvres.

La société israélienne de renseignement CGI Group, basée à Tel-Aviv, a affirmé lundi avoir été contactée par le Louvre pour enquêter sur le vol, une affirmation démentie dans la foulée par le musée.

Rappelé par l’AFP à Jérusalem, le p.-d.g. de CGI Group, Zvika Naveh, a précisé que « la demande [avait] été faite par un intermédiaire au nom du Louvre et d’autres entités, notamment des compagnies d’assurances ». Mais « c’est sûr que la police en France n’aime pas (l’idée) que nous soyons chargés de l’enquête en tant qu’entreprise extérieure israélienne », a-t-il estimé.

La présidente du musée du Louvre, Laurence Des Cars, va devoir rendre des comptes : elle sera auditionnée mercredi par la commission des Affaires culturelles du Sénat.

Huit minutes chrono

Le déroulé des faits s’est précisé depuis le vol.

Dimanche vers 9 h 30 (3 h 30 au Québec), une nacelle se cale sous un balcon. Après avoir découpé une vitre à la disqueuse, deux cambrioleurs s’introduisent dans la galerie d’Apollon, qui abrite la collection royale de gemmes et les diamants de la Couronne, soit environ 800 pièces.

Ils ouvrent deux vitrines à la disqueuse, scène partiellement filmée avec un téléphone portable, sans doute par un visiteur selon une source policière. Visages masqués, ils volent neuf pièces du XIXe siècle.

Un malfaiteur visible sur les images est vêtu d’un gilet jaune. Or les enquêteurs, qui disposent aussi d’images de vidéosurveillance, ont en leur possession un gilet jaune, récupéré après sa découverte par un « citoyen », selon la procureure de Paris Laure Beccuau.

La couronne de l’impératrice Eugénie, l’épouse de Napoléon III (empereur de 1852 à 1870), est abandonnée dans leur fuite par les malfaiteurs.

Mais sont emportées huit pièces « d’une valeur patrimoniale inestimable » selon les autorités. Parmi elles, le diadème d’Eugénie, qui compte près de 2000 diamants, et le collier de la parure de saphirs de Marie-Amélie, dernière reine de France (épouse de Louis-Philippe Ier, roi des Français de 1830 à 1848), et d’Hortense de Beauharnais (mère de Napoléon III).

Outre leurs illustres propriétaires, ces bijoux avaient toute leur place au musée car ce sont des « œuvres artistiques exceptionnelles », a estimé Didier Rykner, directeur de la rédaction du site La Tribune de l’Art.

Au total, l’opération dure huit minutes.

Risque de dépeçage

Les pièces volées sont difficiles sinon impossibles à revendre en l’état. D’après Laure Beccuau, les auteurs peuvent avoir agi « au bénéfice d’un commanditaire » ou avoir voulu obtenir « des pierres précieuses pour pratiquer des opérations de blanchiment ».

Dans ce contexte, les experts alertent sur le risque de dépeçage de ces pièces historiques, dont les pierres et perles seraient desserties et remontées pour faire d’autres bijoux.

« Si on ne retrouve pas ces bijoux très vite, ils vont disparaître, c’est sûr », s’inquiète l’historien spécialiste des bijoux Vincent Meylan. « C’est là où le trésor devient inestimable. On risque de perdre des morceaux de l’histoire de France », abonde l’historien Pierre Branda.

Interpol a annoncé lundi sur X avoir intégré les précieux joyaux dans sa base de données sur les œuvres d’art volées, qui en compte plus de 57 000.

Ce vol est le premier recensé au Louvre depuis celui, en 1998, d’un tableau du peintre français Camille Corot jamais retrouvé.

Au lendemain du cambriolage au Louvre, le ministère italien de la Culture a annoncé le développement de systèmes de sécurité basés sur l’intelligence artificielle, capables de détecter les comportements suspects autour d’objets d’une valeur inestimable.