Alors que les récentes semaines ont vu plusieurs incidents attribués à la flotte fantôme russe, l’Union européenne veut prendre une initiative de coordination dans le domaine.

Le service diplomatique de l’Union européenne (EEAS) devait présenter, lundi 20 octobre, aux États membres un projet de déclaration visant à encadrer le contrôle de la flotte fantôme russe. Selon des sources relayées par Reuters, ce texte, actuellement en discussion, doit être finalisé d’ici fin novembre. Il marque une nouvelle étape dans la stratégie européenne face aux navires soupçonnés de contourner les sanctions imposées à la Russie, en transportant son pétrole et son gaz.

Le document appelle les États membres à renforcer les inspections des navires suspectés d’appartenir à cette flotte, tout en établissant une coopération formalisée avec les États de pavillon. L’EEAS propose ainsi la conclusion d’accords bilatéraux permettant des « embarquement pré-autorisés » sur les pétroliers concernés. Ces inspections coordonnées seraient un levier juridique inédit.

Cette initiative s’inscrit dans la continuité des actions engagées par plusieurs pays européens, dont la France, l’Allemagne et l’Estonie, qui ont déjà immobilisé des bâtiments soupçonnés de violer le régime de sanctions. Le président Emmanuel Macron a récemment appelé ses partenaires à adopter une attitude plus offensive, citant la détention du pétrolier Boracay au large des côtes françaises. Selon lui, « même un simple retard de quelques heures » peut désorganiser les circuits logistiques de cette flotte, composée de navires changeant régulièrement de nom, de pavillon et d’immatriculation. Cependant, pour mémoire, la question de la base juridique de l’arraisonnement du Boracay reste toujours peu détaillée. Mer et Marine, qui a interrogé l’administration maritime française à ce sujet, attend toujours des précisions.

D’après Reuters, le texte de l’EEAS insiste sur les risques multiples posés par la flotte fantôme : sécurité des équipages, danger environnemental et atteinte à la stabilité maritime. Beaucoup de ces navires, vieillissants et mal entretenus, procèdent à des transferts de cargaison en mer dans des conditions précaires. Le service diplomatique souligne aussi le lien potentiel avec des opérations de guerre hybride, évoquant les drones non identifiés observés ces derniers mois au large du Danemark et de l’Allemagne. Les autorités de ces deux pays soupçonnent que certains appareils aient pu être lancés depuis des navires non déclarés opérant sous fausse identité.

Le projet de déclaration prévoit également d’élargir le dispositif à l’ensemble des services logistiques qui soutiennent la flotte fantôme. Les États membres sont ainsi invités à cibler les opérations de soutage et d’avitaillement, afin de restreindre l’accès au carburant et aux services portuaires pour les bâtiments sanctionnés. Cette approche complète les mesures déjà prises par l’Union européenne pour réduire la dépendance énergétique à la Russie. L’EEAS évoque notamment l’échéance du 1er janvier 2027 pour la fin complète des importations de gaz naturel liquéfié (GNL) russe, qui continuent notamment d’être acheminé dans les terminaux méthaniers français. 

Les estimations situent la taille de la flotte fantôme entre 600 et 1400 navires. L’Union européenne a déjà sanctionné plus de 400 d’entre eux, et le 19ᵉ paquet de sanctions, attendu dans les prochaines semaines, devrait porter ce total à environ 560 navires. 

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