Un «clasico» de la politique suisse dans cet épisode: les relations Suisse-Union européenne (UE). Il y a comme un climat d’Espace économique européen, un débat aussi factuel qu’émotionnel. On assiste même à des duels entre anciens conseillers fédéraux libéraux-radicaux (PLR): Johann Schneider-Amman, opposé au paquet, Pascal Couchepin, favorable.

Le PLR s’est d’ailleurs réuni samedi 18 octobre pour poser la base de sa réponse à la consultation fédérale. Il a approuvé le paquet d’accords Berne-Bruxelles et soutenu un vote à la majorité simple du peuple, comme proposé par le Conseil fédéral, et pas à la double majorité peuple-cantons comme souhaité par certains dans le parti. Les tensions au sein du PLR restent très fortes. De son côté, l’Union suisse des arts et métiers (USAM), acteur économique important, prendra position à la fin du mois, mais son comité directeur s’est déjà montré «critique» sur les nouveaux accords et a soutenu la double majorité. Une prudence qui peut surprendre de la part d’une organisation économique.

La consultation publique se terminera fin octobre et le Conseil fédéral présentera ses conclusions début 2026, puis le parlement fédéral commencera ses travaux au printemps prochain. Quant au vote populaire, il pourrait avoir lieu en juin de l’année électorale 2027 ou après les élections fédérales. C’est une des nombreuses pommes de discorde dans ce dossier.

Céline Amaudruz: «J’ai envie de rappeler que l’Union européenne n’est pas plus tendre avec nous que Trump!»

Pour planter le décor, quoi de plus logique qu’un face-à-face entre le Mouvement européen suisse et l’Union démocratique du centre (UDC)? C’est le casting choisi par Sous la Coupole. Vincent Maitre, vice-président du Mouvement européen suisse et du Centre, face à Céline Amaudruz, vice-présidente de l’UDC. Deux conseillers nationaux genevois irréconciliables sur ce dossier.

Enregistrement du podcast «Sous la Coupole» avec comme invités: Céline Amaudruz et Vincent Maître, interviewés par Romaine Morard et Romain Clivaz, rédaction du Temps, le 16 octobre 2025 — © David Wagnières pour Le Temps


Enregistrement du podcast «Sous la Coupole» avec comme invités: Céline Amaudruz et Vincent Maître, interviewés par Romaine Morard et Romain Clivaz, rédaction du Temps, le 16 octobre 2025 — © David Wagnières pour Le Temps

De quoi parle-t-on? En très résumé, il s’agit de l’adaptation des accords d’accès au marché européen du premier paquet d’accords bilatéraux, de la participation à des programmes UE comme la recherche, d’une hausse de la contribution financière pour la cohésion de l’UE et de trois nouveaux accords: électricité, sécurité alimentaire, santé.

Dans ce choc frontal, aucune concession et même pas d’entente sur le nom de l’objet entre nos deux intervenants, entre paquet Suisse-UE, bilatérales III ou accord de soumission. Et que faire face à la punition tarifaire américaine inattendue de cet été? Privilégier Bruxelles face à Washington? «Il y a une erreur à ne pas commettre, c’est de se laisser enfermer dans cette dualité», estime Céline Amaudruz, «ça doit être les deux, et encore d’autres pays. Aujourd’hui, l’important, c’est la diversification. On pourrait comparer la Suisse à une petite PME, et on sait que l’important, c’est d’avoir plutôt 10 clients à 10% que 1 à 60% et le reste. Aujourd’hui, on a tous envie de dire que Trump est le méchant. C’est clair que c’est peu aimable ce qu’il a fait. Mais j’ai envie de rappeler que l’Union européenne n’est pas plus tendre avec nous! Lui, il parle de 39%, donc, c’est clair, c’est une taxe douanière. L’Union européenne nous dit «si vous ne reprenez pas de manière dynamique, pour ne pas dire automatique, le droit, alors on vous sanctionne et vous payez». Donc, à la fin, on doit payer des deux côtés.»

Vincent Maitre: «C’est nous qui demandons à aller jouer la Champions League»

Vincent Maitre désapprouve et tient à «rappeler l’enjeu majeur» puisqu’il «s’agit tout simplement de faire perdurer des contrats, parce que les accords bilatéraux, ce sont des contrats sectoriels, qui ont fait la prospérité de la Suisse… Ces contrats, si on ne les renouvelle pas, arrivent à échéance les uns après les autres… On revient un peu à l’âge de pierre économique suisse.»

Enregistrement du podcast «Sous la Coupole» avec comme invités: Céline Amaudruz et Vincent Maître, interviewés par Romaine Morard et Romain Clivaz, rédaction du Temps, le 16 octobre 2025 — © David Wagnières pour Le Temps


Enregistrement du podcast «Sous la Coupole» avec comme invités: Céline Amaudruz et Vincent Maître, interviewés par Romaine Morard et Romain Clivaz, rédaction du Temps, le 16 octobre 2025 — © David Wagnières pour Le Temps

La reprise du droit européen et le règlement des désaccords Suisse-UE divisent aussi. Pour Céline Amaudruz, «le juridique prendra le pas sur le politique» avec les mécanismes négociés, alors que, pour Vincent Maitre, l’Union européenne ne nous imposera pas son droit: «Quand vous êtes membre d’une équipe de foot et que votre équipe participe à un championnat, il faut quand même être d’accord sur les règles de base, à savoir qu’il y a un arbitre, un terrain de jeu qui fait telle ou telle dimension, etc.» Même si une des équipes peut changer les règles du jeu? «C’est nous qui demandons à aller jouer la Champions League. La moindre des choses, c’est de dire qu’on est d’accord de jouer sur un terrain rectangulaire si possible avec de l’herbe et qu’un arbitre siffle des fautes quand il y en a. C’est aussi simple que ça.»

Un échange sous forme d’amuse-bouche épicé d’un débat aussi économique que juridique et identitaire

Pas d’entente non plus sur le rôle d’interprétation des désaccords par la Cour de justice de l’Union européenne de Luxembourg et opposition fondamentale sur la clause de sauvegarde, ce fameux frein migratoire obtenu de haute lutte selon nombre de diplomates suisses et le conseiller fédéral Ignazio Cassis. Vincent Maitre salue un instrument ciblé et sur mesure, qui tient compte des réalités sectorielles et cantonales: «Ce n’est pas un couperet qui tombe et puis fini, terminé, on bloque les frontières…» Mais Céline Amaudruz ne fait pas confiance au parlement et à l’administration, qui devraient élaborer les détails du mécanisme: «On nous brandit cette clause de sauvegarde comme un trophée… La clause de sauvegarde, elle y est déjà, dans la Constitution. C’est l’initiative du 9 février 2014 [«Contre l’immigration de masse»]. On a bien vu ce que le parlement en a fait. Rien du tout!»

Un échange vif, souvent frontal. Un amuse-bouche épicé d’un débat aussi économique que juridique et identitaire et qui s’annonce houleux au parlement fédéral et dans les urnes. Bonne écoute!

►Tous les épisodes de notre podcast «Sous la Coupole» sont à retrouver ici.