Pour quelle raison avez-vous choisi de nommer votre trio musical (Sarah Cracknell-Bob Stanley-Pete Wiggs) par le nom de la ville préfecture de la Loire ?

« Parce que dans les années 1970, l’AS Saint-Étienne était considérée comme un club très cool en France. Et lorsque les Verts ont atteint la finale de la Coupe d’Europe à Glasgow (1976), ils ont développé une véritable communauté de supporters en Grande-Bretagne. Leurs tenues étaient vraiment cools, les joueurs incroyables et leur jeu vraiment audacieux. Ils faisaient preuve de bravade, comme des pirates avec un coutelas. Tout le monde avait un faible pour eux et c’était triste quand ils ont perdu contre le Bayern Munich. »

« Pete et moi avions eu l’idée de ce nom quand on était à l’école, vers 15 ans, alors qu’on n’avait pas encore de groupe. Donc, le nom est venu en premier ! Mais Pete et Sarah n’aiment pas le football autant que moi. »

Vous avez quand même une équipe préférée en Angleterre ?

« J’aime bien le football des divisions inférieures. Quand j’étais jeune, j’allais voir des matchs amateurs et c’est ce que j’ai toujours suivi. Mais j’aime bien aussi Liverpool et Arsenal. Je suis né à Croydon, dans le sud de Londres, donc Crystal Palace est mon équipe locale. Sarah est fan des Queens Park Rangers. »

« Les Verts des années 1970 incarnaient une sorte de romantisme »

Pour vous, l’AS Saint-Étienne est-elle indissociable de la culture populaire ?

« Oui. Je me souviens bien du match contre Liverpool (1977). J’ai un ami de Liverpool à qui on a offert un maillot de l’ASSE quand il était petit. Et il me l’a ensuite offert pour mon fils ! Saint-Étienne avait une place spéciale dans nos cœurs et c’est un nom qui sonne bien. Et ce n’est pas pour des raisons religieuses ! Mais aucun de nous n’est déjà allé à Saint-Étienne. »

Pensez-vous qu’il y a un lien entre la pop culture que vous représentez et l’AS Saint-Étienne des années 1970 ?

« Je pense que oui. Les Verts des années 1970 incarnaient une sorte de romantisme. Ils étaient comme des outsiders. Le club n’était pas le plus riche et avait une base de fans plutôt ouvrière. Il représentait beaucoup de choses que nous aimons. »

Le public anglais vous demande-t-il souvent pourquoi vous avez choisi le nom d’une ville française ?

« Absolument. En 1990, le football britannique traversait une période très difficile après les drames de Hillsborough (1989), du Heysel (1985) et le désastre de Valley Parade à Bradford (1985). Je pense que la Coupe du monde en Italie correspond à la première fois où Anglais se sont vraiment remis au football depuis longtemps. C’est à ce moment-là qu’on a commencé et qu’est sorti notre premier album (Foxbase Alpha). Après ça, porter le nom d’un club de foot ou d’un joueur est devenu très populaire. »

« Il y avait des groupes qui se sont appelés Eusébio, Pelé ou Boca Juniors (il y a aussi le groupe de rock français Astonvilla créé en 1994, N.D.L.R.). Mais je crois qu’on était les premiers à porter le nom d’une équipe de foot. On s’est toujours considérés comme un groupe européen plutôt qu’un groupe anglais. Surtout en ce moment parce qu’il y a beaucoup de nationalisme désagréable. C’est donc une bonne chose d’avoir un nom qui vient d’un pays étranger. »

« Enregistrer cet album, c’était comme faire une fête quand on quitte un travail »

En septembre, vous avez annoncé la séparation du groupe avec la sortie de votre dernier album, International. Pourquoi mettre fin à cette aventure ?

« Je pense qu’on arrive tous à l’âge de la retraite, donc c’est logique. Il semble opportun d’arrêter tant que nous sommes encore assez populaires. »

Dub, funk, rock, indie dance, sonorités électroniques… Vous souhaitiez que cet album final réunisse tous les styles que vous avez explorés ces 35 dernières années ?

« Ce n’était pas vraiment intentionnel. Mais quand on a décidé que ce serait le dernier album, ça nous a évidemment fait réfléchir à ce qu’on avait fait jusqu’à présent. Et je pense que ça a influencé la manière dont l’album sonne. »

Il y a beaucoup de featurings dans cet ultime album. Vous aviez envie de le partager avec plein d’amis ?

« C’était comme faire une fête quand on quitte un travail. Donc, oui, on voulait inviter des gens avec qui on avait déjà travaillé, comme les Chemical Brothers et d’autres qui étaient les héros de notre adolescence, tels Vince Clark et Nick Heyward. »

« Ce serait bien de jouer à Saint-Étienne, nous avons besoin d’un promoteur »

En 35 ans avec le groupe Saint Etienne, quel est votre meilleur souvenir ?

« Je crois que c’était la première fois qu’on était à “Top of the Pops” (une émission musicale britannique culte diffusée sur la BBC, N.D.L.R.). On la regardait tous depuis l’enfance et c’était le summum de ce qu’on pouvait faire. Donc, la première fois qu’on a fait ça, c’était incroyable. Je crois qu’on l’a fait six fois au total. »

Après la réalisation d’International, allez-vous faire une tournée ?

« J’espère. Je pense que ce sera l’année prochaine. On a vraiment envie de jouer en Europe, parce qu’on n’y a pas joué depuis longtemps. »

Pour la dernière, il faut impérativement jouer à Saint-Étienne. Et on vous emmènera voir un match au stade Geoffroy-Guichard …

« Ce serait génial ! On ne nous a jamais demandé de jouer à Saint-Étienne. Ce serait bien, nous avons besoin d’un promoteur. Vous pensez que les gens viendraient ? »

Le groupe avait repris un célèbre titre d’Étienne Daho

En 1995, le groupe Saint Etienne sortait le titre He’s on The Phone, une reprise du titre Week-end à Rome d’Étienne Daho.

« Il était venu nous voir quand on a joué à Paris vers 1993, se souvient Bob Stanley. Il nous avait dit qu’il voulait travailler avec nous. On a donc fait un EP ensemble (Reserection). C’était une drôle de chose à faire, car nos noms étaient similaires. Il nous appréciait beaucoup et c’était formidable de travailler avec cet homme tellement adorable qui vivait à Londres à cette époque. »

Le cofondateur du groupe britannique de la scène underground avoue avoir une relation particulière avec l’Hexagone : « J’adore le cinéma français et la Nouvelle Vague en particulier. Et j’adore la musique française des années 1960 et 1970 telles les chansons de Serge Gainsbourg, Jacques Dutronc, Michel Polnareff et Françoise Hardy. J’aime les auteurs de bandes originales comme Georges Delerue : sa musique qui accompagne les films de François Truffaut est formidable. Et je suis aussi un grand fan de cuisine française. »