l’essentiel
Donald Trump et Vladimir Poutine se rencontreront cette semaine à Budapest, la capitale hongroise, pour leur deuxième sommet destiné à trouver une issue à la guerre en Ukraine. Que peut-on en attendre ? Entretien avec Jean Radvanyi, professeur émérite à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco).

Une rencontre se profile entre Donald Trump et Vladimir Poutine à Budapest. Comment interprétez-vous ce sommet ?

Ce sommet s’inscrit dans la logique très particulière de Donald Trump, qui veut avant tout donner l’image d’un artisan de la paix. Peu importe la complexité des enjeux : il cherche à pouvoir dire « j’ai mis fin à la guerre ». C’est une logique de communication plus que de stratégie. Il lui faut un cessez-le-feu, ou quelque chose qui y ressemble, pour asseoir cette image.

À lire aussi :
DECRYPTAGE. Donald Trump : boudé pour le prix Nobel de la Paix, impuissant face à Poutine, le président américain savoure un succès diplomatique en Israël

Pourtant, on a eu le sentiment ces derniers mois que Trump avait durci le ton vis-à-vis de Moscou.

Oui, c’est vrai qu’il a semblé, un temps, vouloir réagir plus fermement à Poutine. Mais la réalité est plus nuancée. La rencontre récente entre Trump et Zelensky à la Maison-Blanche s’est d’ailleurs très mal passée, du point de vue ukrainien. Trump avait eu une longue conversation avec Poutine avant de recevoir son homologue ukrainien, et depuis, il a refusé de livrer certaines armes promises à Kiev.

À lire aussi :
Donald Trump à Vladimir Poutine : « Ça te dérange si je donne des milliers de Tomahawk à l’Ukraine ? »… Le maître du Kremlin « n’a pas aimé l’idée »

On ne connaît qu’une partie des échanges, mais tout indique qu’il y a eu des discussions parallèles entre les équipes des deux dirigeants. Et il semble que ce soit Poutine lui-même qui ait pris l’initiative de recontacter Trump avant la rencontre avec Zelensky pour lui faire plusieurs propositions.

Justement, plusieurs médias américains affirment que le Kremlin proposerait un échange territorial : la Russie conserverait Donetsk et Louhansk, en échange de petites zones de Zaporijjia et Kherson. Est-ce crédible ?

Oui, c’est cohérent avec ce que veut Poutine. Trump a laissé entendre à plusieurs reprises qu’un tel accord pourrait servir de base à une “paix” entre les deux pays. Mais ni Zelensky, ni le peuple ukrainien ne peuvent accepter de telles concessions, sauf sous une pression immense.

Trump, lui, agit un peu comme il l’a fait avec Israël : il impose ses vues, convaincu de détenir la solution. Sauf que, dans ce dossier, un troisième acteur complique tout : l’Union européenne.

À lire aussi :
Guerre en Ukraine : Donetsk en échange d’un retrait des troupes russes ailleurs… La proposition de Poutine à Trump pour mettre fin au conflit

L’Union européenne peut-elle vraiment peser si Trump se désengage ?

Honnêtement, c’est très hypothétique. Certains dirigeants européens affirment que, si Washington lâche Kiev, l’Europe prendra le relais. Mais elle n’en a pas les moyens. Ni militaires, ni politiques. L’Union européenne apparaît faible dans ce dossier. Et Poutine le sait parfaitement. En choisissant Budapest, il fait un coup double : il s’appuie sur Viktor Orban, dirigeant hongrois proche de Moscou et de Trump, et il accentue les divisions au sein du Vieux continent.

Pensez-vous que ce sommet puisse déboucher sur un “nouveau discours” de Trump, voire sur une annonce spectaculaire ?

Avec Trump, tout est possible. Il pourrait très bien annoncer un accord avec la Russie, ou inviter Zelensky à la dernière minute. Ce serait dans son style. Mais son objectif principal reste d’apparaître comme celui qui “ramène la paix”. Cela correspond à son ambition de se poser en faiseur de paix international. Et pourquoi pas, de viser un prix Nobel

À lire aussi :
Guerre en Ukraine : Poutine « est assez semblable au Hamas, mais il est plus fort »… comment Zelensky pousse Donald Trump à se montrer plus ferme

Si un accord était trouvé à Budapest, quel impact cela aurait-il sur la sécurité européenne et sur l’Otan ?

C’est une question essentielle, et pourtant largement éludée. À un moment donné, il faudra bien une solution politique. Cela implique de parler avec Moscou, même avec un dirigeant autoritaire comme Poutine. Tant qu’on refusera d’aborder franchement cette question, on restera dans le provisoire.

Trump, lui, peut imposer un cessez-le-feu s’il cesse de livrer des armes ou de fournir le renseignement satellitaire à Kiev. Mais cela reviendrait à placer l’Ukraine dans une situation de faiblesse extrême. En résumé, ce serait une paix imposée, pas une paix négociée. Et derrière l’effet d’annonce, le rapport de force resterait inchangé.