Quand l’alliance devient dépendance

Officiellement, la Russie parle de coopération. En réalité, c’est une dépendance croissante qui s’installe. Privée de son accès aux technologies et marchés occidentaux, Moscou s’est tournée vers ses voisins asiatiques pour tenir le choc économique et militaire. En 2023, les échangent commerciaux entre la Russie et la Chine ont atteint un niveau record de 240 milliards de dollars (221,78 milliards d’euros) selon les chiffres de l’agence Reuters. Pékin est ainsi devenue, en quelques mois, le premier partenaire commercial de Moscou. Mais cette relation a un prix. Et il se paie, entre autres, à Vladivostok, Khabarovsk ou Sakhaline, loin des regards européens.

La Chine aide-t-elle la Russie dans la conception de drones ? Une enquête l’affirme, malgré les dénégations de Pékin

D’après les estimations du Service de renseignement extérieur ukrainien, plusieurs milliards de roubles d’investissements chinois sont injectés dans l’Extrême-Orient russe, souvent sans véritable contrepartie stratégique pour le Kremlin. Il ne s’agit pas de développement d’infrastructures durables, mais de flux commerciaux, d’implantations locales et de prise de contrôle progressive des circuits économiques.

Et ce mouvement ne concerne pas seulement les entreprises. Près de deux millions de ressortissants chinois vivraient aujourd’hui dans la région. Grâce à des régimes de visas souples et des zones attractives, certains districts russes ressemblent désormais davantage à des extensions économiques de la Chine qu’à des bastions russes.

Une évolution préoccupante pour le Kremlin qui, selon Kiev, transforme cette région stratégique en zone d’influence partagée entre deux puissances nucléaires.

La Corée du Nord s’incruste également

Pendant que Pékin alimente le circuit de capital, la Corée du Nord, elle, fournit les bras. Officiellement, 15 000 Nord-Coréens ont été envoyés travailler dans l’Extrême-Orient russe ces douze derniers mois. Officieusement, ce chiffre serait trois fois plus élevé. Ces travailleurs, souvent cantonnés à des tâches pénibles et peu rémunérées, rapportent à Pyongyang jusqu’à 500 millions de dollars par an, selon le rapport ukrainien.

Invité d’honneur à Pékin, Vladimir Poutine peut compter sur le soutien de la Chine et de la Corée du Nord

Une main-d’œuvre exploitée, mais acceptée par Moscou pour pallier la crise démographique et le manque criant de travailleurs dans la région.

Une souveraineté grignotée

L’inquiétude, côté russe, est palpable. Et pour cause : 40 % du territoire national se trouve à l’est de l’Oural. Ce sont 7 millions de kilomètres carrés que le Kremlin peine à administrer, protéger et développer. En se reposant sur la Chine et la Corée du Nord, Moscou affaiblit son contrôle sur cette région clé.

Le risque ? Une vassalisation progressive, où Pékin exercerait une domination économique de fait, pendant que Pyongyang structurerait des réseaux de dépendance sociale. À long terme, cette dynamique pourrait redessiner l’équilibre géopolitique de l’Asie du Nord-Est, en écartant la Russie de sa propre arrière-cour.