Adèle Yon - Celle qui chassait les fantômes - mensuel n°383

© Charlotte Krebs/Éditions Julliard

Trois épais volumes gris à reliure noire, empilés sur un parquet clair. Comme beaucoup de jeunes thésardes, Adèle Yon a posté sur Instagram, juste après sa soutenance en décembre 2024, une photo du résultat de ses années de labeur. À la différence près que sa thèse dite de « recherche-création », au croisement de l’histoire, de la psychiatrie et des études cinématographiques, est alors déjà un livre : début février 2025, la chercheuse sort en librairies une version quasi identique de cette thèse, dont elle a gardé le titre, Mon vrai nom est Élisabeth.

« J’ai envoyé ma thèse à des maisons d’édition »

« J’ai fait une expérience, souligne-t-elle. Quand j’ai fini ce texte, je l’ai envoyé le même jour à mes directeurs de thèse et à des maisons d’édition : est-ce que ce même objet pouvait à la fois être considéré comme une recherche valide et comme une œuvre littéraire ? »

Quand on arrive, un matin de septembre, chez son éditeur à Paris, Adèle Yon est en train de poser pour le quotidien suisse Le Temps. En un peu moins de huit mois, son livre s’est écoulé à 160 000 exemplaires et a décroché une série de distinctions, le prix littéraire du Nouvel Obs, le prix des lectrices de Elle, le prix France Télévisions de l’essai ou le prix Régine-Deforges du premier roman, qui traduisent sa nature hybride, académique et grand public, documentaire et romanesque.

Mon vrai nom est Élisabeth

D’un destin individuel à une faute collective. « Ce livre est pour nous : qu’il nous libère », conclut Adèle Yon à l’issue des remerciements de Mon vrai nom est Élisabeth. Des années durant, la chercheuse a enquêté minutieusement sur le destin de son arrière-grand-mère, internée pendant près de deux décennies, en entrecroisant les sources : des recherches dans les archives familiales, mais aussi sanitaires, de longs entretiens avec les membres de sa famille, une exploration des archives de presse et des dossiers médicaux narrant le travail de psychochirurgiens, comme le Français Marcel David et l’Américain Walter Freeman… À la clé, une description crue et sensible de la façon dont les institutions au sens large – établissements psychiatriques, famille – ont (mal)traité, au milieu du 20e siècle, des femmes qu’il ne s’agissait pas tant de soigner que de remettre à leur place, subalterne.

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