Jamais on n’avait vu de vendeur de maïs chauds au Petit Palais. Trônant avec son caddie à la sortie du métro Barbès-Rochechouart, il est le pendant contemporain des Halles, ventre grouillant de Paris, immortalisées par Léon Lhermitte en 1895 sur quatre mètres par six – la plus grande toile du musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris. Ailleurs, des coursiers Deliveroo se reflètent dans les miroirs de cafés parisiens. Puis, c’est un jeune garçon noir sur sa trottinette qui nous fixe, tel un petit prince des temps modernes.

Les 21 toiles, que le peintre prodige de 37 ans Bilal Hamdad dévoile pour sa première exposition dans un musée, impressionnent. Magnifiquement, l’artiste diplômé des Beaux-Arts de Sidi Bel Abbès, en Algérie, et de ceux de Paris, investit les collections permanentes et fait dialoguer le Paname d’aujourd’hui avec les maîtres anciens. À travers ses grands formats truffés de références artistiques et de citations, les ponts que cet artiste franco-algérien jette entre passé et présent sont vertigineux.

En dialogue avec les maîtres

Bilal Hamdad, Reflets

Bilal Hamdad, Reflets, 2024

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Huile sur toile • 245 × 200 cm • Coll. particulière • Courtesy de Bilal Hamdad et TEMPLON, Paris, Bruxelles, New York / © Photo Isabelle Arthuis / © Adagp, Paris, 2025

Bilal Hamdad photographie d’abord, inlassablement, le métro, les bars enfumés, les foules. Puis, dans son atelier de Pantin, il compose ses grandes toiles avec une virtuosité stupéfiante et une patience d’orfèvre. D’ailleurs, sur Paname, une toile entamée en février dernier spécialement pour cette exposition, l’huile est encore fraîche. Chaque regard perdu, chaque silhouette fuyante et chaque jeu de lumière – sur une carafe, un crâne chauve, une balustrade – est rendu avec une émotion qui confine au génie.

Ce naturalisme qui régale l’œil recèle un jeu de pistes érudit. Ancien footballeur (son autre passion), Hamdad dribble d’un grand maître à l’autre. Pendant sa résidence à la Casa de Velázquez à Madrid, il a passé des heures au musée du Prado, en particulier devant Diego Vélasquez. Les Ménines, une obsession, planent sur Reflets (2024) et habitent Le Mirage (2021). Dans Rive droite, c’est une affiche publicitaire qui fait ressurgir le modèle nu de L’Atelier de Gustave Courbet ; quand Odalisque (2023) côtoie François Boucher.

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Reflets de notre époque

Scrutant sa société comme le firent les impressionnistes au XIXe siècle, la peinture de Hamdad montre du vrai. Elle rend visible les invisibles, ceux qui traversent les gares et qui « ne sont rien », diront certains. Ils sont serveurs dans la pénombre, agents de nettoyage, vendeurs ambulants.

Bilal Hamdad, Nuit égarée

Bilal Hamdad, Nuit égarée, 2023

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Huile sur toile • 160 × 200 × 4,5 cm • Coll. et © Fondation François Schneider, Wattwiller / Photo Steeve Constanty / © Adagp, Paris, 2025

Surtout, Bilal Hamdad ose se faire entrechoquer histoire de l’art et tragédies actuelles, notamment dans sa série en hommage aux migrants, où les corps flottants (ses amis qu’il a fait poser au bois de Vincennes) évoquent l’Ophélie de John Everett Millais. La démonstration remarquable que la grande peinture sait mieux que nulle autre capturer notre époque.

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Bilal Hamdad. Paname

Du 17 octobre 2025 au 8 février 2026

www.petitpalais.paris.fr

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Visite exceptionnelle de l’exposition en compagnie de l’artiste

Les 28 novembre et 19 décembre 2025 à 18h30

Assistez à un moment privilégié au cours duquel Bilal Hamdad, accompagné de la commissaire Sixtine de Saint-Léger, présente ses œuvres et les coulisses de l’exposition.

Une troisième et dernière date est prévue en janvier 2026.

Plus d’informations sur le site du Petit Palais