CRITIQUE – Au théâtre Antoine, le comédien, qui remonte sur les planches après treize ans d’absence, s’en sort plutôt bien.
Le père Tuche en bourgeois gentilhomme, il fallait oser. Appliqué comme un élève qui vient de faire sa rentrée, dans le rôle-titre de la comédie ballet de Molière et Lully créée pour Louis XIV (1670), Jean-Paul Rouve s’en sort bien même s’il est parfois dans la récitation. Obsédé par l’idée d’être comme les « gens de qualité » et ainsi être accepté par les nobles, Monsieur Jourdain n’a de cesse de les imiter. Tous les moyens sont bons pour y parvenir, comme prendre des cours de philosophie (Jean-Louis Barcelona en maître désopilant). Le roué et perfide Dorante (parfait Michael Cohen) encourage le futur « Mamamouchi » dans cette voie. Celui-ci souhaite également s’attirer les faveurs de la pragmatique Dorimène (Eleonora Galasso). « Marquise, vos beaux yeux d’amour… »
Heureusement, Madame Jourdain (formidable Marie Parouty) et la servante Nicole (Audrey Langle), sans oublier son prétendant Covielle (Hugues Delamarlière), veillent au grain. Elle a prévu de marier leur fille Lucile (Marie Parisot, juste) à celui qu’elle aime, Cléonte, un roturier (convaincant Joseph Olivennes). Mais son mari ne l’entend pas de cette oreille : « Voilà bien les sentiments d’un petit esprit, de vouloir demeurer toujours dans la bassesse. Ne me répliquez pas davantage : ma fille sera marquise en dépit de tout le monde ; et si vous me mettez en colère, je la ferai duchesse ! » Travesti, enrubanné et pomponné, Jean-Paul Rouve imite Louis de Funès en héros bon enfant qui ne craint pas le ridicule. Son costume rappelle d’ailleurs celui de l’acteur qui veut se faire bien voir des Grands d’Espagne dans La Folie des grandeurs, de Gérard Oury (1971).
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Impasse sur quelques scènes
Si Jérémie Lippmann « assisté » de Sarah Gellé, actrice, et Sarah Recht, productrice, souhaitait offrir un divertissement, il y réussit en exploitant au maximum les ingrédients de la farce de Molière. Le décor demi-circulaire à la façon d’une piste de cirque signé Jacques Gabel facilite les entrées et les sorties des protagonistes. En revanche, le metteur en scène les soumet à un rythme qui fait l’impasse sur quelques scènes, comme le grand moment de solitude que vit Monsieur Jourdain au dernier acte. Et passe trop rapidement sur les personnages en misant plus sur le jeu de Jean-Paul Rouve que ceux de ses partenaires. Il est vrai qu’avoir gardé en mémoire Le Bourgeois gentilhomme revisité par le duo Valérie Lesort-Christian Hecq pour la Comédie-Française en 2023 n’aide pas.
Ici, dirigés de façon scolaire, joliment perruqués et habillés -Catherine Saint-Sever et Jean-Daniel Vuillermoz rivalisent d’imagination -, les quatorze comédiens s’avèrent inégaux. Cela dit, la musique dans l’esprit Grand siècle (David Parienti) emporte l’adhésion du public. Les enseignants de France et de Navarre peuvent emmener leurs ouailles au Théâtre Antoine les yeux fermés.
Le Bourgeois gentilhomme, au Théâtre Antoine (Paris 10e), jusqu’au 10 janvier.