Des moutons décapités alors qu’ils sont encore en vie, un porcelet « coincé entre les jambes d’un opérateur » tué en dehors de la chaîne d’abattage, des coups « d’une extrême violence » envers des bovins, aucun test d’inconscience réalisé… « La liste est longue, on a relevé plus de quinze violations des règles très minimales de la protection animale en abattoir », prévient Bérénice Riaux, chargée des enquêtes de L214. Une nouvelle enquête de l’association, publiée ce jeudi, révèle les conditions d’abattage « déplorables » des animaux dans l’abattoir public multi-espèces de Charlieu, dans la Loire.
« Au total, nous avons 4h30 d’infractions, enregistrées entre janvier et avril 2025 », précise la chargée d’enquête. Face à cette situation, L214 a porté plainte pour cruauté, sévices graves et mauvais traitements. Elle réclame la fermeture immédiate de cet établissement ainsi qu’un audit « de tous les abattoirs de la région », étant le troisième épinglé en cinq mois, et la publication des rapports.
« On n’a jamais vu la détresse des animaux d’aussi près »
Pour la première fois de toutes les enquêtes, des caméras ont été placées au sol, à l’entrée du box d’immobilisation des bovins et dans le dispositif d’étourdissement des cochons. « On n’a jamais vu la détresse des animaux d’aussi près », s’exclame la chargée des enquêtes, encore perturbée de ces images « particulièrement fortes ». « On voit leur regard terrorisé, leurs mouvements de recul… », souffle-t-elle.
C’est aussi la réaction qu’a eu Daniel Bravo, ancien joueur de football, en voyant ces images. Pour cette enquête, il a commenté les images, de manière qu’elles soient « plus regardables ». « Avoir une personnalité publique permet à la vidéo d’être plus vue, indique Bérénice Riaux. Et c’est notre but, pour que les choses évoluent dans la réglementation mais aussi dans la tête des gens. »
« Ne servons pas cette souffrance à nos enfants ! »
Dans la vidéo, Daniel Bravo souligne que « personne ne voudrait être à la place » des animaux, et invite les personnes à signer la pétition pour fermer l’établissement. « Et si comme moi, les images vous bouleversent, refusez de manger les animaux », insiste-t-il. « Ces images sont impensables à notre époque…, poursuit Daniel Bravo. Et j’apprends que la viande produite par cet abattoir est servie dans des écoles et des crèches : ne servons pas cette souffrance à nos enfants ! Il est de notre devoir, chacun à notre niveau, de combattre cette cruauté. »
Pour la première fois des enquêtes de L214, des images montrent la détresse des animaux « au plus près ». - L214
L214 porte également plainte pour « tromperie aux consommateurs », pointant qu’une partie est certifiée « bio » et qu’elle devrait alors respecter la charte « réduction de la souffrance animale au moment de l’abattage ». « Il y a aussi du Label Rouge, indique Bérénice Riaux. Dans l’imaginaire collectif, c’est censé être mieux, mais au vu des images, ce n’est pas le cas. Comment dire à son enfant “voilà, ce que tu manges, c’est de la souffrance” ? ! C’est inadmissible, particulièrement cruel et c’est en violation des règles minimales de protection animale. »
Des enquêtes L214 pour faire « changer » la société
La chargée d’enquêtes ajoute : « Par ailleurs, les images montrent les défaillances des services vétérinaires de la préfecture de la Loire dont l’une des missions est de s’assurer que l’abattage est conduit de manière à respecter la bientraitance des animaux avant et pendant l’abattage selon la réglementation en vigueur. » Pour elle, c’est « du bon sens » de fermer l’abattoir de Charlieu, « au vu du nombre d’infractions ».
Otre dossier sur la maltraitance animale
Pour L214, la multiplication d’enquête montre que des lanceurs d’alerte prennent conscience des non-conformités des établissements. « Mais il faut que ça aille plus loin, que les politiques suivent et que, simplement, il y ait une application de la loi dans les abattoirs, affirme Bérénice Riaux. La société doit se construire et évoluer différemment vis-à-vis des animaux exploités. »
Des investigations « approfondies » par la préfecture
Contactés, ni les responsables de l’établissement ni la communauté de communes de Charlieu n’ont répondu à nos sollicitations. De leur côté, les services de l’État de la Loire ont « tenu à exprimer leur vive préoccupation face aux éléments portés à leur connaissance », rappelant son « engagement constant en faveur du bien-être animal ».
« Dans le souci de la transparence et de la recherche de la vérité, les services de l’État se tiendront à la disposition des autorités compétentes et contribueront activement à l’enquête judiciaire en cours afin d’établir précisément les circonstances et les responsabilités », ont-ils fait savoir. Ils précisent qu’en parallèle de l’enquête de justice, ils « diligenteront dans les prochains jours des investigations administratives approfondies ».
En fonction des résultats de ces enquêtes, « des sanctions administratives complémentaires » pourront être données. « Les services de l’Etat assureront un suivi rigoureux de cette affaire à tous les niveaux », conclut la préfecture de la Loire.