Devenu obsolète face à un nombre de caméras de vidéoprotection ayant triplé en 10 ans, l’actuel Centre de supervision urbain (CSU) situé quartier de Tarentaize va déménager, non loin, au sein de l’« immeuble grande auteur » (IGH) avenue Emile-Loubet, ex CPAM, dont la Police Municipale est l’un des éléments de reconversion. Il en a été – aussi – question au dernier conseil municipal via une demande de subvention sur cet investissement adressée à la Région. De quoi dépasser le cadre du CSU et orienter le débat vers la sécurité tout court, rue Antoine-Durafour en totem d’un sujet brûlant.

Le nouveau CSU de Firminy dont la création a été en partie subventionnée par la Région. ©If Média / Xavier Alix

« L’amour » pour Saint-Etienne sera-t-il plus fort que la haine ? Cette « preuve » là, coûterait 100 000 € en subventions à la Région Auvergne-Rhône-Alpes, elle qui depuis 2016 développe une compétence sur la sécurité, allant bien au-delà de ses « obligations » sur les gares ou les lycées. En subventionnant, en particulier, les communes quant à l’extension de leur vidéoprotection ou « vidéosurveillance » selon les points de vue. Cela en relai systématiquement assumé d’un Etat qui a largement incité à son démarrage via ses subsides à partir de la fin des années 2000 mais qui, de nos jours, « ne le fait plus ou très ponctuellement », assurait à la presse le maire Gaël Perdriau, lundi 13 octobre, en amont du conseil municipal.

Derrière des échanges et un début de conseil plus qu’houleux en raison, logiquement, des échanges sur l’affaire de chantage, même pas deux semaines après la fin du procès à Lyon, il y avait de nombreuses délibérations à traiter. Dont cette demande de subvention, donc, auprès de la Région : un montant de 100 000 € sollicité pour aider à financer les 650 000 € HT que réclame nouveau Centre de supervision urbain (CSU) stéphanois, un CSU étant le poste de contrôle du système de caméras de sécurité déployé par une Ville. La profonde inimité qui anime les relations entre Gaël Perdriau et Laurent Wauquiez, ex-président mais toujours conseiller régional, n’a, a priori, pas de raison de jouer dans son approbation ou non. Pour exemple et rappel, il y a quelques années, la montée en gamme de la police municipale à Firminy et de ses équipements, entre autres un CSU neuf et l’extension du réseau de caméras, lui avait valu un soutien régional à hauteur de 205 000 € sur 2 M€ investis.

4 000 m2 neufs pour la Police Municipale

Pour rappel aussi, l’élue stéphanoise, ex adjointe à la tranquillité publique, Nicole Peycelon est membre de la majorité à la tête de la région, à défaut de l’être encore dans celle de Gaël Perdriau. Et les membres de son groupe, Saint-Etienne Avant Tout, se retrouvent pour la plupart en soutien, voire en membres actifs de la candidature d’union droite/centre aux Municipales 2026 menée par Dino Cinieri (lui aussi de la majorité régionale et même de l’exécutif en tant que conseiller spécial). Groupe évidemment favorable au projet de CSU et qui ne doute « pas que la Région étudiera cette demande de soutien avec beaucoup d’intérêt », signalait au dernier conseil municipal Robert Karulak… C’est l’une des nouvelles occupations affectées à l’« immeuble grande auteur » (IGH) avenue Emile-Loubet, ex CPAM, refait de fond en comble depuis 2023. Jusqu’à l’os.

Nous ne doutons pas que la Région étudiera cette demande de soutien avec beaucoup d’intérêt.

Robert Karulak, conseiller d’opposition Saint-Etienne Avant To

Si l’un des nouveaux occupants – siège social et services centraux d’Habitat Métropole – des 27 000 m2 disponibles devrait commencer à y aménager à partir de novembre, ce devrait être le cas de la Police Municipale d’ici l’été prochain. Il s’agit ici de lui accorder 4 000 m2 de locaux neufs sur les 13 000 du « socle », base de la « tour ». Le bureau de la rue Gérentet reste où il est (et la fourrière animale rue Florent-Evrard aussi) mais seront transférés à l’IGH le centre de commandement et PC de crise, actuellement à l’hôtel de ville ainsi que les bureaux à quelques pas de la place Roannelle où se situe également l’actuel CSU. Centre obsolète, ne serait-ce qu’au regard d’un nombre de caméras qu’il a à gérer : 434 à ce jour, trois fois plus qu’en 2014. Un parc qui continue à s’étoffer, à raison d’une dizaine supplémentaire par an (10 000 à 15 000 € par exemplaire en fonction des circonstances).

« Sans ça, l’Etat serait aveugle »

Doté d’un mur d’écrans ne permettant de visionner – c’est le cas 24 h/24, 7j/7 – que 14 caméras en même temps, le CSU est devenu obsolète, trop petit. « Ce qui ne laisse pas pour autant la moindre caméra en déshérence, comme il est faux de dire qu’une grande partie du parc est hors service, assure Gaël Perdriau. Avec un tel réseau, oui, il y a en permanence une petite partie en maintenance, ce n’est pas la même chose. » Pour lui comme pour son adjointe (depuis 2024) à la tranquillité publique Marie-Jo Perez, l’utilité du dispositif ne fait pas l’ombre d’un zoom (le financement local, donc de l’équité locale, d’une fonction régalienne étatique en revanche…) avec, en 2024, « 950 (et même 1 100 indiquées sur le site de la Ville, Ndlr) réquisitions judiciaires effectuées par les services de la Police Nationale et de la Gendarmerie Nationale, indique la seconde. 1 200 procès-verbaux rédigés, des bâtiments publics protégés comme les nombreuses événements manifestations de Saint-Etienne. »

Il est faux de dire qu’une grande partie du parc est hors service. Avec un tel réseau, oui, il y a en permanence une petite partie en maintenance, ce n’est pas la même chose.

Gaël Perdriau

Gaël Perdriau déclarait carrément en séance publique du conseil municipal que « sans ça, l’Etat qui ne dispose d’aucune caméra à lui, serait aveugle ». L’été prochain, la Police Municipale disposera donc d’un CSU de 245 m2 (contre 85 actuellement) pour 24 écrans et deux agents supplémentaires affectés au visionnage. L’après-midi, le vote de la délibération a davantage donné lieu à un débat sur la sécurité à Saint-Etienne, en général, avec l’exemple devenu hélas « totem » actuel de la rue Antoine-Durafour, objet d’opérations coups de poing de la part de l’Etat et autres réductions d’horaires d’épiceries de nuit, jugées génératrices ou au moins grosses contributrices à la problématique. La majorité tentant de défendre son bilan, celui de « la 4e ville de France y consacrant le plus de moyens alors que nous ne sommes que la 13e en population, selon un classement du Figaro (apparemment ici, classement à partir de 50 000 habitants) », brandit ainsi le maire qui rappelle avoir doublé les effectifs de la police municipale entre 2014 et 2020.

Un « constat effrayant »

Pourtant, le résultat devant les yeux n’est pas satisfaisant à en croire Robert Karulak, ex adjoint de la majorité, passé dans l’opposition en juin 2024 avec l’ensemble du groupe Saint-Etienne Avant Tout : « A Saint-Etienne, vous le savez, des quartiers sont victimes quotidiennement de comportements délinquants. Trafics de stupéfiants au vu et au su de tous, dégradation de mobilier urbain, tags provocateurs ou insultants, provocations de certains groupes, feux d’artifice et tirs de mortiers, rodéos urbains, nuisances sonores la nuit liées à des activités commerciales pourtant réglementées. Le tout nourri par un fort sentiment d’impunité. Malheureusement, cette liste est non exhaustive et le désarroi des Stéphanois confrontés est immense tant ils se sentent souvent oubliés. »

Projection architecturale du futur visage de l’IGH où s’installera la police municipale. ©Tectoniques Architectes et Dominique Vigier

Plusieurs membres du groupe Saint-Etienne Avant Tout se sont récemment rendus Antoine-Durafour pour voir de leurs yeux un « constat effrayant ». Constat face auquel, « nous pensons qu’en étroite concertation des habitants, des services de l’Etat, en dynamisant le travail commun entre polices municipales et nationales, il faudra dans les mois qui viennent élaborer des mesures innovantes et encore plus efficaces ». L’écologiste Olivier Longeon intervenait à son tour. A l’adresse du maire : « Vous avez mis beaucoup, beaucoup de temps pour vous rendre compte de ce qui se passait rue Antoine-Durafour. On en parle depuis des années. Un certain nombre d’interdictions qui ont été prises par vous récemment aurait pu l’être depuis bien plus longtemps. Mais pour cela, il faut écouter les habitants, ce qu’ils disent aux conseils de quartiers. Et pas à six mois des Municipales. Si vous écoutiez, vous auriez par exemple porté attention à notre idée de proposer des lieux négociés, d’attente, pour les livreurs type Uber. »

« On fait un travail remarquable »

L’adjointe Marie-Jo Perez tenait à signaler que « nous aussi, nous y allons dans cette rue (Antoine-Durafour, Ndlr). Nous sommes en contact permanent avec le collectif d’habitants qui envoie énormément de messages, de vidéos, transférées immédiatement à la Police Nationale qui travaille main dans la main avec la Police Municipale. On fait un travail remarquable, on y est, on est vraiment présent. Les habitants nous le disent. Les efforts sont là. Je ne peux pas laisser dire que nous ne sommes pas assez au travail. Tous les soirs, nous y sommes, tous les soirs, la police municipale verbalisent. Malheureusement c’est vrai, les procédures pour que cela aboutisse sont un peu longues (et objets de recours, celles qu’accorde un Etat de droit, Ndlr). » Et Jean Duverger (opposition écologiste) de suggérer de renforcer la prévention, de donner des « alternatives à l’ennui à ces groupes de jeunes à qui on n’offre rien d’autres ».

Les efforts sont là. Je ne peux pas laisser dire que nous ne sommes pas assez au travail.

Marie-Jo Perez, adjointe à la sécurité

Ces propositions, cette œuvre de prévention, elles existent déjà et se font au quotidien avec les éducateurs de rue, via le CLSPD rétorque la majorité. Et le manque d’éducateurs de rue, s’il en est, n’est pas le principal problème, estime Nicole Peycelon, rappelant que les commerces jugés problématiques sont tenus par « des personnes d’un certain âge, loin d’être des perdreaux de l’année ». Rappelant, aussi, que des mesures actuelles déjà prises au début du mandat, d’où la nécessité d’innover localement mais aussi, argue t-elle, de demander aux parlementaires des lois quelque peu plus sévères…      

Première des libertés pour certains, dans les différents programmes aux Municipales 2026, la sécurité et ses enjeux seront dans l’ensemble des listes probablement très bien positionnés…