Nadav Lapid semble avoir réussi son coup. Si le grand public a pu l’ignorer jusqu’ici, pour des films soit trop subtils (Le Policier, L’Institutrice) soit trop torturés (Synonymes, Le Genou d’Ahed), cela n’est plus guère possible avec ce Oui lancé comme une bombe (pacifique) en pleine mêlée. Même le fait d’avoir été refusé en compétition à Cannes par excès de prudence – la Quinzaine des cinéastes, moins exposée aux pressions, en a hérité – puis pris pour cible par des boycotteurs obtus finira par jouer en sa faveur. Conçu pour faire polémique, il n’en fera que plus parler de lui.

Sur écran large, le cinéaste sort le grand jeu: un «film de dégoût» fellinien, sorte de Dolce vita techno, dantesque et grotesque. A Tel-Aviv, le musicien Y (Ariel Bronz) et sa compagne Yasmin (Efrat Dor) vendent leur art, leur corps et leur âme dans des fêtes privées décadentes où le culte de l’argent, de la nation et de l’armée fait bon ménage avec la trinité alcool, drogue et sexe. C’est d’une vulgarité agressive, aussi pénible que le film de Paolo Sorrentino consacré à Berlusconi, Loro. Il s’avère bientôt que ce couple vit par ailleurs modestement en appartement avec un enfant en bas âge. Tandis qu’Y attend toujours sa chance, Yasmin ne gagne plus assez comme prof de danse hip-hop, d’où ces écarts schizophrènes.