La commission des Finances de l’Assemblée nationale a retoqué une mesure visant à supprimer un avantage fiscal pour les retraités censée générer d’importantes économies, en poursuivant ce mardi matin l’examen du projet de budget 2026. C’est l’un des points les plus irritants de ce projet examiné depuis lundi en commission : le remplacement de l’abattement fiscal de 10 % dont bénéficient les retraités sur leur pension par un forfait de 2 000 euros. Cette mesure aurait pour effet de légèrement réduire l’impôt sur le revenu de certains retraités les plus modestes, et d’augmenter celui des autres.

« Acharnement » pour un député breton LR

Mais elle a provoqué une levée de boucliers au sein de la commission des Finances, où la majorité des groupes se sont prononcés contre, de la France insoumise au Rassemblement national, en passant par les socialistes et Les Républicains. Leur vote devra encore être confirmé dans l’hémicycle à partir de vendredi. Le député LR Corentin Le Fur a dénoncé « l’acharnement » contre les retraités, rappelant qu’ils sont déjà largement mis à contribution avec le gel de leur pension prévu dans le projet de budget de la Sécurité sociale (PLFSS), dont l’examen en commission commence jeudi.

L’élue LFI Claire Lejeune a fustigé « l’indignité d’un budget », qui en « refusant d’aller taxer les plus riches » en est réduit à « aller taper sur les retraites ». Pour le socialiste Philippe Brun, c’est en vertu de l’égalité devant l’impôt que son groupe y est opposé, alors que les salariés bénéficient d’un tel abattement sur leurs revenus imposables.

Des limites visibles

Tout en reconnaissant plusieurs limites à cette mesure (qui avantagerait par exemple davantage les retraités en couple par rapport aux retraités isolés), le rapporteur général du budget Philippe Juvin (LR), a rappelé que l’abattement de 10 % coûte 5,3 milliards d’euros par an à l’État. Les députés écologistes ont préféré s’abstenir, et proposeront, comme Philippe Juvin, une nouvelle écriture lors de l’examen du projet de budget dans l’hémicycle, avec pour objectif d’épargner davantage les retraités modestes.

Seul à défendre la mesure au sein de la commission, le député et ancien ministre macroniste Guillaume Kasbarian a mis en avant les nombreux avantages fiscaux auxquels ont déjà droit les retraités, rappelant qu’ils ont un taux d’épargne record en France. L’élu a dénoncé une « classe politique », qui « par pur électoralisme », « refuse de toucher au moindre sujet qui concerne les retraités ».

Le retour d’une contribution sur les « super-dividendes »

Plus tôt dans la matinée, les députés s’étaient déjà opposés à la suppression d’autres avantages fiscaux, ceux concernant par exemple deux biocarburants : le Superéthanol-E85 et le B100 (biogazole à base de colza). Autre mesure de nature à creuser le déficit de l’État, adoptée mardi après-midi : un amendement de Philippe Brun (PS) proposant de réduire l’impôt des sociétés des PME.

En début de soirée, plusieurs amendements créant de nouvelles recettes ont été adoptés à l’initiative de la gauche : l’un d’Aurélien Le Coq (LFI) pérennise la « surtaxe tonnage » qui avait été créée l’année dernière, visant principalement l’armateur CMA-CGM. Également adoptés, des amendements identiques visant à mettre en place une contribution exceptionnelle sur les « super-dividendes » versés par les entreprises, ouvertement inspirés d’un dispositif proposé par le député Jean-Paul Mattei (MoDem) en 2022. Ce dernier a estimé que cet amendement était « cohérent à l’époque » mais qu’il y avait eu depuis des « évolutions », notamment l’instauration de la contribution différentielle sur les hauts revenus.

Tour de chauffe contraint

Les débats, qui avancent à vive allure alors que les députés sont sous la pression des délais constitutionnels, se poursuivent jusqu’à mercredi soir en commission. Ils sont un tour de chauffe avant l’examen du texte dans l’hémicycle à partir de vendredi, en présence du Premier ministre Sébastien Lecornu. Les députés repartiront alors de la copie initiale du gouvernement.

Pour la première fois depuis 1958, les parlementaires débattent dans un contexte très particulier : non seulement le gouvernement ne dispose pas de majorité à l’Assemblée nationale, mais il a aussi renoncé à utiliser l’article 49.3 de la Constitution qui lui a permis depuis 2022 de faire adopter, sans vote, tous les budgets.

Avec un déficit public qui devrait s’établir à 5,4 % du PIB en 2025, le gouvernement ambitionne un effort global d’une trentaine de milliards d’euros pour 2026, entre nouveaux prélèvements (14 milliards) et économies de dépenses (17 milliards) afin de ramener le déficit public à 4,7 % du produit intérieur brut (PIB). Il pourrait accepter d’assouplir cet objectif jusqu’à un niveau se situant « sous 5 % » pour permettre des compromis.