L’Europe fait face à un impératif de financement colossal pour réussir sa transition énergétique. Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, a rappelé lors d’un discours en Norvège les estimations de la Commission européenne : la décarbonation de l’industrie, des transports et de l’approvisionnement énergétique exige 1 200 milliards d’euros par an. C’est le prix à payer pour sortir d’un « statu quo insoutenable et coûteux », vérité brutale révélée par la crise énergétique post-guerre en Ukraine, qui a mis en lumière la dépendance aux importations de combustibles fossiles bon marché.
La direction est pourtant claire : près de neuf Européens sur dix soutiennent désormais un développement accru des énergies renouvelables. Mais si la volonté politique et citoyenne est là, la structure de financement ne suit pas. La BCE pointe du doigt le manque de leviers pour orienter l’importante « épargne privée » du continent vers les projets climatiques. Le secteur privé est censé assumer plus des deux tiers de ces investissements massifs.
L’échec des marchés de capitaux fragmentés
Le diagnostic de Christine Lagarde est sans appel : « le maillon manquant, ce sont les marchés de capitaux ». En l’état actuel, les mécanismes de financement peinent à inciter les investisseurs. Un chiffre illustre l’inertie : près de quatre entreprises européennes sur dix considèrent que le manque d’appétit des investisseurs pour les projets verts représente un obstacle « très sérieux ».
Pour la présidente de la BCE, l’Europe dispose des « ressources pour réussir » cette transition, mais la fragmentation réglementaire et l’absence d’une véritable intégration financière entravent la circulation et la mobilisation de ces fonds. L’Union des marchés de capitaux (UMC), projet récurrent des sommets des 27, vise précisément à harmoniser les réglementations des différentes bourses européennes pour fluidifier les flux financiers au sein de l’UE et, par ricochet, faciliter les investissements.
Le soutien de Berlin
La bonne nouvelle, a tempéré Mme Lagarde, est que « l’élan politique en faveur de l’Union des marchés de capitaux n’a jamais été aussi fort ». Elle a explicitement évoqué le récent appel du chancelier Friedrich Merz.
Le dirigeant allemand a en effet plaidé publiquement la semaine dernière pour la création d’une place boursière européenne unifiée. L’objectif est double : d’une part, concurrencer les rivales américaines et asiatiques en créant un marché attractif de taille continentale ; d’autre part, endiguer la fuite des capitaux des entreprises européennes qui tendent à se financer ailleurs.
L’Europe doit désormais « choisir » : soit elle maintient un modèle coûteux et intenable, soit elle crée les conditions nécessaires pour « libérer l’investissement indispensable à un système énergétique durable, sûr et abordable ». La balle est dans le camp des dirigeants pour concrétiser cette UMC, seule voie capable, selon Francfort, de déverrouiller la force de frappe financière privée face aux besoins de la transition verte.