Par

Antoine Grotteria

Publié le

22 oct. 2025 à 6h42

Des droits souvent ignorés, un accès à l’information défaillant, des ressentis fréquemment réprimés… Pour les femmes, la santé gynécologique et sexuelle représente un chemin semé de pièges. Conséquence, le renoncement aux soins reste encore substantiel, notamment chez les jeunes. D’après un sondage réalisé en 2022 par l’institut Ifop pour la plateforme Qare, 31 % des femmes âgées de 18 à 24 ans ont déclaré n’avoir jamais consulté un gynécologue, soit presque un tiers de cette catégorie pourtant confrontée au premier chef à ces thématiques de santé publique.
Malgré l’acuité de cette problématique, les initiatives adressées aux adolescentes et aux étudiantes restent marginales. C’est la raison pour laquelle quatre étudiantes de l’université Paris-Est Créteil (Upec), Maëliss Vallet, Ségolène Thomas, Camille Lesquer et Jeanne Mazué, ont décidé de combler les lacunes en lançant Gynette. Lancée le 18 septembre 2025, cette application gratuite sur la santé sexuelle et gynécologique des femmes revendique déjà plus de 3000 utilisatrices. Un nombre en constante progression qui confirme l’intérêt du sujet.

Données scientifiques, carte, conseils…

« Cela concerne toutes les femmes, quel que soit le milieu social et culturel. Les femmes ont besoin d’avoir des informations pratiques sur leur parcours », explique à actu Paris, mardi 21 octobre 2025, l’une des cofondatrices, Ségolène Thomas, 25 ans, au troisième étage de la Maison de l’innovation et de l’entrepreneuriat étudiant (MIEE) de l’Upec (Val-de-Marne), où sont phosphorés les projets portés par les étudiants.

Des règles menstruelles à l’endométriose, en passant par la contraception, l’application contient une série d’informations concrètes destinées à un usage pratique.

« Nous travaillons avec une quinzaine de scientifiques, à l’image de médecins, de nutritionnistes, ou encore de gynécologues (…) pour avoir des données fiables. Nous avons également développé un agenda pour les consultations et une carte interactive pour l’offre de soins »

Ségolène Thomas
Cofondatrice de l’application Gynette

L'application Gynette se veut être une synthèse de toutes les informations pratiques pour la santé sexuelle et gynécologique des femmes.
L’application Gynette se veut être une synthèse de toutes les informations pratiques pour la santé sexuelle et gynécologique des femmes. (©AG/ actu Paris)

La proposition répond à un besoin. « Moi-même, je ne suis pas un cycle gynécologique très assidu. L’application me permet d’être plus à l’aise. Et c’est important pour chaque femme, qui a un corps différent, d’avoir un espace pour s’exprimer », témoigne Anna Bonnet, ex-camarade de promotion des 4 fondatrices, et désormais en doctorat de gestion, utilisatrice de l’application.

Faciliter la parole

Car souvent, le parcours de soins gynécologiques enferme les jeunes femmes dans une solitude pénalisante. « J’ai grandi avec deux frères et un père avec lesquels je ne parlais pas de ça. C’était plutôt tabou », confesse Ségolène Thomas. « Cela ouvre des conversations », renchérit Anna Bonnet, qui confesse avoir pris son premier rendez-vous gynécologique sans l’ébruiter.

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Gynette prône également la bienveillance et l’empathie. Sur les réseaux sociaux, les contenus diffusés par l’application agrègent vidéos au ton léger sur -pèle mêle- les rapports sexuels, l’alimentation anti-inflammatoire conseillée en cas d’endométriose. Des podcasts contenant des témoignages sont également enregistrés et publiés sur l’application. « Nous voulons créer beaucoup de contenus pour toucher tout le monde », assure Ségolène Thomas.

Visualiser le contenu sur Instagram

Pour ce faire, les porteuses du projet, réunies en association, ont bénéficié des crédits alloués par Erasme.

« Nous valorisons des projets engagés sur le plan sociétal et environnemental. Au total, nous avons une enveloppe de 3,3 millions d’euros. Et il est évident que ‘Gynette’ s’inscrit totalement dans ce que nous recherchons »

Nathalie Rayssac
Cheffe de projet à l’Upec, chargée de piloter les appels à projets du programme Erasme

Une équipe et du budget pour se développer

Au total, 50 000 euros ont déjà été versés au budget de l’association. « Le développement de l’application coûte 40 000 euros. Ensuite, nous devons payer l’hébergement des données de santé sensibles, une chargée de communication, et d’autres services liés à la communication, comma la soirée de lancement », affirme Ségolène Thomas. Ainsi, une équipe a été constituée autour du noyau composé des fondatrices. L’une d’entre elles, Jeanne Mazué, consacre même l’entièreté de son agenda à l’application.

Romain Aparicio, directeur exécutif du programme Erasme à l'Upec, Ségolène Thomas, cofondatrice de Romain Aparicio, directeur exécutif du programme Erasme à l’Upec, Ségolène Thomas, cofondatrice de « Gynette », Anna Bonnet, doctorante et utilisatrice, et Nathalie Rayssac, cheffe de projet à l’Upec (de gauche à droite). (©AG/ actu Paris)

Nul doute que les prochains mois vont constituer un laboratoire ad hoc des volontés d’expansion de Gynette. Le budget sera bientôt crédité de 80 000 euros. De quoi approfondir certaines actions chères aux fondatrices. Parmi elles, celles ayant trait à l’éducation.

« Nous aimerions intervenir dans des classes pour expliquer l’importance de ces sujets auprès des petites. Car le sujet reste très peu abordé à l’école »

Ségolène Thomas

Selon Anna Bonnet, l’application pourrait également « mieux référencer les professionnels approuvés par la communauté ». Et ce, alors que les violences gynécologiques et obstétricales ont suscité de nombreux récits édifiants de la part de femmes, comme le notait en 2018 le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et hommes. Un axe à creuser, assure la cofondatrice, qui juge la parole des femmes « fondamentale ».

Gynette veut également inciter les hommes à s’emparer de la santé gynécologique des femmes. Pour le moment, l’audience reste très majoritairement féminine sur le réseau Instagram. « Nous avons 26,6 % d’hommes et 73,4 % de femmes », indique Ségolène Thomas. Une donnée qui pourrait évoluer dans les prochaines années.

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