Une stratégie difficilement lisible. Le président américain Donald Trump a opéré un énième revirement sur sa position vis-à-vis de la guerre en Ukraine, mardi 21 octobre. Après un long appel avec son homologue russe Vladimir Poutine la semaine dernière, les deux hommes avaient convenu, selon Washington, de se rencontrer « dans les deux prochaines semaines » à Budapest, plus de deux mois après leur précédent sommet d’Anchorage, en Alaska. Mais ce nouveau tête-à-tête en Hongrie, pourtant confirmé par Donald Trump lui-même, paraît désormais s’éloigner.

Face aux journalistes, le milliardaire républicain a simplement indiqué qu’il ne souhaitait pas participer à « une rencontre pour rien » avec le président russe. « Je ne veux pas de perte de temps, donc on verra ce qu’il va se passer » a-t-il ajouté, depuis la Maison-Blanche. Plus tôt dans la journée, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait douché les espoirs d’une rencontre rapide. « On ne peut pas reporter quelque chose qui n’a pas été convenu », a-t-il dit lors d’un point presse, indiquant qu’ »aucun calendrier précis n’avait été initialement fixé ».

Chaud-froid entre Washington et Moscou

En l’espace de quelques jours, que s’est-il passé entre les parties américaine et russe ? D’après une source proche du dossier interrogée par CNN, l’intransigeance de Moscou, qui n’a pas évolué sur ses demandes pour mettre un terme à la guerre en Ukraine, a pu jouer en défaveur de la tenue de ce nouvel entretien bilatéral. Mardi, le ministre russe des Affaires étrangères a par exemple souligné que la Russie refuserait la solution d’un conflit gelé en Ukraine. Sergueï Lavrov s’était entretenu avec le secrétaire d’État Marco Rubio lundi, sans qu’une nouvelle réunion entre les deux hommes ne soit de nouveau fixée.

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Ce retournement de situation intervient quelques jours après la réception, vendredi, de Volodymyr Zelensky à la Maison-Blanche. Après un réchauffement des relations avec Donald Trump ces derniers mois, le président ukrainien a cette fois été refroidi par l’accueil réservé par son hôte américain. Un haut responsable du camp du dirigeant européen a précisé auprès de l’AFP que les échanges lors de cette conversation avaient été « tendus ». D’après la même source, le président américain aurait tenté de persuader Volodymyr Zelensky de céder le Donbass à la Russie afin d’obtenir la paix.

Un choix laissant entendre que Donald Trump se montrait de nouveau plus attentif aux arguments de Moscou qu’à ceux de Kiev. Avant cet entretien, il avait également dit envisager l’envoi de missiles américains longue portée Tomahawk à l’Ukraine. « Je pourrais dire [à Vladimir Poutine] : regarde, si cette guerre n’est pas réglée, je vais leur livrer des Tomahawk », avait-il développé en début de semaine dernière. « On pourrait le faire, ou pas, mais je crois que c’est important de mettre ça sur la table. » Volodymyr Zelensky espérait achever de le convaincre sur le sujet. Sans succès.

« Faire pression sur Poutine »

Mardi, le président ukrainien a expliqué ne pas abandonner sa volonté de trouver de nouvelles armes pour contenir les offensives russes à l’est du pays. Mais aussi dissuader le Kremlin d’autres actions militaires contre son pays. « Dès que la question des capacités à long terme s’est éloignée de nous – pour l’Ukraine –, la Russie s’est presque automatiquement désintéressée de la diplomatie. C’est un signe que cette question – celle des capacités à long terme – pourrait être la clé indispensable de la paix », a-t-il détaillé lors de son discours quotidien.

Plusieurs experts en relations internationales partagent peu ou prou la même opinion. « Poutine s’inquiétait des Tomahawk, il a demandé un appel téléphonique [aux Américains] et a au moins retardé leur arrivée », signale William B. Taylor, ancien ambassadeur des États-Unis en Ukraine, auprès du New York Times. « La question est de savoir si Trump comprendra, et quand, que pour obtenir les résultats escomptés, il doit faire pression sur Poutine« , observe pour sa part l’ex-diplomate américain Daniel Fried, également interrogé par le quotidien de la côte est. « Poutine continue de se jouer de lui. »

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Galvanisé par son récent succès au Proche-Orient et la signature d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, Donald Trump espère toujours trouver la solution pour conclure un accord entre Kiev et Moscou. Mardi, lors d’un discours devant les sénateurs républicains, il a paru faire allusion à la guerre en Ukraine. Tout en assurant, dans son style caractéristique, demeurer l’homme de la situation pour trouver la paix : « Ils disent : ‘tu es le troisième meilleur président’ – c’était à la télévision. Et ils ont demandé : ‘Qui sont les 2 premiers ? Washington et Lincoln’. […] Ça va être très difficile de [les] battre. Mais on va essayer, non ? Ils n’ont pas éteint huit guerres… Et la neuvième arrive, que vous le croyiez ou non ! ».