Rennes, 8e ville de France dont les habitants seraient… les plus portés sur l’adultère

Quelle humiliation ! En février, Rennes a été rétrogradée 11e des « Villes et villages de France où il fait bon vivre », un palmarès très complet édité par l’association du même nom. Dépassée par Brest, alors qu’elle caracolait en 7e place l’année précédente. La disgrâce de la capitale bretonne est scrutée par Le Télégramme, qui relève que sa renommée semble avoir été plombée par le niveau des impôts locaux, l’offre de loisirs ou encore les risques d’inondation.

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Les Rennais ne rigolent pas avec les classements, tels des élèves zélés cherchant leur nom sur le tableau d’honneur. Il faut dire qu’ils ont l’habitude des lauriers, même les plus insolites : 2ᵉ meilleure ville de France pour étudier, 2ᵉ métropole française la plus attractive, 4e dont les habitants « sont les plus patients »… « Rennes toujours au top des classements », trompette entreprendre-rennes.fr. Ce site, qui aime se faire l’écho de ce type de podiums, est géré par Destination Rennes, la société publique chargée de

promouvoir la ville notamment auprès des investisseurs.

Pas toujours très scientifique

Au top ? Pas toujours, non. Car au petit jeu des évaluations, certaines sont moins laudatives que d’autres. Rennes serait ainsi la 3e ville la plus coûteuse pour se garer à l‘heure, la 6e la plus chère en immobilier résidentiel et même la 8e dont les habitants seraient… les plus portés sur l’adultère. C’est du moins ce que prétend un site de rencontres extra-conjugales. Et d’adresser son enquête à tous les médias locaux. Beau coup de com’, mais pas très scientifique : les résultats n’étaient basés que sur le nombre d’inscrits du site en question.

En octobre 2021, c’était l‘opposition municipale qui faisait son miel d’une « étude » d’Auto plus couronnant Rennes « Ville la plus embouteillée de France ». En réalité, il s’agissait du pourcentage de temps gaspillé dans les bouchons, un chiffre relatif à chaque ville qui ne dit rien du temps total passé coincé derrière son volant. La nuance s’est perdue dans le vif débat qui s’en est suivi au sujet de la circulation sur la rocade. Quelques mois plus tard, le classement du fabricant de GPS TomTom rétablissait l’honneur, renvoyant Rennes en 12e place.

Polémique

En 2022, le palmarès des hôpitaux et cliniques du magazine Le Point, qui récompense régulièrement le CHP Saint-Grégoire, a fait l’objet d’une polémique quand la Cnil (Commission nationale informatique et libertés) a provisoirement refusé l’accès aux données dont l’hebdo se sert pour classer les établissements en raison de « problèmes méthodologiques ». L’association Villes et villages où il fait bon vivre se targue quant à elle de 190 critères répartis en onze catégories, elles-mêmes pondérées d’après un sondage Opinionway. De quoi crédibiliser sa démarche. Mais certains de ses paramètres interrogent, comme la présence d’un vignoble ou d’une station thermale…

D’autres hit-parades basent leurs indices d’attractivité sur l’emploi et les logements, brossant un tableau idyllique mais incomplet, faisant fi par exemple de la sécurité. À ce sujet, linternaute.com place Rennes 2 218e de son top des « villes les plus dangereuses de France ». Bien loin derrière… Le Mont-Saint-Michel, en 3e position. La méthode retenue consiste à rapporter le nombre de faits à la population. Elle transforme ainsi n’importe quelle petite commune (ici, 23 âmes) qui aurait subi une vague de cambriolages pendant l’année en Gotham City.

En 2019, la fondation World Mayors sacrait Nathalie Appéré « 2e meilleure maire du monde ». Ici, pas de calculs compliqués : le jury se basait sur « la passion » exprimée par des internautes dans des témoignages anonymisés. Parmi les bons points attribués à la maire de Rennes, on trouvait, pêle-mêle, les projections sur les monuments historiques, le budget participatif… Ou encore la deuxième ligne de métro, pourtant décidée avant son premier mandat.

Autosatisfaction

Reste à savoir si cette profusion évaluative a de véritables conséquences. « L’effet sur la notoriété et la visibilité d’une ville est indéniable », estime Marc Thébault, conseil en marketing territorial, dans La Gazette des communes. Difficile en revanche de savoir si être bien classé génère automatiquement de nouveaux visiteurs et habitants, plus que les opportunités professionnelles ou familiales, par exemple.

Ce flou n’empêche pas les élus de scruter avidement l’évolution de leur cité par rapport à ses concurrentes, et de mettre en avant de bons résultats pour valider leur politique. « Rennes sur le podium des villes les plus cyclables ! », vante ainsi Nathalie Appéré sur sa page Facebook, le 19 septembre. L’exercice se révèle à double tranchant : cette pointe d’autosatisfaction de l’édile a provoqué des remous en commentaires, sur l’air de « c‘est génial, mais quid du narcotrafic ? ».

Dans cette compétition perpétuelle à l’échelle nationale, voire internationale, il n’y a pas que les villes qui concourent. Les médias savent que les classements attirent les lecteurs – et, éventuellement, les municipalités désireuses d’acheter un encart publicitaire à côté. Les marques qui les produisent y gagnent de la visibilité à bas coût. Certaines en ont même fait un business, comme cette association qui propose à ses lauréats un label ad hoc et un panneau flatteur à installer à l’entrée de leur commune. Le prix de cette prestation ? Jusqu’à 4 700 € annuels, selon le nombre d’habitants.