En Chine, le champion américain des semi-conducteurs Nvidia a été rayé de la carte : une chute déplorée par son PDFg, Jensen Huang, qui pointe du doigt la responsabilité de l’administration américaine et de sa politique liée aux exportations de puces électroniques.

En Chine, le champion américain des semi-conducteurs Nvidia a touché le fond, et le responsable n’est rien d’autre que l’administration américaine. Voilà le message lancé par l’homme à la tête de l’entreprise, Jensen Huang, lors d’un événement organisé par la firme de trading Citadel Securities, diffusé sur YouTube le 14 octobre dernier.

Selon les dires de son dirigeant, Nvidia serait passé du statut de leader du marché chinois des puces IA à celui d’acteur totalement exclu du marché. En mai dernier, le même PDG déplorait déjà qu’en quatre ans, son entreprise soit passée de 95 % à 50 % de part de marché en Chine. Mais cinq mois plus tôt, Nvidia représentait encore la moitié des ventes de puces électroniques dans le pays.

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Depuis, la chute des parts de marché s’est accélérée. À la mi-octobre, le constat est là :  les activités de l’entreprise en Chine sont « à 100 % terminées », Nvidia est passée de « 95 % de part de marché à 0 % ». La responsable ? La politique américaine décidée en octobre 2022, et qui vise à couper tout approvisionnement de la Chine en semi-conducteurs de dernière génération. Or, cette politique « a fait perdre à l’Amérique l’un des plus grands marchés du monde, qui est passé à 0 % », a-t-il déploré.

Nvidia ciblé par des mesures américaines et… chinoises

Comme l’entreprise néerlandaise Nexperia, qui se retrouve depuis peu écartelée dans la guerre sino-américaine sur les semi-conducteurs – une saga qui est à suivre ici, ici et sur 01net.com – Nvidia est une des victimes de ce conflit. Depuis octobre 2022, l’administration américaine s’est lancée dans un vaste projet de contrôles aux exportations, comme nous vous l’expliquions dans cette vidéo.

Ces règles étaient censées asphyxier les entreprises chinoises et couper l’approvisionnement de ses composants de voitures, d’ordinateurs et d’outils d’intelligence artificielle (IA) dans le pays.

Mais pour l’entreprise américaine Nvidia, contrainte de limiter ses ventes dans le pays, cette politique a, au contraire, accéléré les progrès de ses concurrents chinois dans le secteur de l’IA. Non seulement les mesures américaines ont contraint Nvidia à renoncer à sa position dominante en Chine, mais en plus, des entreprises comme Huawei, le géant chinois des télécommunications, ont comblé le vide, regrettait le dirigeant quelques mois plus tôt.

« Il est important de garder à l’esprit que ce qui nuit à la Chine peut souvent nuire également aux États-Unis, voire pire »

Interrogé sur ce point lors de l’événement, Jensen Huang a déclaré que « les États-Unis veulent, bien sûr remporter la course à l’IA, et je pense que les décideurs politiques veulent tous faire ce qu’il faut et voir l’Amérique gagner. Cependant, il est important de garder à l’esprit que ce qui nuit à la Chine peut souvent nuire également aux États-Unis, voire pire ».

Car si Washington a d’abord interdit les exportations des puces de dernière génération les plus puissantes de Nvidia en Chine, elle a ensuite durci les règles pour les étendre aux puces spécifiquement conçues pour ce pays – dont les H20, des semi-conducteurs modifiés pour répondre aux exigences américaines : Nvidia les avait rendus moins puissants afin qu’ils tombent en dessous des seuils de performance fixés par l’administration américaine.

Et si Washington était finalement revenu sur cette interdiction, Pékin a ensuite pris le relai : la Chine a demandé à ses entreprises de ne plus acheter de produits Nvidia pour des raisons de sécurité nationale.

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« C’est une erreur de ne pas laisser les chercheurs (chinois) construire l’IA sur la technologie américaine »

Pékin a aussi incité les sociétés locales à s’approvisionner auprès de firmes chinoises comme Huawei – le grand gagnant de cette guerre des puces.

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Résultat : un marché qui représentait autrefois environ un quart des revenus de Nvidia a disparu. « Je ne peux imaginer qu’un décideur politique pense que (cette politique) est une bonne idée », a déclaré Jensen Huang. Car dans le secteur de l’IA,« ce qui est le plus important (…), ce sont les développeurs (…). C’est donc en attirant les développeurs que l’on crée la plateforme du futur. Et nous voulons que (cette dernière) soit construite sur de la technologie américaine (…). Et nous voulons, bien sûr, nous espérons pouvoir créer une technologie américaine sur laquelle le monde entier pourra s’appuyer », a indiqué le dirigeant.

Or, « beaucoup de chercheurs en IA se trouvent en Chine. Vous savez, la Chine compte environ 50 % des chercheurs en IA du monde (…) . Je pense que c’est une erreur de ne pas laisser ces chercheurs construire l’IA sur la technologie américaine », a-t-il poursuivi.

« La question est donc la suivante : comment trouver l’équilibre entre gagner, rester en tête et, d’autre part, s’assurer que le monde s’appuie sur la technologie américaine ? C’est là tout l’enjeu (…). La Chine étant le deuxième marché informatique au monde (…), je pense que c’est une erreur pour les États-Unis de ne pas y participer et donc j’espère que nous continuerons à expliquer, à informer et à garder espoir pour un changement de politique », a-t-il indiqué.

Pour autant, Nvidia se porte très bien. En juillet dernier, l’entreprise a été la première société au monde à dépasser les 4 000 milliards de dollars de capitalisation boursière. Le PDG a d’ailleurs tenu à rassurer ses actionnaires : « quoi qu’il en soit, dans toutes nos prévisions, si certains de nos actionnaires nous regardent, nous partons du principe que la part de marché de la Chine est de 0 %. Si quelque chose se passe en Chine, ce que j’espère, ce sera un bonus ».

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