Une ONG basée à Genève accuse la Chine, la Russie et leurs alliés d’instrumentaliser les négociations budgétaires de l’ONU à New York pour réduire les financements consacrés aux droits humains. Dans un rapport publié mardi, elle appelle à réformer les instances concernées.
De 2019 à 2024, le Service international pour les droits de l’homme (ISHR) a mené des dizaines de discussions avec des diplomates et des fonctionnaires et analysé des documents internes confidentiels.
La Chine tente notamment de récupérer l’audit des finances liées au Conseil des droits de l’homme et elle utilise son siège dans le comité de contrôle pour obtenir des indications sur le personnel du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, selon l’ONG.
Moscou « ouvertement plus perturbateur »
Dans la cinquième commission de l’Assemblée générale de l’ONU, elle « est la plus hostile, suivie par la Russie », a affirmé à la presse une responsable de l’ONG. Son influence a également augmenté au sein de l’entité consultative de ce cénacle sur les questions administratives et budgétaires.
Si Moscou est ouvertement plus « perturbateur » dans ces cercles, la Chine, elle, est plus discrète. « La Russie joue un rôle très disruptif: elle n’hésite pas à déranger les négociations et casse le consensus. Cela permet à la Chine, en catimini, d’exercer son influence en amont. C’est une stratégie du ‘bon flic, mauvais flic' », explique Raphaël Viana David, responsable de programme à l’ISHR, mercredi dans Tout un monde.
La Chine et la Russie veulent refaçonner un système international où la souveraineté nationale prime sur la protection des droits humains
Raphaël Viana David, responsable de programme à l’ISHR
A la cinquième commission, les deux pays ont souvent lancé des propositions extrêmes, selon ISHR. Ils entravent tous les efforts d’autres pays pour ne pas valider des coupes demandées par l’entité consultative. Au total, 25 tentatives pour diminuer les financements de mécanismes des droits humains sur la Biélorussie ont été identifiées. Une quizaine ont aussi été observées sur l’Iran et sur la Russie.
Eviter toute surveillance internationale
Ces manœuvres visent aussi des commissions d’enquête créées par le Conseil des droits de l’homme pour documenter des crimes graves, par exemple ceux commis par la Russie en Ukraine ou par Israël en Palestine.
L’objectif principal de la Chine et de la Russie est d’éviter toute surveillance internationale sur leur situation en matière de droits humains, ainsi que sur celle de leurs alliés. « Elles veulent refaçonner un système international où la souveraineté nationale prime sur la protection des droits humains », souligne Raphaël Viana David.
Demande lancée aux pays du sud
Parmi les coupes prévues par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres dans son projet de réforme, le volet des droits humains, déjà sous-financé régulièrement, est davantage affecté que ceux du développement et de la paix. Des composantes devraient faire face à des diminutions de 15%. « Disproportionné », estime un responsable de l’ONG.
Les Etats-Unis mettent en péril l’ensemble du dispositif de défense des droits fondamentaux de l’ONU
Phil Lynch, directeur exécutif d’ISHR
Autre inquiétude, l’attitude du président américain Donald Trump. Les Etats-Unis ne sont plus très loin de perdre leur droit de vote à l’Assemblée générale en raison de leurs retards de paiements. Cette approche aboutit à affecter la marge de manoeuvre de l’organisation. « Les Etats-Unis mettent en péril l’ensemble du dispositif de défense des droits fondamentaux de l’ONU », selon le directeur exécutif d’ISHR, Phil Lynch.
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La Chine paie elle au dernier moment. Selon le règlement, elle récupère des crédits en fin d’année sur ses prochaines contributions financières comme son enveloppe n’est pas entièrement utilisée en raison de ce décalage, déplore l’ONG qui enjoint de revenir sur ce principe. Elle demande aux pays du sud de reprendre le contrôle. Au total, selon elle, l’ONU pourrait perdre cette année jusqu’à 40% de ses fonds opérationnels.
Hélène Krähenbühl avec agences