Il y a toujours une histoire, derrière chacun des 20 000 coureurs à s’élancer du boulevard Michelet en direction de Cassis, mais celle-ci pourrait bien être la plus belle de cette 46e édition. Dans l’immense peloton qui s’étirera le long de la Gineste, un petit groupe de 13 personnes courra pour quelque chose de bien plus grand qu’un simple défi sportif : pour raconter une leçon de vie, inspirante et émouvante.

Six patients en rémission d’un cancer, quatre jeunes hommes et deux jeunes femmes, se lanceront à l’assaut des 20 bornes de Marseille-Cassis, accompagnés par du personnel du dispositif CAP’AJA (pour cellule d’accompagnement personnalisé pour les adolescents et jeunes adultes) de l’institut Paoli-Calmettes (IPC) et des étudiants en activités physiques adaptées (APA) d’Aix-Marseille université qui les ont entraînés. Une « idée un peu folle », née fin 2024, qui s’inscrit parfaitement dans la mission de CAP’AJA auprès des jeunes patients. « Les adolescents et les jeunes adultes sont une population particulière, en pleine construction, explique Fanny Alvarez, l’infirmière coordinatrice au cœur du projet. La maladie est un moment compliqué, on travaille à leurs côtés pendant et après le traitement sur la reprise de confiance en eux, l’estime de soi et le rapport au corps. » Le projet de s’attaquer à une course à pied est lancé, et quitte à y aller, quelle autre épreuve choisir que le mythique Marseille-Cassis ?

Un marqueur du retour à une vie normale

Quand on lui en parle, Nascimo Pourchet n’hésite pas : c’est banco. Le jeune homme (26 ans) n’a pourtant pas eu un parcours de vie facile. « J’ai un déficit immunitaire depuis l’âge de 1 an, j’ai toujours été sous traitement, évoque-t-il pudiquement. En 2023, on m’a diagnostiqué un cancer des ganglions. J’ai fait six mois de chimios, pendant deux ans je n’ai connu que le milieu hospitalier. » Deux ans de « lutte contre la maladie » où il se retrouve « coupé du monde » et doit encaisser « la perte de beaucoup d’amis, se voir chauve dans le miroir, presque perdre mon boulot »… Nascimo tient le coup grâce à sa famille et au personnel de l’IPC, jusqu’à une greffe de moelle osseuse, qui lui permet de « retrouver une vie normale », enfin.

Il se lance donc dans la préparation, qui lui « permet de penser uniquement à ça », avec cinq autres jeunes. Pendant ce temps-là, Fanny Alvarez s’est « mis en relation avec l’AMU », et des étudiants en APA viennent encadrer le petit groupe, notamment lors d’un « week-end sportif » au mois de mai. « Je suis épatée par leur volonté de s’entraîner, et de finir ce Marseille-Cassis, admire l’infirmière coordinatrice. À cet âge-là, c’est très dur de se tenir à quelque chose, et encore plus avec la maladie. C’est bluffant. » Pas d’objectif de chrono, juste l’envie de le faire « ensemble, par solidarité ». « Il reste de l’entraînement à faire, en rigole le jeune homme. Mais ça va être une journée extraordinaire, qui va nous faire beaucoup de bien. »

Le sport comme thérapie, ici peut-être encore plus qu’ailleurs. Et comme exemple, aussi. « Ça leur prouve qu’ils sont capables de le faire, et ça montre aux autres que l’après-maladie peut ressembler à ça », espère Fanny Alvarez.

Un rôle de modèle, même si le jeune homme « n’aime pas trop ce mot » : « Je préfère dire qu’on représente les gens du groupe hospitalier. » Ils le feront au sein d’un peloton déjà bien fourni en belles histoires, dans lequel ils seront totalement à leur place. Parce que pour laisser la maladie derrière soi une bonne fois pour toutes, autant courir vers un avenir radieux.