POLITIQUE – Si la galerie Apollon du Louvre se trouve désormais dépourvue de plusieurs de ses bijoux, la gauche parisienne a, elle, bien fait main basse sur l’arc et les flèches du dieu grec. Depuis le casse à près de 14 millions d’euros la minute, et à défaut d’union, les candidats écologistes, communiste et socialiste à la mairie de Paris ont au moins réussi à se mettre d’accord : ne pas se priver de cibler leur plus célèbre opposante de droite et ministre de la Culture, Rachida Dati.

Dès le 19 octobre, David Belliard, aspirant maire écologiste s’émeut sur X d’un braquage qui arrive alors que les salariés du musée « [ont] alerté sur les failles de sécurité » et fait mine de s’interroger : « Pourquoi ont-ils été méprisés par la direction du musée et par le ministère ? ».

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Le sénateur Ian Brossat, candidat communiste, raille sur le même ton le jour suivant au micro de BFMTV : « C’est une hérésie au carré de la garder ministre alors que le Louvre, qui est sous sa tutelle, a été cambriolé malgré toutes les alertes ». Quand, le socialiste Emmanuel Grégoire appelle lui aussi ce mardi à la démission de la ministre de la Culture.

Le rapport gênant de la Cour des comptes

Si la droite pointe la responsabilité de la directrice du Louvre, la gauche n’hésite pas à brandir un pré-rapport de la Cour des comptes qui pointe un « retard persistant » en matière de sécurité. Des équipements de sécurité ont bien été installés au cours des dernières années dans les espaces d’expositions temporaires, mais au détriment des salles qui abritent les collections permanentes.

Pour la gauche parisienne, qui entend bien appuyer pendant la campagne sur les questions de probité et d’honnêteté d’une ministre mise en cause sur le plan judiciaire, l’opportunité est trop belle. Ce mercredi, Ian Brossat et le sénateur Rémi Féraud, poulain d’Anne Hidalgo, se fendent même d’une lettre à Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes, sur la base de ce prérapport qu’ils réclament de consulter. Et le socialiste de pointer que – contrairement à la ministre qui a assuré qu’il n’y avait eu aucune défaillance – le système d’alarme à l’intérieur du musée a dysfonctionné, selon France inter.

Interrogé ce mercredi 22 octobre sur RTL, Pierre Moscovici n’a pas vraiment volé au secours de Rachida Dati. « Le rapport n’apprend pas des choses qui sont inconnues de l’administration (…) mais ces choses-là, elles ne datent pas d’hier. On n’était peut-être pas totalement conscients de l’ampleur du problème, mais on savait ce qu’il se passait », a reconnu le président tout en tempérant : le rapport suit son cours avec notamment la phase de contradictoire.

Rachida Dati réplique…

Épinglée par ses opposants parisiens, Rachida Dati qui a promis une enquête administrative, n’entend pas porter le chapeau toute seule, alors qu’Anne Hidalgo est au demeurant murée dans le silence sur cette affaire.

Sur le plateau de M6 dès lundi midi, la ministre a défendu les nombreux audits de sécurité réalisés ces dernières années et la volonté du président d’accélérer sur ce sujet dans le cadre du projet Louvre Renaissance. Le lendemain, alors que ses opposants sont montés au créneau, Rachida Dati réplique sur le plateau d’Europe 1, « sans être polémique », mais en ciblant quand même la responsabilité municipale. « Hier quand ils arrivent sur la nacelle… Les musées, c’est bien sécurisé mais les abords, l’espace public appartient à la mairie de Paris par exemple. Il faut que la mairie accepte l’implantation de caméras », a-t-elle affirmé d’une manière faussement innocente. Alors que Pascal Praud lui demande s’il n’y a pas de caméra autour du Louvre, Rachida Dati vole au secours de Laurent Nuñez ancien préfet de Paris : « il y en a une qui appartient à la préfecture de police ».

Alors que l’élu Horizons Pierre-Yves Bournazel, qui espère bien décrocher l’investiture macroniste pour Paris, pointe lui aussi régulièrement depuis dimanches les questions de vidéoprotection dans l’espace public, Rachida Dati en a remis une couche lors des questions au gouvernement ce mardi. Répondant à la députée du Rassemblement National Caroline Parmentier, la ministre de la Culture conclut en pointant l’hôtel de ville : « Peut-être devrait-on s’interroger, et c’est une réflexion que nous avons avec le ministre de l’Intérieur mais aussi avec la mairie de Paris, s’agissant justement de la sécurité sur la voie publique qui n’existait pas à ce stade ». Et quitte à garder la main sur le récit, elle est allée jusqu’à ouvrir une ligne téléphonique de fact-checking au service de presse du Louvre et à destination des journalistes.

…Pour ne pas se laisser polluer

Sollicité par Le HuffPost, l’adjoint chargé de la sécurité à la mairie de Paris n’a pas donné suite. Néanmoins, un fichier mis à jour par la Préfecture de police de la capitale en juin dernier indique bien un certain nombre de caméras aux abords du Louvre. Les services listent par exemple un équipement au croisement du Quai François Mitterrand et de la rue de l’Amiral de Coligny, soit à quelques dizaines de mètres à peine de la nacelle des malfaiteurs. D’autres sont localisées sur le pont des Arts, en face de la galerie Apollon, ou sur le pont du Carrousel un peu plus loin. Près d’une dizaine de dispositifs apparaissent dans les rues et accès adjacents.

L’argument est donc sans doute à manier avec précaution par la ministre de la Culture qui a fait de la sécurité un de ses principaux arguments pour les municipales. D’autant que sa campagne s’annonce délicate. Menacée d’exclusion par les LR depuis qu’elle a fait le choix de rester au gouvernement, la maire du VIIe arrondissement pourrait aussi rater son braquage sur le socle commun : Gabriel Attal et Renaissance n’ont pas encore acté leur soutien à Rachida Dati, et selon BFMTV ils s’orientent plutôt vers un soutien à Pierre-Yves Bournazel, jugé en interne « moins clivant ». À voir si le casse du Louvre pèsera, ou non, dans l’élection.

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