Par

Anthony Soudani

Publié le

22 oct. 2025 à 16h23

Souvent surnommé « le Monsieur vélo de la Métropole de Lyon », Fabien Bagnon répond aux questions d’actu Lyon dans une longue interview exclusive, ce mercredi 22 octobre 2025. Le vice-président délégué à la voirie s’exprime sur le bilan des Écologistes concernant les mobilités. Il revient notamment sur les Voies lyonnaises, les travaux et les nouveaux aménagements, qui font gronder une partie de la population, permettant à leurs adversaires politiques de les attaquer. 
Interrogé sur Jean-Michel Aulas, candidat à Lyon, et Véronique Sarselli, candidate de droite à la présidence de la Métropole de Lyon, Fabien Bagnon a timidement répondu, refusant d’entrer véritablement dans l’arène électorale. Il annonce toutefois qu’il est candidat aux métropolitaines en 2026.

100 kilomètres de Voies lyonnaises en travaux

Actu : Quel bilan tirez-vous de votre mandat jusqu’à présent ?

Fabien Bagnon : Je retiens avant tout une nette amélioration de la sécurité routière. Cela peut surprendre, mais c’est l’un des résultats les plus marquants du mandat. Nous avons beaucoup travaillé sur le confort et la sécurité des piétons et des cyclistes, notamment à travers les infrastructures. Et si l’on prend un peu de recul, les chiffres parlent d’eux-mêmes : entre 2019 et 2024, les accidents corporels ont diminué de 40 %. C’est une réussite importante. Bien sûr, il reste encore du chemin, mais chaque accident évité est un drame en moins.

Où en est le projet des Voies lyonnaises, l’un des gros chantiers de ce mandat ?

F.B. : Nous aurons réalisé 200 km de voies d’ici fin 2026. Aujourd’hui, environ 100 km sont déjà livrés, et 100 autres sont en travaux. Initialement, nous avions évoqué un potentiel de 270 km, mais notre ambition officielle est bien de 250 km, comme annoncé pendant la campagne.

N’êtes-vous pas déçu de ne pas atteindre les 250 km promis ?

F.B. : Non, il n’y a aucune frustration. Réaliser 200 km sur un mandat, qui plus est légèrement raccourci, reste un objectif considérable. Peu de collectivités, même à l’échelle européenne, ont mis en œuvre un tel réseau en seulement six ans. Les pays du Nord, par exemple, ont étalé leurs réalisations sur des périodes beaucoup plus longues.

Les Voies lyonnaises vont continuer à se multiplier à Lyon et dans la métropole.
Les Voies lyonnaises vont continuer à se multiplier à Lyon et dans la métropole. (©Nicolas Zaugra/ actu Lyon)Trop de travaux en même temps ? Fabien Bagnon répond

Certains estiment qu’il y a trop de travaux en même temps. Que leur répondez-vous ?

F.B. : Il est vrai que la simultanéité des chantiers a pu gêner. Mais c’est le lot d’une nouvelle équipe : il faut d’abord mener les études, concerter, puis lancer les travaux. Nous avons d’ailleurs beaucoup concerté – bien plus que lors des mandats précédents. Certains estiment que nous n’avons pas écouté les retours, mais c’est inexact : plusieurs projets ont évolué grâce à la concertation.

Vous pensez à quels exemples ?

F.B. : Le secteur de Saint-Just, par exemple. C’était un projet complexe, impliquant des changements d’habitudes importants. Après plusieurs scénarios et une phase d’expérimentation, nous avons modifié le projet pour trouver un compromis. Dire que nous n’avons pas écouté est donc injuste : nous avons réellement adapté nos plans.

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Ça coince avenue des Frères-Lumière… bientôt des changements ?

Les automobilistes, eux, se disent pénalisés par les travaux dans la métropole de Lyon. La colère monte…

F.B. : Oui, la période de travaux est difficile pour tout le monde : piétons, cyclistes, automobilistes et usagers des transports. Mais elle est nécessaire. On oublie souvent que beaucoup de ces chantiers concernent les réseaux d’eau, de gaz et d’électricité, dont l’état se dégradait. Il faut les moderniser pour des raisons de sécurité et de continuité du service.

Sur l’avenue des Frères-Lumière, des commerçants et habitants se plaignent d’une hausse du trafic dans les rues voisines. Allez-vous revoir le plan de circulation ?

F.B. : Nous avons lancé des comptages pour évaluer la situation. Ces chiffres doivent être analysés avec prudence, car il peut y avoir des biais. Si des reports de trafic excessifs se confirment, nous ajusterons les plans de circulation, comme nous l’avons déjà fait dans d’autres quartiers.

La partie nord de la rue de la République a été rendue aux piétons, pourtant de nombreux piétons continuent à marcher sur le trottoir de crainte d’être percuté par des vélos où des trottinettes qui roulent vite au milieu…

F.B. : L’espace a été globalement bien approprié par les piétons, surtout l’après-midi et le week-end. Les aménagements ne sont pas terminés : nous allons installer davantage d’assises et de végétation. Un plan de jalonnement est aussi prévu pour inciter les cyclistes et trottinettistes à emprunter des rues parallèles. Dans les zones piétonnes, les vélos sont autorisés à condition de rouler au pas. Cela dissuadera ceux qui utilisaient République comme axe de transit.

Le fonctionnement de la Presqu’île « fluidifié »

Certains habitants regrettent la suppression de l’arrêt de bus Hôtel-de-Ville et le déplacement des lignes…

F.B. : Je comprends que ce soit contraignant, notamment quand cela rallonge les correspondances. Mais globalement, la réorganisation améliore le fonctionnement de la Presqu’île. Les anciens aménagements créaient beaucoup de conflits entre piétons, vélos et bus, et certaines intersections étaient dangereuses. Le nouvel agencement vise à sécuriser et fluidifier les circulations pour tous les usagers.

Et pour le stationnement vélo, notamment au nouveau parking de la gare Part-Dieu ? Pierre Oliver, votre adversaire politique à droite, avait critiqué son taux d’occupation, vidéos à l’appui…

F.B. : Le parking vélo de la Part-Dieu fonctionne très bien. Il compte 1 500 places, et son taux de remplissage augmente régulièrement.
Il avait été initié sous Gérard Collomb, et je reconnais qu’il avait eu une vision juste du dimensionnement. L’objectif n’était pas qu’il soit plein dès la première année, mais qu’il réponde aux besoins sur une dizaine d’années.

On prévoit d’ailleurs une nouvelle fonctionnalité d’ici fin 2025 ou début 2026 : le paiement à l’entrée par carte bancaire, sans abonnement préalable. Cela simplifiera encore l’accès et augmentera les usages.

Et quand on regarde l’évolution du vélo autour de la Part-Dieu, c’est flagrant : la pratique a explosé. Il y avait une vraie attente. Ce parking n’était pas surdimensionné : il était anticipé.

« Faire sauter les bouchons, c’est une vieille promesse »

L’une des premières mesures annoncées par votre adversaire Véronique Sarselli serait de « faire sauter la ZTL et les bouchons ». Qu’en pensez-vous ?

F.B. : (Rires) Je préfère rester sur les questions de mobilité plutôt que de commenter des slogans de campagne. Mais « faire sauter les bouchons »… c’est une vieille promesse ! Michel Noir l’avait déjà formulée à son époque, avec le projet de contournement.

Or, on sait que construire de nouvelles infrastructures routières n’a jamais supprimé les embouteillages, notamment ceux de Fourvière. Au contraire, cela a tendance à en créer de nouveaux.

Notre objectif, à nous, c’est de développer des alternatives à la voiture individuelle : transports en commun, marche, vélo… Et d’ailleurs, aucune grande métropole européenne n’est exempte d’embouteillages aux heures de pointe.

Vos opposants vous accusent pourtant d’avoir aggravé la congestion…

F.B. : C’est un argument récurrent, surtout pendant les phases de travaux qui, forcément, génèrent des perturbations. Mais il suffit de regarder l’histoire : il y a toujours eu des bouchons à Lyon. Sous Gérard Collomb, on lui reprochait déjà les embouteillages, notamment sur Garibaldi ; sous d’autres mandats aussi.

Ouvrir les voies de bus aux voitures lorsqu’elles sont peu fréquentées. Bonne ou mauvaise idée ?

F.B. : C’est une fausse bonne idée. Déjà, ce n’est pas une compétence métropolitaine mais préfectorale. Et surtout, l’intérêt des couloirs de bus, c’est leur efficacité aux heures de pointe. En dehors de ces heures, il n’y a pas de congestion : les automobilistes peuvent circuler normalement. Cela ne changerait donc rien en termes de mobilité.

Zone à trafic limité : « La remettre en cause serait une régression »

Et sur la ZTL (zone à trafic limité), Bruno Bernard parlait d’un « contre-sens historique » si elle était supprimée. Vous partagez ce point de vue ?

F.B. : Oui, ce serait un vrai retour en arrière. Lyon était l’une des métropoles européennes avec la zone piétonne la moins développée. La ZTL vient corriger ce retard. La remettre en cause serait une régression.

Sa mise en place est progressive : il reste quelques bornes à installer, mais elle sera pleinement opérationnelle d’ici la fin de l’année. Cela permet aux habitants d’adapter leurs habitudes en douceur.

Et on en voit déjà les effets : les piétons se déplacent plus sereinement, les rues sont plus calmes, moins polluées, plus agréables. Ces changements peuvent être déroutants au début, mais une fois qu’on en perçoit les bénéfices, plus personne ne veut revenir en arrière.

Regardez chemin Neuf : après plusieurs mois de fermeture aux voitures, les habitants eux-mêmes ont demandé à maintenir la mesure, tant ils appréciaient le calme retrouvé.

Ces transformations demandent du courage politique, mais elles améliorent tellement la qualité de vie qu’il serait incompréhensible de faire marche arrière.

Bruno Bernard, Grégory Doucet et Fabien Bagnon accédant à la vélostation Béraudier via la rampe dédiée.
Bruno Bernard, Grégory Doucet et Fabien Bagnon accédant à la nouvelle vélostation Béraudier via la rampe dédiée, à la gare SNCF de Lyon Part-Dieu. (©Théo Zuili / actu Lyon)Aulas « ne remet pas frontalement en cause » les pistes cyclables

Avez-vous regardé les propositions de Jean-Michel Aulas sur les aménagements cyclables ?

F.B. : Pas en détail. J’ai vu quelques annonces, mais cela reste assez flou. Il évoque les bordures, les trottoirs, ou encore les doubles sens cyclables, sans que l’on comprenne vraiment ce qu’il propose. D’ailleurs, les doubles sens cyclables sont prévus par la loi et ne posent pas de problème particulier de sécurité.

Pour l’instant, il reste prudent sur le sujet : il ne remet pas frontalement en cause les aménagements cyclables, et c’est une bonne chose.

Fabien Bagnon réagit au sondage donnant Aulas vainqueur : « Il n’est pas bon »

Les écologistes semblent en difficulté à Lyon, selon un récent sondage. Marine Tondelier a pris la défense de Grégory Doucet, en s’en prenant à Jean-Michel Aulas. Grégory Doucet reste-t-il, selon vous, le bon candidat ?

F.B. : Je ne souhaite pas répondre à cette question. On entre là dans la campagne.

Mais vous avez consulté ce sondage ?

F.B. : Oui, bien sûr. C’est un premier sondage, et nous sommes encore loin de l’échéance. Il n’est pas bon, c’est vrai, mais la campagne n’a pas commencé. En face, Jean-Michel Aulas bénéficie d’une notoriété très forte. C’est trop tôt pour tirer des conclusions.

Une dernière question : êtes-vous candidat en 2026 ?

F.B. : Oui, je suis candidat aux élections métropolitaines en 2026.

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