Des centaines d’automobilistes vivent l’enfer. Leur voiture freine brutalement sans raison, parfois avec des conséquences tragiques.
Le gouvernement va alors déployer un formulaire pour recenser les victimes de freinages intempestifs après des dizaines de signalements officiels. L »enquête ouverte en août pointe le freinage automatique d’urgence obligatoire depuis 2022. Plusieurs marques sont concernées mais rejettent toute responsabilité.
Le drame qui a tout déclenché
Avril 2025, autoroute A40 reliant Lyon à la Haute-Savoie. Joanna Peyrache roule tranquillement à plus de 110 km/h au volant de sa Peugeot 208 quand l’impensable survient. Sans aucun obstacle visible, sans qu’elle touche la pédale de frein, sa voiture s’immobilise brutalement. Passage de 130 km/h à l’arrêt complet en quelques secondes. Le véhicule qui la suit n’a aucune chance d’éviter la collision. Le choc propulse la 208 contre l’arrière d’un poids lourd. Bilan, une amie perd la vie dans cet accident inexplicable.
Lorsque Joanna réclame une expertise technique pour comprendre ce qui s’est passé, son assureur refuse. Refus également du constructeur qui balaie ses interrogations d’un revers de main. Révoltée, la conductrice lance un appel à témoignages sur Facebook début août. Environ 600 personnes la contactent pour décrire exactement le même scénario. Des freinages brusques, injustifiés, parfois en pleine autoroute avec la circulation qui arrive à vive allure.
Son groupe Facebook devient rapidement le point de ralliement de toutes les victimes. Les témoignages se ressemblent de manière troublante. Les véhicules concernés sont récents et commercialisés entre 2017 et 2025. Ces véhicules ont un autre dénominateur commun car ils embarquent toutes le freinage automatique d’urgence, devenu obligatoire sur les véhicules neufs européens depuis juillet 2024, mais déjà généralisé depuis 2022.
Le 7 août, le Service de surveillance du marché des véhicules et des moteurs (SSMVM) prend contact avec Joanna. Exactement une semaine plus tard, le 14 août, le ministère des Transports ouvre officiellement une enquête. Une pétition lancée le 6 août sur le site de l’Assemblée nationale réclame « une enquête et une réforme sur les systèmes de freinage d’urgence automatique ». Elle dépasse rapidement les 300 signatures.
Une enquête qui patine face au mur des constructeurs
Le ministère a reçu plusieurs dizaines de signalements depuis l’été. Un chiffre largement sous-évalué selon les autorités elles-mêmes, conscientes que la majorité des victimes ne connaissent pas les canaux administratifs pour remonter ces incidents. D’où la décision annoncée par RTL : un questionnaire national sera mis en ligne dans les tout prochains jours sur le site du ministère des Transports. Ce formulaire vise à recenser exhaustivement toutes les personnes confrontées à ces freinages fantômes. Son objectif est d’obtenir une vision claire du nombre de véhicules impliqués et des circonstances précises de déclenchement. Car pour l’instant, l’enquête avance à tâtons. Le SSMVM réalise des tests sur des véhicules, auditionne constructeurs, fournisseurs et experts indépendants. Mais aucune preuve tangible d’un défaut spécifique chez un fabricant particulier n’a encore émergé.
Les marques pointées du doigt par les automobilistes rejettent catégoriquement toute responsabilité. Me Thomas Tapieroa, avocat spécialisé, voit défiler les dossiers : « Depuis cet été, une dizaine de personnes ont pris contact. Il pourrait y avoir plusieurs centaines de personnes concernées par ce phénomène. Les cas sont extrêmement variés, allant de la simple frayeur à des accidents mortels ». L’avocat n’hésite pas à évoquer la possibilité d’un nouveau scandale comparable à celui des airbags Takata qui avait provoqué des dizaines de morts et des rappels en masse. Les experts estiment que le freinage automatique d’urgence des véhicules concernés serait victime de dysfonctionnements répétés. Ce système repose sur un arsenal de capteurs, caméras et radars censés détecter les obstacles et déclencher un freinage d’urgence en cas de collision imminente. Une technologie destinée à sauver des vies, mais qui paradoxalement en met d’autres en danger quand elle déraille.
Plusieurs hypothèses circulent pour expliquer ces bugs. D’abord les conditions météorologiques. Une pluie battante pourrait perturber les capteurs et les amener à interpréter les gouttes d’eau comme des obstacles. Certains capteurs interprètent à tort des reflets, des marquages au sol ou des portiques autoroutiers comme des dangers imminents. Ces « faux positifs » déclenchent alors des freinages intempestifs. Ces capteurs ultra-sensibles doivent être parfaitement ajustés, car même un léger décalage peut provoquer des conséquences dramatiques. Après un choc ou un simple changement de pare-brise, un recalibrage complet s’impose. Sauf que cette opération technique n’est pas systématiquement réalisée par les garages, y compris chez certains concessionnaires officiels.