Alors que nous fêtons les 10 ans du Grand Prix de
Malaisie MotoGP 2015, il est temps de revenir sur « l’après »
Sepang, cette période trouble qui a laissé des traces toujours
perceptibles de nos jours. Hier, dans un long et dense article, je
suis revenu sur les faits, et j’ai tiré mes conclusions concernant
cet incident majeur. La lecture de ce papier, pour des raisons de
contexte, est très importante ; retrouvez-le en cliquant ici si vous
l’avez manqué.
Lorenzo la tête haute
Intéressons-nous désormais aux conséquences pour chacun
des pilotes. Débutons d’abord par mon idole de l’époque,
Jorge Lorenzo. Il est
de loin celui qui s’en sort le mieux dans cette affaire. Certes, en
tant que fan, je n’ai pas apprécié tous ses propos à
l’époque ; il avait dit, par exemple, qu’il ferait en sorte
que le TAS (Tribunal Arbitral du Sport) applique les bonnes
sanctions, alors qu’il n’était pas directement impliqué. Hormis
cela, il était le champion « moral et
physique » : Jorge était, d’assez loin d’après
moi, le meilleur pilote de cette saison 2015, et
celui qui s’était le mieux comporté.

Jorge
Lorenzo a assuré, il a montré, une fois de plus, qu’il faisait
partie des meilleurs de l’histoire.
Le voir gagner me procurait une joie immense, car je pensais que
Lorenzo méritait davantage encore le titre 2013, qu’une blessure
l’empêcha de décrocher. C’était là une juste rétribution,
et il avait parfaitement rebondi après une saison 2014
décevante. Par la suite, ses relations avec Marc Marquez
se sont apaisées, sans doute par compassion, puisque, désormais,
les deux avaient subi des attaques dans la presse signées Rossi. Ce
dernier fut naturellement son coéquipier en 2016, un an avant son
départ pour Ducati… ambiance. Lorenzo et Rossi s’accrochèrent
encore à Misano cette année-là, en course comme en conférence de
presse. Mais, comme c’était finalement souvent le cas, Jorge a eu
le dernier mot.
Dans le trio Lorenzo/Marquez/Rossi, j’ai toujours trouvé,
indépendamment de mon amour pour lui, que « Por Fuera »
était le plus responsable, le plus censé. Après sa victoire en
Catalogne en 2018, il a rendu hommage à Marc Marquez et
Valentino Rossi, tous deux sur le podium avec lui.
Respecté et apprécié des deux, il a bien géré la situation avant de
quitter le sport en légende fin 2019.
Marquez, parfois maladroit, mais toujours classe
Vient maintenant le sujet Marc
Marquez. Il faut savoir qu’en 2015, la fan base
MotoGP était composée à 80 % de fans de
Rossi, 15 % de fans de Marquez et de 5 %
d’autres. Nous, supporters de Lorenzo, n’étions pas
beaucoup. Forcément, quand « The Doctor » a publiquement
accusé Marquez de le gêner, la réaction des fans ne s’est pas fait
attendre. Partout où il allait, il se faisait siffler,
copieusement, et Rossi n’a jamais rien dit à ce propos. D’ailleurs,
cela s’est encore vu cette saison, à Misano, lorsqu’il a chuté lors
du Sprint. De nos jours, Rossi a beaucoup moins de
fans, et la marée rouge de Marquez a pris le dessus, mais
d’irréductibles éléments perturbateurs subsistent, notamment en
Italie où la culture du supportérisme est à
vomir.
Marquez, dans tout ça, a parfois essayé de recoller les
morceaux. Je pense à cette conférence de presse d’avant course, à
Misano en 2018, où Marc a essayé de tendre la main à Rossi
devant tout le monde. VR46 a refusé, ce qui est triste,
mais le geste de Marquez n’était vraiment pas nécessaire, ça
inspirait plus la pitié qu’autre chose. Marc n’était pas le fautif
dans cette affaire, et le fait qu’il tende la main n’a fait que
renforcer la paranoïa de Rossi, en réalité. Lorenzo, par exemple,
n’aurait jamais fait de même. Ce n’est pas la seule fois que le
désormais nonuple champion du monde fut assez maladroit ; je
pense bien sûr à ce Grand Prix d’Argentine 2018, où il a fait
tomber Rossi. Alors, oui, l’Italien a fermé la porte, mais Marquez
était tellement plus rapide sur cette manche que d’après moi, il
aurait pu faire un peu plus attention. Vouloir aller s’excuser
après la course est toujours honorable, mais, dans ce contexte,
je ne vois pas trop ce qu’il espérait.
C’est comme si, pendant toutes ces années, Marquez
voulait éviter le conflit et se rabibocher à tout prix. Il
n’avait pas besoin de ça, il était le meilleur. Cependant, il faut
rendre à César ce qui lui appartient : Marquez a toujours été
classe hors de la piste, a publiquement demandé à ses supporters de
ne pas siffler un pilote à terre, et de respecter tout le monde.
Chapeau.

Plus que
Senna/Prost, c’est la rivalité Senna/Schumacher que nous n’avons
jamais eue. Photo : Box Repsol
Rossi, le grand perdant
Enfin vient le moment d’évoquer le dernier protagoniste
de cette impasse mexicaine. Et, après dix ans, il paraît
clair que Valentino Rossi est bien le grand perdant de Sepang. À
vrai dire, il ne s’est jamais remis de cette désillusion, lui qui
croyait tenir là son dixième titre. Il était encore assez rapide
sur la Yamaha en 2016, 2017 et 2018, bien sûr, mais il était
ailleurs mentalement. Encore aujourd’hui, il est bloqué sur ce
sujet comme un disque rayé, ce qui ne sert pas sa
légende, loin de là.
Celui qui était le plus adulé est devenu détesté par une bonne
partie du public, y compris ses supporters. Certains ont même pris
pour idole Marc Marquez, mais n’ont malheureusement pas
gagné en intelligence et savoir-vivre entre temps ; rouge ou
jaune, le fanatisme aveugle ne fait pas la différence.
Le fanatisme, cancer du sport
En histoire, le contexte est toujours important. Il faut
noter que l’année 2015 coïncide aussi avec l’arrivée de nombreux
médias MotoGP sur les réseaux sociaux. Facebook était à
son apogée, alors que Twitter regroupait les avis les plus
véhéments. Cette coïncidence n’est pas étrangère aux comportements
actuels, car s’est formée en 2015, sur les réseaux sociaux, une
véritable racine haineuse qui perdure jusqu’à nos jours.
Heureusement que ces plateformes n’existaient pas lorsque
Prost et Senna croisaient le fer !
Je confonds là les deux camps. Ils s’accusent tantôt d’être
pro-Rossi, tantôt d’être pro-Marquez, le tout en s’insultant. Le
pire, c’est qu’il s’agit de grandes personnes, sans doute en âge
d’avoir des enfants ! Quelle honte.
Désormais, la haine s’est transposée sur d’autres pilotes :
Alex Marquez côté espagnol, et les élèves de la VR46 Academy de
l’autre. Elle n’en est pas moins bête, crasse et
futile.
Je suis curieux d’avoir votre avis sur ces questions. Quels
souvenirs vous évoquent 2015 ? Dites-le-moi en
commentaires !

La
légende égratignée.