Soixante-dix ans après son exécution, l’histoire tragique de Ruth Ellis, dernière femme pendue au Royaume-Uni, refait surface. Quatre de ses six petits-enfants ont officiellement demandé au ministre britannique de la Justice, David Lammy, de gracier à titre posthume cette hôtesse de boîte de nuit condamnée pour le meurtre de son amant violent, le pilote automobile David Blakely.

« Nous voulons réparer une injustice », explique sa petite-fille Laura Enston, 46 ans. En 1955, Ruth Ellis, âgée de 28 ans, avait abattu David Blakely à la sortie d’un bar londonien après des mois de violences conjugales répétées, « physiques, sexuelles et psychologiques », rappellent ses avocats du cabinet Mischon de Reya.

Un procès sans doute différent aujourd’hui

Ses défenseurs affirment que son procès aurait été jugé tout autrement aujourd’hui. « Elle aurait probablement été accusée d’homicide, pas de meurtre », précise l’avocat James Libson. Condamnée à mort après seulement vingt minutes de délibération, Ruth Ellis avait fait face au jury sans émotion, un comportement que ses proches interprètent désormais à la lumière des connaissances modernes sur les traumatismes. « Elle a involontairement joué le rôle de la tueuse au sang-froid qu’on lui avait attribué », souligne encore Laura Enston.

Dix jours avant le drame, David Blakely l’avait frappée au ventre alors qu’elle était enceinte, provoquant une fausse couche. « A l’époque, personne ne souhaitait donner une chance équitable à Ruth », déplore sa petite-fille, rappelant qu’elle était une mère célibataire de deux enfants issue d’un milieu modeste.

Une première demande rejetée en 2003

L’affaire avait profondément marqué la société britannique et inspiré le film Un crime pour une passion (Dance with a Stranger, 1985) avec Miranda Richardson et Rupert Everett. La pendaison de Ruth Ellis en juillet 1955 à Londres avait contribué à faire évoluer l’opinion publique contre la peine capitale, abolie au Royaume-Uni en 1973.

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Les descendants d’Ellis avaient déjà tenté en vain d’obtenir l’annulation de sa condamnation en 2003. Cette nouvelle demande de grâce vise à reconnaître le statut de victime de violences conjugales que la jeune femme n’avait pu faire valoir de son vivant – et à offrir, enfin, « une forme de justice » à celle dont le sort symbolise encore les dérives du système judiciaire d’alors.