Suspendre la réforme des retraites aura un coût, et le gouvernement a décidé de le faire supporter aux mutuelles et aux retraités. Selon une lettre rectificative au budget de la Sécurité sociale, examinée par le Conseil d’Etat et attendue jeudi en Conseil des ministres, cette suspension pèsera 100 millions d’euros en 2026 et 1,4 milliard en 2027, selon les informations publiées par Les Echos et confirmées par l’AFP.
Pour compenser cette dépense, le taux de contribution des organismes complémentaires de santé – mutuelles, assurances, institutions de prévoyance – passera de 2,05 % à 2,25 % dès 2026. Une hausse qui pourrait se répercuter sur les cotisations des assurés. Les retraités seront également mis à contribution : la sous-indexation de leurs pensions par rapport à l’inflation, initialement fixée à 0,4 point, sera alourdie de 0,5 point supplémentaire en 2027. Avec une inflation hors tabac estimée à 1,75 %, leur pouvoir d’achat se trouvera mécaniquement amputé.
Gel des pensions et prestations sociales
Le gouvernement avait déjà annoncé le gel des pensions et des prestations sociales pour 2026 afin de freiner la hausse des dépenses publiques. Ces mesures s’inscrivent dans un contexte budgétaire contraint et visent à financer le report de la réforme Borne, qui devait progressivement relever l’âge légal de départ à 64 ans.
Concrètement, la génération 1964 pourra partir à 62 ans et 9 mois, comme la précédente, au lieu des 63 ans initialement prévus. Le nombre de trimestres requis restera à 170 au lieu de 171. La réforme reprendrait ensuite son cours normal en janvier 2028, avec la génération 1965, appelée à cotiser 171 trimestres au lieu de 172.
Cacophonie au sommet de l’Etat
Mais ce report montre aussi la cacophonie qui règne au sommet de l’Etat. Depuis la Slovénie, Emmanuel Macron a assuré qu’il n’y aurait « ni abrogation ni suspension, seulement le décalage d’une échéance […] à savoir le relèvement progressif de l’âge légal de départ. » Quelques heures plus tard, le Premier ministre Sébastien Lecornu confirmait pourtant à l’Assemblée nationale que « la suspension » serait bien inscrite dans le budget de la Sécurité sociale.
Notre dossier sur la réforme des retraites
Plutôt qu’un simple ajustement technique, cette inscription directe dans la loi est aussi un signal politique, adressé à la gauche et au Rassemblement national, qui exigeaient une garantie écrite avant les débats parlementaires. A moins de deux ans de la présidentielle, ce choix marque une nouvelle étape dans la bataille symbolique autour des retraites et du pouvoir d’achat des Français.