par Lili Bayer et Andrew Gray
Les chefs d’Etat et de
gouvernement de l’Union européenne entendent effectuer jeudi une
démonstration de soutien au président ukrainien Volodimir
Zelensky lors d’un sommet organisé à Bruxelles, après plusieurs
jours de remous avec l’annonce d’une rencontre entre le
président américain Donald Trump et le président russe Vladimir
Poutine, finalement annulée.
Il est attendu que Volodimir Zelensky participe à ce sommet
européen, lors duquel les Vingt-Sept vont réaffirmer la
nécessité de respecter l’intégrité territoriale de l’Ukraine et
convenir d’avancer sur un projet destiné à utiliser des avoirs
russes gelés pour financer un prêt massif à Kyiv.
Un dix-neuvième train de sanctions contre la Russie,
prévoyant un embargo sur les importations de gaz naturel
liquéfié (GNL) russe, doit également être formellement validé
jeudi, après que la Slovaquie a levé mercredi l’objection
opposée au texte finalisé la semaine dernière. Bratislava
réclamait notamment des garanties face au risque de flambée des
prix de l’énergie.
Le sommet européen va s’ouvrir quelques heures après que
Donald Trump a confirmé l’annulation de la rencontre bilatérale
avec Vladimir Poutine dans la capitale hongroise Budapest qu’il
avait annoncée la semaine dernière, revendiquant alors des
« progrès » vers un cessez-le-feu en Ukraine.
« Il me semblait que nous n’irions pas dans la direction où
nous devons aller », a déclaré mercredi le président américain
devant les journalistes à la Maison blanche, après que son
administration a annoncé un peu plus tôt, pour la première fois,
des sanctions contre deux entreprises russes.
La perspective d’un nouveau sommet bilatéral entre Donald
Trump et Vladimir Poutine, après celui organisé sur la base
militaire américaine à Anchorage en Alaska en août dernier, a
ravivé chez les alliés de l’Ukraine la crainte que Washington
scelle avec Moscou un accord défavorable à Kyiv.
Alors qu’il avait dit envisager de fournir à l’Ukraine les
missiles de croisière Tomahawk qu’elle a demandés – des missiles
qui permettraient à Kyiv de frapper plusieurs grandes villes
russes -, Donald Trump a fait machine arrière quand il a reçu
Volodimir Zelensky vendredi dernier, dans la foulée de
l’entretien téléphonique que Trump a eu avec Vladimir Poutine.
Les tensions signalées au cours de la réunion à la Maison
blanche entre le président américain et son homologue ukrainien,
le premier nommé ayant selon des sources pressé le second à
effectuer des concessions territoriales à la Russie, ont incité
les Européens à montrer que l’Ukraine pouvait toujours compter
sur leur soutien.
« PRÊT DE RÉPARATION »
Parmi les signaux du soutien sur le long-terme que Bruxelles
entend apporter à Kyiv, une proposition de la Commission
européenne prévoyant d’utiliser les avoirs russes gelés en
Europe pour fournir à l’Ukraine un « prêt de réparation » de 140
milliards d’euros.
Afin d’avancer sur ce projet, les dirigeants européens vont
tenter de répondre aux préoccupations exprimées par la Belgique
à propos des risques juridiques et financiers d’un tel prêt.
C’est en Belgique qu’est basée Euroclear, structure financière
de dépôts de titres, où sont placés la majorité de ces avoirs
russes.
Des discussions ont également débuté à propos des conditions
potentielles à apposer au prêt qui serait accordé à Kyiv.
Certains pays de l’UE veulent que l’ensemble des fonds
soient destinés à l’armée ukrainienne, principalement pour se
procurer des armes européennes.
D’autres pensent que l’Ukraine devrait être autorisée à
utiliser en partie cet argent pour acheter des armes américaines
et pour subvenir à ses besoins budgétaires plus larges.
« Bien qu’il y ait une volonté politique assez claire d’aller
de l’avant (sur ce projet), il y a toujours de nombreuses
questions », a déclaré un diplomate européen sous couvert
d’anonymat.
Une haute représentante ukrainienne a déclaré mercredi dans
une interview à Reuters que Kyiv avait besoin de cette aide
financière d’ici la fin de l’année et de disposer d’autonomie
pour l’utilisation des fonds.
Dans un document envoyé aux pays membres de l’UE que Reuters
a pu consulter la semaine dernière, la Commission européenne a
suggéré un compromis dans le cadre duquel une grande partie du
prêt serait allouée à l’achat d’armes ukrainiennes et
européennes, tandis qu’une part plus infime pourrait être
utilisée comme soutien budgétaire plus général – sans interdire
à Kyiv de s’en servir pour se procurer des armes hors d’Europe.
Il est attendu, comme prochaine étape, que les dirigeants
européens demandent à la Commission de formuler une proposition
juridique formelle.
Moscou a dénoncé le projet comme une saisie illégale
d’actifs russes et prévenu de représailles.
(Lili Bayer et Andrew Gray, avec Julia Payne, Jan Strupczewski,
Philip Blenkinsop, Charlotte Van Campenhout et Inti Landauro;
version française Jean Terzian)