Par

Nicolas Zaugra

Publié le

23 oct. 2025 à 6h02

C’est la mesure phare du début de campagne de Jean-Michel Aulas, désormais candidat aux municipales 2026 à Lyon. L’ex-président de l’OL, en tête des sondages, a proposé dès juin dernier la gratuité partielle des transports en communs lyonnais (TCL) pour les Lyonnais gagnant moins de 2 500 euros par mois. Une promesse qui provoque de vifs débats, y compris chez les alliés du candidat. Son coût et son financement, sa mise en œuvre, les personnes concernées… De nombreuses questions se posent. Sa promesse numéro 1 est-elle sur de bons rails ? Décryptage.

Quelle gratuité propose-t-il et qui est concerné ?

Avant même d’être candidat, Jean-Michel Aulas (JMA) met cette proposition « choc » sur la table. La gratuité des TCL pour une bonne partie des Lyonnais, ceux gagnant moins de 2 500 euros par mois. Dans une note datée de juin 2025 – toujours d’actualité en octobre selon son équipe de campagne -, le chef d’entreprise et ses équipes évaluent à 100 000 le nombre de bénéficiaires.

Comment ? L’entourage de « JMA » justifie ce chiffre par le taux potentiel de recours à ce dispositif social. Il s’élèverait selon l’équipe de campagne à 50 à 60% de personnes ayant droit à la gratuité le demandant réellement. En face, les Écologistes, notamment Bruno Bernard, le président de la Métropole et du Sytral (l’autorité organisatrice des transports), estiment que la gratuité provoquera un effet d’aubaine et que le nombre de bénéficiaires sera plus important.

Le choix des 2 500 euros comme seuil maximum s’explique selon le camp Aulas par le salaire médian lyonnais de 2 120 euros. « Une personne à Lyon a en moyenne un budget équilibré entre recettes et dépenses à un niveau de salaire autour de 2 487 euros », explique-t-on autour du candidat.

Mais à en croire les chiffres de l’Insee (2022) qui établit le salaire horaire à Lyon à 18,5 euros de l’heure, un salaire mensuel de 2 500 euros nets serait plutôt le salaire moyen et non médian dans la ville. L’observatoire des inégalités évoque un salaire moyen à 2 727 euros à Lyon.

Pourquoi la barre des 2 500 euros ?

Une phrase de Jean-Michel Aulas en personne a d’ailleurs interrogé. Sur Radio Scoop le 1er octobre, il assure face aux auditeurs : « Nous avons fixé la barre à 2 500 euros de revenus par famille, mais nous pouvons en discuter. » Une erreur de langage corrige son équipe, puisque la mesure concerne bien le revenu par personne.

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Concernant la possibilité de discuter de la mesure, son équipe reconnaît qu’elle peut évoluer mais à la marge. « Après l’expérimentation dans trois arrondissements au début, peut-être que la mesure sera injuste pour des personnes un tout petit peu au-dessus du seuil, elle pourra évoluer marginalement. » 

À noter que la promesse concernera aussi les retraités, les étudiants et les demandeurs d’emplois ainsi que les enfants des Lyonnais gagnant moins de 2 500 euros. Les familles monoparentales ont eu le droit à une extension de la mesure avec une gratuité générale promise et sans limite de revenus.

Jean-Michel Aulas donne son premier meeting de campagne ce vendredi 26 septembre 2025 à Lyon.
Jean-Michel Aulas candidat aux municipales à Lyon. (©MATTHIEU DELATY/ HANS LUCAS/ AFP)Combien coûte la mesure ?

L’équipe de « JMA » avance un coût autour de 35 millions d’euros par an (sur la base d’un abonnement annuel moyen de 300 euros). Jean-Michel Aulas évoque publiquement une mesure « entre 25 et 30 millions d’euros ». Là aussi, son entourage assure que cela peut évoluer « en fonction de l’état des finances municipales, notamment l’épargne brute de la Ville ».

Bruno Bernard et son vice-président aux Transports Jean-Charles Kohlhass estiment la mesure Aulas à 80 voire 100 millions d’euros par an. Sur les abonnés, l’élu assure d’ailleurs que « 96% ne paient pas le tarif plein de l’abonnement ». De plus, Bruno Bernard rappelle que la billetterie des transports en commun lyonnais rapporte 255 millions d’euros, soit 29 % du financement global.

Un chiffre balayé par l’équipe Aulas qui « invite les écologistes à produire une note, des sources » pour justifier de telles estimations. 

Comment la mesure est financée ?

Du côté de « JMA », on assure qu’il ne sera pas nécessaire d’augmenter les impôts. Son équipe mise sur des économies à faire dans les dépenses de communication et l’arrivée de recettes fiscales liées à la construction de logements, en panne sèche depuis plusieurs années. Aulas table sur 8 à 10 millions d’euros de recette par an. Un chiffre très ambitieux, voire irréaliste selon les écologistes qui évoquent 10 000 constructions annuelles nécessaires pour arriver à de tels chiffres.

Concernant la communication, l’équipe du candidat évoque 20 millions d’euros de dépenses, dont 12 à 14 millions peuvent être supprimées. Cependant, le rapport de la Chambre régionale des comptes évoque plutôt 4 millions d’euros de dépenses de communication. 

Comment cette gratuité est mise en place ?

L’une des questions majeure est la mise en place de la mesure. En cas d’élection à la mairie, Jean-Michel Aulas promet une expérimentation dès 2026 dans trois arrondissements (3e, 7e et 8e) qui sont les plus peuplés. Une généralisation est prévue en 2027.

Mais qui va gérer les dossiers de gratuité et comment la Ville va-t-elle mettre en place cette mesure ? L’entourage du candidat affirme que la municipalité interviendra après le remboursement de l’employeur. Pas de précision cependant sur le fonctionnement administratif et opérationnel.

Une mesure pour séduire la gauche… rejetée à droite

La promesse « sociale » de l’ex-patron de l’OL s’inscrit en tout cas dans la ligne des partis les plus à gauche dans le paysage. Nathalie Perrin-Gilbert, candidate indépendante ou encore LFI et le PCF défendent la gratuité des TCL. Un moyen pour « JMA » de séduire un électorat plus à gauche.

Mais ses propres alliés ne sont pas emballés voire opposés. Pierre Oliver, Véronique Sarselli ou encore Béatrice de Montille sont franchement contre un système de gratuité ou estiment que ce n’est pas prioritaire. « Interrogez un mec de Renaissance ou du centre sur ce sujet, pas un pour la défendre », s’amuse un stratège écologiste. 

Du côté de l’équipe Aulas, on évacue la question en estimant que les alliances signées après l’annonce de la gratuité des TCL met fin au sujet. « Nos alliés ont compris que cette mesure tient à cœur à Jean-Michel Aulas et qu’on prend tout le programme quand on fait une alliance », glisse-t-on.

Reste aussi à signer une « convention » avec le Sytral, un pari loin d’être gagné. Mais le candidat compte bien peser à la Métropole pour faire basculer la négociation en sa faveur. Un indispensable pour assurer un avenir à sa mesure de gratuité des transports.

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