« La sécurité du patrimoine culturel est désormais une priorité majeure », a fait savoir le ministère italien de la Culture lundi dans un communiqué. Si le vol survenu au musée du Louvre n’est pas mentionné, le timing de l’annonce n’est pas anodin. La direction des musées du ministère a annoncé le développement de « deux projets expérimentaux axés spécifiquement sur le patrimoine archéologique » financé par des fonds européens pour plus de 70 millions d’euros. Le programme utilise l’intelligence artificielle (IA) pour « détecter les comportements anormaux et les mouvements suspects » de sorte à « déclencher des alertes en temps opportun », assure le ministère.
Le développement de ces nouveaux outils n’a rien d’étonnant tant les pays européens ont été touchés par de nombreux cambriolages. Au Royaume-Uni, la Tour de Londres – où sont exposés les joyaux de la Couronne – n’a connu aucun vol depuis 1671 et peut notamment compter sur son architecture. « La Tour de Londres a un énorme avantage. C’est une forteresse du XIe siècle. Les murs sont très épais, donc déjà, ça la rend sûre », précise le spécialiste en sécurité des musées David Bilson sur franceinfo.
Exposés des copies ?
En revanche le British Museum peut difficilement revendiquer le titre de forteresse impénétrable. Ces dernières années, plus de 2 000 objets y ont été dérobés, notamment des bijoux en or, des pierres précieuses ou de la verrerie datant XVe siècle avant J.-C. au XIXe siècle après J.-C. Le voleur présumé – un conservateur du musée qui clame toujours son innocence – est suspecté de s’être servi dans les réserves du musée en profitant du mauvais recensement des pièces. En réponse, le British Museum a lancé un chantier de sécurisation de ses collections. Cela passe d’abord par cataloguer de façon plus précise les œuvres, via la numérisation. Mais également par le scan en 3D de certaines pièces.
Concrètement, des robots peuvent aujourd’hui sculpter ou dupliquer des œuvres à l’identique permettant ainsi d’exposer au public des copies afin d’éviter le vandalisme. « On peut faire des copies, ça a été expérimenté. Mais imaginez si l’on devait faire ça pour chaque œuvre ? C’est gigantesque et ça va coûter une fortune », tempère Philippe Durant, auteur de Cambriolages au musée : 10 vols, 10 pays. « Si on pousse la logique autant que les gens restent chez eux et regardent les œuvres sur leur ordinateur. Visiter des musées implique l’interaction d’humains, et l’humain est forcément faillible », ajoute-t-il.
Le recours aux sous-traitants
Outre-Rhin, le vol survenu au musée de Grünes Gewölbe à Dresde en 2019 fut surnommé « le casse du siècle ». Des cambrioleurs étaient parvenus à voler des bijoux du XVIIIe siècle composés de 4 300 diamants pour une valeur de plus de 110 millions d’euros. Un butin qui a été en grande partie retrouvé. Depuis, le land de Saxe a décidé d’investir 20 millions d’euros supplémentaires pour renforcer la sécurité de ses musées, notamment celles des Collections nationales de Dresde. Des mesures structurelles, techniques, organisationnelles et en matière de personnel ont été mises en œuvre, assure le musée, sans toutefois rentrer dans les détails.
L’historien de l’art et expert en sécurisation et assurance d’œuvres d’art chez Allianz Franz Oliver Class met en avant une différence importante entre les modèles français et suisse. « En Suisse, les œuvres d’art sont généralement assurées par des compagnies privées. Ces assureurs ont bien sûr un grand intérêt à ce que les œuvres soient protégées de la meilleure façon possible », explique-t-il à 20 minutes Suisse.
Plus globalement, les musées européens font souvent appel à des sous-traitants pour assurer leur sécurité. C’est notamment le cas à la National Gallery de Londres, au Prado à Madrid ou dans les 16 musées et bibliothèques d’État de Florence. Dario Furnari, le dirigeant syndical de l’entreprise dont dépendent les musées florentins, assure à Libération que les conditions de travail qui y sont pratiquées fragilisent la sécurité des œuvres et des visiteurs. « Il y a une grave carence de personnel pour assurer l’ouverture et la surveillance des musées », alerte-t-il. Philippe Durant pointe aussi la nature même du travail de gardien de musée. « Vous êtes souvent statique à surveiller les gens, ce qu’ils font ou non. Au bout d’une heure, deux heures, un an vous pouvez vous lasser. Je ne les critique pas du tout mais c’est humain », observe-t-il.