Autre temps, autres mœurs… Là où Goscinny et Uderzo, les créateurs originels d’Astérix, caricaturaient souvent leurs personnages avec outrance, leurs successeurs Fabcaro et Didier Conrad ont confié à 20 Minutes avoir été très attentifs à leur « gestion » des stéréotypes pour l’album Astérix en Lusitanie, sorti jeudi 23 octobre 2025 et dont l’action se déroule au Portugal.

Alors comment ont-ils évité les vieux clichés du portugais poilu, chaleureux et poli, souvent représenté en pêcheur ou en maçon ? « On nous attendait là-dessus, explique le scénariste Fabcaro. Représenter nos personnages portugais avec une pilosité abondante, c’était hors de question. » Le dessinateur Didier Conrad acquiesce : « On aurait aussitôt été accusés de faire du « bodyshaming » ! ».

« On s’autocensure un peu »

Il est vrai qu’à une époque où le moindre parti pris est commenté, voire critiqué – parfois même violemment –, représenter des stéréotypes nationaux relève du défi. « Ça n’est pas trop difficile parce qu’on a naturellement un humour plutôt bienveillant, nuance Fabcaro. Mais inconsciemment, je crois qu’on s’autocensure un peu. On est dans une époque qui l’exige et on en a bien conscience. »

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S’ils n’en ont pas fait une règle, donc, Conrad a quand même dessiné quelques personnages plutôt velus, comme Pirespès, « traître de père en fils ». Ou Obélix, obligé de se déguiser en portugais – on n’en dit pas plus pour ne pas spoiler – et à qui le dessinateur a temporairement « ajouté des poils bruns, parce que vu qu’il est roux, ça ne se serait pas vu, donc j’ai fait un compromis. »

Le personnage « poilu et aux traits aquilins » de Pirespès, dans « Astérix en Lusitanie »Le personnage « poilu et aux traits aquilins » de Pirespès, dans « Astérix en Lusitanie » - ASTERIX® – OBELIX® – IDEFIX® / ©2025 HACHETTE LIVRE / GOSCINNY UDERZORespecter la « grammaire Astérix »

Outre la peur de choquer, Fabcaro reconnaît sentir l’ombre de feu Goscinny au-dessus de son épaule lorsqu’il écrit un Astérix : « Régulièrement, je me demande « est-ce que ça, il l’aurait validé ? ». Je me suis posé la question quand Astérix et Obélix sont déguisés en Lusitaniens, me demandant si je ne commettais pas un blasphème, si j’avais le droit de faire ça dans la « grammaire Astérix ». »

De fait, la parole des années 1960-1970 était plus libérée en matière de BD, et ce que Fabcaro s’interdit aurait alors pu naître sous la plume de René Goscinny. « Il avait plus de liberté, confirme Conrad, mais lui et Uderzo étaient tellement bienveillants que même lorsque ça allait un peu loin, ça passait. »

Les exigences d’une époque plus attentive

« L’humour a évolué, les codes aussi », ajoute Fabcaro, rappelant qu’à l’époque, « il n’y avait aucun souci pour exagérer les accents étrangers (là où lui s’est contenté de terminer certains mots en « ão ») ou dessiner des physiques ultra-caricaturaux. Mais ça a évolué… et c’est probablement mieux comme ça ».

Un village portugais dans « Astérix en Lusitanie »Un village portugais dans « Astérix en Lusitanie » - ASTERIX® – OBELIX® – IDEFIX® / ©2025 HACHETTE LIVRE / GOSCINNY UDERZO

Alors oui, Astérix en Lusitanie parle de plats à base morue, des azulejos – ces magnifiques carreaux de faïence décorés –, et de la saudade, ce sentiment « de délicieuse nostalgie et de désir d’ailleurs », tous nés au Portugal, le pays des pasteis de nata et du Fado. Mais vous l’aurez compris, ses personnages n’y affichent pas d’attributs outranciers.

Notre dossier « Astérix »

« On ne peut pas prendre les libertés qu’on se permettrait dans nos propres univers créatifs en se disant « que l’éditeur aille se faire foutre, je suis un artiste« , conclut Conrad. Oui, Goscinny serait allé beaucoup plus loin que nous, mais à une époque beaucoup plus libre, donc nous, on s’accommode très bien de cet impératif de vigilance. »