Le gaz naturel est au cœur du quotidien européen : il alimente la production d’électricité, chauffe environ 30 % des foyers de l’UE et fait tourner nos industries. Pourtant, l’Europe a su réduire sa demande de plus de 19 % entre 2021 et 2024. Cette réduction spectaculaire ne relève pas du hasard : elle s’inscrit dans une stratégie délibérée d’émancipation vis-à-vis du gaz russe.

Octobre 2025 : décision historique d’interdiction d’importation du gaz naturel russe

L’invasion de l’Ukraine en février 2022 a marqué un tournant décisif dans la politique énergétique européenne. Dès le 10 mars 2022, le Conseil européen réuni à Versailles a mandaté la Commission pour élaborer une réponse coordonnée.

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C’est dans ce contexte qu’est né le plan REPowerEU, présenté le 18 mai 2022, qui définit les objectifs de réduction progressive des importations de gaz russe, avec une échéance fixée à 2027 pour leur suppression totale.

Le plan REPowerEU a pour objectif de mettre fin à la dépendance à l’égard des combustibles fossiles Russes, en diversifiant les sources d’approvisionnement et en accélérant la transition vers une énergie propre.

Trois ans plus tard, le 20 octobre 2025, les ministres de l’Énergie de l’Union Européenne réunis à Luxembourg ont franchi une étape décisive en approuvant officiellement l’interdiction d’importer du gaz naturel russe. Cette mesure s’appliquera dès juin 2026 pour les contrats à court terme et janvier 2028 pour les contrats à long terme. Un délai supplémentaire pour les contrats de court-terme a toutefois été accordé à la Hongrie et la Slovaquie, opposés au projet.

La Russie a tenté à plusieurs reprises de nous faire chanter en instrumentalisant ses approvisionnements énergétiques. Nous avons pris des mesures claires pour mettre un terme à l’ère des combustibles fossiles russes en Europe. Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne

Évolution des importations de gaz en Europe

Pour mieux comprendre l’ampleur de cette transformation, examinons l’évolution des importations de gaz en provenance de différents partenaires entre 2021 et 2024.

Évolution des importations de gaz en Europe

Ces données révèlent une transformation majeure : le poids du gaz russe est passé de 40 % en 2021 à seulement 11 % en 2024. En combinant le gaz par gazoduc et le gaz naturel liquéfié (GNL), la Russie représentait moins de 19 % du total des importations de gaz de l’UE en 2024.

Le gazoduc achemine le gaz naturel à l’état gazeux via des canalisations fixes, tandis que le GNL (Gaz Naturel Liquéfié) est du gaz naturel transformé en liquide pour être transporté de manière flexible par navires méthaniers. Le GNL est privilégié pour les très longues distances où un gazoduc est impossible ou trop coûteux.

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Cette baisse a été rendue possible principalement grâce à une forte augmentation des importations de GNL des autres pays et à une réduction globale de la consommation de gaz dans l’Union européenne. En effet, le second volet du plan REPowerEU repose en grande partie sur la réduction de la demande énergétique.

Dès 2022, les États membres ont réussi à dépasser l’objectif de réduction de 15 % de leur consommation de gaz, atteignant une baisse de 19,3 %. Cette sobriété énergétique, encouragée par les prix élevés et une baisse de la production industrielle, a permis d’éviter les rationnements.

Mais réduire la consommation ne suffisait pas, il fallait également repenser la carte des fournisseurs.

Énergie : diversifier pour sécuriser ?

La volonté d’indépendance à l’énergie russe est régulièrement présentée par les autorités européennes comme une saine diversification des fournisseurs. Cependant, à bien y regarder, les dynamiques de ces dernières années laissent présager une concentration plus forte d’autres fournisseurs historiques.

Entre le deuxième trimestre 2024 et 2025, l’Union européenne a profondément modifié la structure de ses importations de gaz naturel, qu’il soit gazeux ou liquéfié. Dans les deux cas, on observe une nette diminution de la part de la Russie. Pour le gaz en état gazeux, sa contribution chute de 15,8 % à 7,8 %, tandis que pour le GNL, elle passe de 16,4 % à 12,9 %.

Cependant, la Russie n’a pas été remplacée par des nouveaux fournisseurs. Pour le gaz de gazoduc, la Norvège, qui représentait 43,6 % des importations, en représente maintenant plus de la moitié. Pour le GNL, la part des États-Unis a augmenté de presque 10 points, pour atteindre 60 % !

Importations de gaz en Europe

Ces partenaires sont probablement plus fiables et plus stables que la Russie, avec qui les tensions géopolitiques sont nombreuses. Il n’en reste pas moins que la stratégie de diversification revêt des airs de dépendance énergétique croissante envers des fournisseurs clefs.

Le deal commercial avec les États-Unis, qui acte une importation massive d’énergie américaine, renforcera probablement ce lien, toujours plus fort, avec tous les avantages et risques qu’il engendre.