Par

Isabelle Villy

Publié le

23 oct. 2025 à 17h21

Salle comble, jeudi 9 octobre 2025, à la mairie de Bihorel. Et ce n’était pas pour un mariage, mais bien plutôt pour la confirmation d’un divorce entre le maire Pascal Houbron et son ancienne majorité. Lors du conseil municipal, les positions semblent complètement figées et Pascal Houbron se retrouve bien seul. Résumé, en quelques points, d’un débat sans fleurets mouchetés…

Hommages… et premières banderilles

La séance a débuté par un hommage à Robert Badinter, à l’occasion de son entrée au Panthéon. « Une journée historique pour l’humanité et la France, avec aussi le cessez-le-feu à Gaza », a déclaré Pascal Houbron, qui a ensuite souhaité revenir sur la journée du 5 octobre, avec la plantation d’un olivier dans le square Tamarelle, à la mémoire d’Ilan Halimi et des victimes de l’antisémitisme (lire notre précédente édition).

« J’ai souhaité prendre cette initiative forte, en étant la première ville de Normandie à le faire, pour montrer notre résistance à la résurgence de l’antisémitisme partout en France et à Rouen. À ma grande surprise, ni Nathalie Lecordier, ni Baptiste Boulland, ni Annick Bonneau, ni Jean-Baptiste Châtelain, ni aucun autre membre de vos groupes n’étaient présents à cet événement fédérateur », a lancé le maire, se demandant si cela était « par manque de courage, par absence de soutien à nos compatriotes juifs ? Je n’ose y croire ».

Règlements de comptes

Ce premier tacle lancé, Pascal Houbron s’est alors demandé si cette attitude ne répondait pas à de « l’opportunisme politique. Probablement, juste pour ne pas montrer un quelconque soutien au maire pour cette initiative saluée. Où est la hauteur de vue dont vous vous réclamez ? Je regrette que les oppositions s’abaissent à tous les moyens pour exister. Où est l’esprit de responsabilité ? Vous êtes prêt à tout pour me faire trébucher, me faire taire parce que j’ai été malade et vulnérable pendant six mois », a lâché Pascal Houbron.

Dès lors, les hostilités étaient déclenchées. Patrice Renault de Bihorel en commun a rétorqué : « Notre groupe réaffirme sans réserve son engagement contre l’antisémitisme, contre toutes les formes de haine. Nous regrettons que la cérémonie ait été organisée en notre nom sans que le conseil municipal ne soit consulté sur un sujet aussi essentiel. L’unité de tous les élus aurait dû être recherchée ».

C’est ensuite Baptiste Bouilland de Bihorel Aérée qui a enchaîné : « Je tiens juste à dire que vous êtes garant de notre unité bihorellaise. Quand dans la même semaine, vous sortez sur les réseaux sociaux des mots extrêmement choquants, de droite extrême, comme : « invasion, arrêtez de faire entrer des femmes voilées »… Ce que vous regrettez pour Ilan Halimi, vous pouvez le déclencher avec vos paroles. Je tiens à attirer votre attention sur ce sujet grave. »

Un maire et une seule adjointe

Fin août, le maire Pascal Houbron a retiré leurs délégations à cinq adjoints sur huit (voir nos précédents articles), à savoir Nathalie Lecordier, Olivier Marical, Jocelyne Brochard, Maryse Chaillet et Antoine Ojeda. Le maire a reçu de la préfecture, le 25 septembre, la notification des démissions des deux autres, Xavier Hauguel et Christophe Barré. Une délibération devait donc redéfinir le nombre des adjoints.

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« Comment comptez-vous vous organiser ? »

« Il est proposé de fixer le nombre à un et d’installer Françoise Lacaille comme l’unique adjointe », a indiqué le maire. C’est l’opposant Jean-Christophe Châtelain qui a mis les pieds dans le plat en demandant ce qui justifiait le retrait des délégations ? « Comment comptez-vous vous organiser avec une seule adjointe ? »

Pour Pascal Houbron, pas de problème : « Je rappelle qu’en début de mandature, on élit un maire, mais que c’est lui qui délègue des compétences à des adjoints. Mais, c’est de la théorie. Il pourrait y en avoir huit comme aucun. Ici, j’ai toujours donné beaucoup d’autonomie, mais vous le savez bien, quand la confiance n’est plus possible, on retire les délégations. Il n’était plus possible de travailler avec eux », a déclaré l’élu.

Il a ensuite rassuré l’opposant : « Je vous rassure, le personnel communal me fait signer l’ensemble des actes. Je suis en mairie le plus souvent possible. Il n’y a pas de rupture de l’activité ou de frein du fait de ce retrait de délégations. » Un choix adopté avec l’abstention de toutes les oppositions.

Encore quelques bisbilles autour des indemnités

Il fallait bien ensuite parler argent public avec la fixation des indemnités d’élus : le taux à 54,9 % de l’indice de référence a été reconduit pour le maire, à 17 % pour Françoise Lacaille et le retrait des 70 euros par mois pour les conseillers municipaux.

« Vous aimez rappeler, Monsieur le Maire, que l’argent n’est pas votre moteur. Pourtant, la réalité est un peu différente. Vous percevez le montant maximum, enfin presque (54,9 % sur 55 %). On ne peut qu’admirer cette sobriété extrême. Si vous êtes si indifférent, pourquoi ne pas montrer l’exemple, avec 20/25 % de l’indice de référence ? Le geste aurait plus de force que vos déclarations répétées sur ce sujet », a lâché Patrice Renault sans réel retour.

Demande de retrait des délégations du maire

Le débat le plus âpre restait toutefois à venir, quand le groupe Bihorel en commun a demandé le retrait des délégations du maire, qui a donné lieu à un réquisitoire de ce dernier : « C’est la délibération la plus importante du conseil », a commencé l’élu, qui l’a décrite comme une corrida, « où je suis finalement le matador et vous le taureau ». Et d’ajouter qu’il avait « trois banderilles avant la mise à mort ».

Vous avez en commun la faillite, le déshonneur, l’abjection, l’ignominie et la honte.

Pascal Houbron
Maire de Bihorel

S’adressant à Bihorel en commun, Pascal Houbron a alors expliqué son propos : « Vous avez en commun la faillite, le déshonneur, l’abjection, l’ignominie et la honte », a-t-il débuté, avant de passer à la « deuxième banderille », à savoir, « votre comportement vis-à-vis de moi. La troisième, c’est celle de la mise à mort par votre absence d’intérêt général », a-t-il enfin asséné.

Qui gagne quoi…

Pascal Houbron a alors rappelé qu’il a toujours vécu sa vie d’élu « avec une double fonction. Dans le monde de l’entreprise, et celle d’élu, basée sur l’intégrité et l’intérêt général. Je comprends bien que cette délibération est une forme de vengeance », a accusé le maire, rappelant que son ancienne première adjointe, Nathalie Lecordier, « et d’autres, ont, eux, cessé de travailler, profitant de leurs indemnités. C’est de l’argent public ».

Xavier Hauguel a vu rouge, à ce moment, fustigeant le maire : « Et vous, avec votre indemnité de maire, de la Région Normandie et de la Métropole Rouen Normandie, sans compter vos indemnités de la Sécurité sociale ? »

Un propos qui n’a en rien changé la position du maire, convaincu que cette demande de retrait des délégations du maire traduit une vengeance. « Vous pensez que cela va me toucher, mais cela me renforce. Ce retrait des délégations, moi qui voulais être maire jusqu’au bout du mandat, les habitants vont en pâtir. Mais, c’est le triomphe du matador. »

« Un maire isolé »

L’intervention de Baptiste Boulland a permis au maire de conserver la gestion des régies et celle des concessions funéraires (voté à la majorité moins cinq voix).

Mais pour Bihorel en commun, s’exprimant par la voix de l’ancien adjoint à l’éducation, « la situation a changé. Cette majorité a volé en éclat. Vous ne bénéficiez plus du soutien que de 5 élus sur 29. Dans ce nouveau contexte, nous considérons qu’il est de notre responsabilité d’agir pour garantir que la conduite des affaires municipales reste placée dans le respect de l’intérêt général. Un maire isolé, privé du soutien de sa majorité, ne peut pas disposer d’une marge de décisions qu’il avait avec une équipe soudée », a argumenté l’élu. 

Et de constater qu’il s’agit, ni plus ni moins, « de mettre en place un nouveau mode de contrôle démocratique, de reprendre la main et d’éviter des décisions lourdes de conséquences. Notre devoir est d’assurer aux Bihorellaises et Bihorellais que la gestion de leur commune ne sera pas fragilisée par une gouvernance isolée et déconnectée ».

Nouveaux vestiaires au stade municipal

Une série de délibérations ont pu être ensuite adoptées, malgré le brouhaha ambiant. Parmi elles, l’acquisition et l’installation de nouveaux vestiaires pour le stade municipal, dans le cadre de la construction de la piste cyclable rue de Verdun (quatre voix contre) : « On a démoli les anciens vestiaires très énergivores. Nous allons repenser le site Coubertin avant la fin 2025. Il faut une solution alternative pour les vestiaires. Il est nécessaire de faire appel à une société spécialisée de bâtiments modulaires », a expliqué Pascal Houbron.

Un marché de 450 000 euros, plus une tranche pour la mise aux normes thermiques, soit au total 554 000 euros.

« L’équipement durera un certain nombre d’années. Nous avons choisi la société Martin Calais de Bolbec pour l’acquisition et l’installation. Nous allons demander des subventions pour cette solution pérenne au Département de la Seine-Maritime et à la Métropole Rouen Normandie, car ce ne sont pas des préfabriqués. Ce sont des modulaires avec des matériaux qui vont durer. Nous avons répondu aux besoins du club de football », a poursuivi le maire, qui annonce une livraison pour le printemps 2026.

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