CHARLES PLATIAU via REUTERS
Emmanuel Macron et Vladimir Poutine lors d’un sommet Normandie sur l’Ukraine, à Paris, le 2 décembre 2019
ARMEE – L’armée française doit être « prête à un choc dans trois, quatre ans » face à la Russie. Ces mots, loin d’être rassurants, sont ceux du général Fabien Mandon, chef d’état-major des armées. Le plus haut gradé français a fait cette déclaration mercredi devant les députés de la commission de la Défense pour les sensibiliser au nécessaire « l’effort de réarmement » du pays, Ce jeudi 23 octobre, ce discours a été repris par d’autres interlocuteurs pour sensibiliser sur l’imminence d’une confrontation avec la Russie et, surtout, appuyer le projet de budget de la défense.
C’est notamment le cas de Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de terre. Auditionné ce jeudi à l’Assemblée nationale sur le budget 2026 présenté par le Premier ministre Sébastien Lecornu, il a brandi la menace d’« un retour des empires ».
« Nous assistons à un changement d’air, un retour des empires qui doit dicter notre posture. Pour être libre, il faut être craint. Pour être craint, il faut être fort. Et j’ajouterais, pour l’armée de terre, il faut savoir se tenir prêt. Et le faire savoir, à nos alliés comme à nos adversaires », a-t-il déclaré. Ainsi, il estime que « le projet de loi de finances pour 2026 donne les moyens » à la France de « peser sur son destin ».
« Le danger est là »
Le projet de budget de la défense prévoit de le porter à 57,1 milliards d’euros pour 2026, soit une hausse de 13 %, portant l’effort budgétaire pour les armées à 2,2 % du PIB, selon la ministre française des Armées Catherine Vautrin.
Michel Olhagaray, ancien directeur du Centre des hautes études militaires, a également pris la parole sur franceinfo ce jeudi pour soutenir cet effort : « Cela fait très longtemps que, sur les plateaux télé, les militaires disent que la menace [d’une guerre totale en Europe] est là et que nous ne sommes pas prêts. Il y a quatre ou cinq ans, on était à poil ! »
La lecture de ce contenu est susceptible d’entraîner un dépôt de cookies de la part de l’opérateur tiers qui l’héberge. Compte-tenu des choix que vous avez exprimés en matière de dépôt de cookies, nous avons bloqué l’affichage de ce contenu. Si vous souhaitez y accéder, vous devez accepter la catégorie de cookies “Contenus tiers” en cliquant sur le bouton ci-dessous.
Lire la Vidéo
Et de poursuivre : « Les armées le savent depuis longtemps, nos chefs le savent et le disent depuis longtemps aux hommes politiques. Il faut que les Français sachent que le danger est là. Il n’est pas inéluctable, mais il faut être puissant pour le dissuader. Si on n’est pas puissant, on est une proie et c’est ce que nous sommes actuellement. »
2029, une année charnière
Mais pourquoi cette échéance de « quatre ou cinq ans », alors que la Russie s’acharne actuellement sur l’Ukraine ? Ce sont les services secrets allemands qui ont avancé l’échéance de 2029 la semaine passée, mettant en garde contre la Russie, prête selon eux à « entrer en conflit militaire direct avec l’Otan ».
En effet, le 13 octobre dernier, Martin Jäger, le nouveau patron de l’Agence fédérale de renseignement (BND), a lancé une mise en garde lors d’une audition devant les députés allemands. « Nous ne devons pas nous reposer sur nos lauriers en pensant qu’une attaque russe éventuelle n’aura pas lieu avant 2029 au plus tôt. Nous sommes déjà dans le feu de l’action aujourd’hui. »
Comme le soulignent Les Échos, jusque-là, l’année 2029 était déjà considérée par les agences de renseignement comme une année charnière, de bascule, où la Russie aurait les capacités militaires de se lancer dans un conflit d’envergure avec l’Otan. « Ceci compte tenu de l’attrition [l’usure] des hommes et des équipements pour la guerre en Ukraine », précise le quotidien. Mais cela pourrait arriver même avant cette année-là.
En effet, visiblement, Moscou estime avoir « des chances réalistes d’étendre sa zone d’influence vers l’ouest » et « n’hésitera pas, si nécessaire, à entrer en conflit militaire direct avec l’Otan », pointe Martin Jäger. Le Kremlin teste d’ailleurs déjà son adversaire pour observer ses réactions en utilisant des moyens hybrides, comme les survols de drones, les sabotages, et des campagnes de désinformation et d’influence. Le nombre de ces événements en augmentation accroît la pression sur la défense qui craint une escalade.
De l’importance de renvoyer une image forte
Moscou a la « perception d’une Europe collectivement faible », selon le général Mandon, qui observe une « désinhibition du recours à la force » côté russe. Pourtant, « on a tout pour être sûrs de nous », a-t-il martelé, rappelant que du point de vue économique, démographique ou industriel, les Européens l’emportaient sur la Russie.
« Le premier objectif que j’ai donné aux armées, c’est de se tenir prêtes à un choc dans trois, quatre ans qui serait une forme de test – peut-être le test existe déjà sous des formes hybrides – mais peut-être [quelque chose de] plus violent », a déclaré le général qui a pris la tête des armées françaises le 1er septembre.
« La Russie est un pays qui peut être tenté de poursuivre la guerre sur notre continent, et c’est l’élément déterminant dans ce que je prépare. » L’augmentation du budget militaire est donc pour lui « fondamentale, déjà dans les perceptions ».
« Si nos rivaux potentiels, nos adversaires perçoivent que nous consacrons un effort pour nous défendre et que nous avons cette détermination, alors il peut renoncer. S’il a le sentiment qu’on n’est pas prêt à se défendre, je ne vois pas ce qui peut l’arrêter », a-t-il développé.