Par
Ivan CAPECCHI
Publié le
23 oct. 2025 à 18h48
Venue d’une commune de seconde couronne et sans étiquette, Pia Imbs a pris la tête de l’Eurométropole de Strasbourg en 2020. Cinq ans plus tard, elle s’apprête à quitter ses fonctions après un mandat marqué par une révolution des mobilités (contrariée par l’arrêt brutal du tram nord), une gestion rigoureuse des dépenses publiques (saluée par la chambre régionale des comptes) et un souci constant d’équité entre les 33 communes.
« Mon mandat a été un mandat de transformation du territoire »
Actu : Quelles sont vos plus grandes fiertés au cours de ce mandat ?
Pia Imbs : Étant maire d’une commune de seconde couronne, je savais à quel point les besoins d’une offre de transport public adaptée à des populations de villages moins denses que le centre-ville étaient importants. Je suis très heureuse d’avoir pu développer tous les outils de mobilité qui sont aujourd’hui à la disposition de tout un chacun, où qu’il habite et selon ses besoins : Réseau express métropolitain européen (REME), tram ouest, Transport en site propre de l’ouest strasbourgeois (TSPO), gare à 360 degrés, la gratuité des trams et des bus pour les moins de 18 ans, l’extension de la ligne G du Bus à haut niveau de service (BHNS), le plan vélo, le développement du transport à la demande et du covoiturage…
Deuxièmement, au niveau de la gestion des déchets, nous avons généralisé la collecte et la valorisation des déchets alimentaires.
Enfin, [entre autres nombreuses choses], nous avons lancé, ou allons lancer, les travaux de rénovation des réseaux de chaleur centre, ouest et nord. Mon mandat a été un mandat de transformation du territoire de l’Eurométropole.
Convention citoyenne sur le tram nord : « Nos habitants peuvent avoir droit au chapitre »
En décembre 2024, le projet de tram nord a subi un violent coup d’arrêt, avec la publication de l’avis défavorable de la commission d’enquête publique. Avec le recul, y a-t-il une chose que vous auriez fait autrement ?
P.I. : Nous avons pris acte du rapport de l’enquête publique et nous ne sommes pas passés outre. Nous avons enclenché une nouvelle méthode, avec la mise en place d’une convention citoyenne et d’un comité transpartisan. Lors du prochain conseil, les membres de la convention [qui ont rendu publiques leurs conclusions ce mois-ci, NDLR] présenteront, à titre d’information et de débat, leur rapport. Je me félicite des résultats qui sont déjà connus. C’est dans le mandat futur qu’il faudra poursuivre des études de faisabilité, des évaluations financières, des propositions de tracé.
Vos opposants ont critiqué cette nouvelle méthode, regrettant que l’avis de 100 citoyens tirés au sort efface les plus de 7 000 contributions recueillies dans le cadre de l’enquête publique…
P.I. : Nos habitants peuvent avoir droit au chapitre et sont parfois en capacité de nous apporter des solutions plus adaptées, plus efficaces, peut-être plus acceptables. La moitié des conventionnaires habite au nord ou travaille dans le nord. Cette expression peut être tout à fait pertinente. […] Par ailleurs, nous avons choisi de phaser le projet et de nous concentrer sur la partie nord du tracé, au titre de l’équité territoriale qui est une valeur qui m’est très chère. C’est une façon de retravailler le dossier de manière plus simple.
« Nous ne sommes plus considérés comme un territoire ZFE »
Le déploiement de la ZFE a été freiné par l’absence de moyens de contrôle automatisés promis par l’État. Estimez-vous que celui-ci a été à la hauteur des enjeux climatiques sur ce dossier ?
P.I. : L’Etat n’a pas mis en place les outils de communication suffisants pour faire comprendre les enjeux de santé publique de cette mesure et n’a pas déployé les moyens de contrôle automatisés. Il a par ailleurs fait reculer les aides*, quand nous avons fait le choix de les maintenir. A ce jour, 30 millions d’euros ont été consommés sur l’enveloppe globale de 50 millions d’euros. Je me félicite d’avoir maintenu un niveau d’aide et d’accompagnement conséquents, tout en proposant des alternatives très nombreuses à la voiture individuelle. Aujourd’hui, l’objectif de l’amélioration de la qualité de l’air a été atteint, à tel point que nous ne sommes plus considérés comme un territoire ZFE**.
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REME : « Nous en sommes à 750 trains supplémentaires par semaine »
Concernant le Réseau express métropolitain européen (REME) lancé fin 2022, la promesse initiale des 1 000 trains supplémentaires par semaine n’a jamais été atteinte. Qu’a-t-il manqué ?
P.I. : Je me souviens de cette promesse, à laquelle nous avons tous cru et souscrit [à l’époque]. [Avec le recul], il est clair que le président de la SNCF avait sous-estimé la faisabilité technique d’un cadencement aussi important. [Ceci étant dit], sachons nous féliciter de [ce qui a été réalisé]. Nous en sommes à 750 trains supplémentaires par semaine, avec des trains tous les quarts d’heure aux heures de pointe. [À côté de ça], l’Eurométropole porte, avec la Région et la SNCF, le projet d’agrandissement de la gare de Strasbourg, aussi appelé projet de « gare à 360 degrés », un des serpents de mer que nous avons [pris à bras le corps].
Quel conseil donneriez-vous à votre successeur(e) ?
P.I. : Il faut avoir une vision, des valeurs, être dans l’écoute des habitants, des interlocuteurs, des parties prenantes et être dans le dialogue afin de construire une feuille de route et une vision pour le territoire.
*Depuis décembre 2024, l’État a supprimé la prime à la conversion, la surprime ZFE et réduit progressivement le bonus écologique, marquant un net recul des aides nationales à la transition automobile.
**Le seuil réglementaire de qualité de l’air qui déclenche l’obligation de mettre en place une Zone à Faibles Émissions mobilité (ZFE-m) correspond à un dépassement régulier de la valeur limite européenne de 40 µg/m³ en moyenne annuelle de dioxyde d’azote (NO₂). En 2023, l’ensemble des stations de l’Eurométropole de Strasbourg relevait un niveau inférieur à ce seuil.
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