Par

Antoine Blanchet

Publié le

23 oct. 2025 à 18h32

Rentrer dans la tête des criminels font partie de leur routine. Pourtant, des années d’entretiens et d’expertises ont buté face au visage encore juvénile de Dahbia Benkired. Ce jeudi 23 octobre 2025, à l’avant-dernier jour du procès de la mort de Lola à Paris, les experts psychiatres ont été entendus. Tous ont donné des conclusions unanimes : l’accusée n’était pas folle au moment de violer, frapper et tuer la victime de 12 ans. Sa personnalité est toutefois alarmante et dangereuse.

Aucun trouble psychiatrique

« Cet acte inimaginable, on serait rassuré de se dire qu’il a été commis par un fou ». Cette phrase, le président de la cour la lance au docteur comme un espoir rationnel d’expliquer l’insoutenable qui empeste la salle d’audience depuis six jours. « Malheureusement, il existe des personnes qui n’ont pas de troubles mentaux et qui vont commettre ce genre d’actes. Sans que ça relève de la psychose ou de la décompensation maniaque ou de la schizophrénie », répond, implacable, l’experte à la barre.

Car ils sont une pléthore de blouses blanches à avoir essayé de déchiffrer l’énigme de Dahbia Benkired depuis son crime abominable commis il y a trois ans. Un psychologue et trois psychiatres mandatés par le juge d’instruction, mais aussi les praticiens de la maison d’arrêt de Fresnes ou encore de l’Unité pour malades difficiles de Villejuif. Tous le disent à l’unisson : « aucun trouble psychique ou neuropsychique n’a altéré ou aboli le discernement de Dahbia Benkired au moment des faits ». La jeune femme apathique dans son box est responsable du pire.

Une personnalité inquiétante

Alors certes, l’accusée raconte des « bizarreries » lors de ses entretiens. Elle parle du cosmos. De Dieu. « En aucun cas ce n’est lié à un état délirant », assure la psychiatre. Ces déclarations baroques feraient aussi partie des capacités « manipulatoires » de Dahbia Benkired. L’une des multiples faces de sa personnalité « extrêmement inquiétante d’un point de vue criminologique ».

Le psychologue Nicolas Estano et la psychiatre Karine Jean ont d’ailleurs tenté d’évaluer si l’accusée était marquée par la psychopathie. « Il s’agit de la concomitance de la personnalité narcissique et antisociale », indique l’experte. La sphère émotionnelle est étudiée, ainsi que la sphère antisociale. Froideur, absence d’empathie, déresponsabilisé… Dahbia Benkired coche la quasi-totalité de ces cases. « Il y a une haute tendance », affirme la psychiatre.

Narcissique et parfois provocante

Si l’accusée possède un intellect « dans la normale », son discours où les sujets s’enchaînent sans profondeur, frustre les psychiatres. « Lorsque l’on sortait des entretiens, on avait la satisfaction d’avoir pu parler, mais un sentiment de malaise, car on a discuté longuement, mais on a rien retenu », affirme la psychiatre qui évoque aussi avoir ressenti, pour la première fois en 15 ans de carrière, « une paralysie de la pensée » après ces rencontres avec l’accusée.  Ces conversations creuses font écho aux longues heures d’échanges entre le prétoire et Dahbia Benkired. Elle reconnaît les faits, mais livre peu de détail sur le meurtre de l’adolescente.

Les psychiatres évoquent aussi le rapport « mégalomaniaque » que Dahbia Benkired entretient avec elle-même et ses actes. « Nous lui avons demandé si elle avait déjà eu maille à partir avec la justice. Elle nous a renvoyé vers les médias pour tout savoir sur son compte. Elle paraîtra frustrée de ne pas avoir suscité l’intérêt qu’elle attendait », relate Karine Jean. « Vous avez indiqué qu’elle se nourrirait du fait qu’on parle d’elle. Ce procès pourrait nourrir son narcissisme ? », demande une avocate des parties civiles au second psychiatre interrogé. « C’est à craindre », confirme le praticien.

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Un profil criminel inédit

Habitués à l’expertise des criminels, les psychiatres ont toutefois été déroutés par le profil atypique de cette tueuse d’enfant de 27 ans. « Mes collègues et moi n’avions jamais vu ça », indique Karine Jean. De Jeanne Weber à Monique Olivier, le faible nombre de femmes infanticides a ainsi rendu l’analyse compliquée : « Il y a peu de littérature scientifique à ce sujet. Il est aussi difficile d’avoir un recul par rapport aux femmes qui commettent ce type d’acte, car je ne connais pas d’actes similaires », poursuit la praticienne interrogée par l’avocat général à ce sujet.

Une thérapie possible ?

Lors de l’enquête, les enquêteurs doivent aussi répondre à cette question lourde de sens : l’accusée est-elle curable ? Une question délicate, surtout dans le cas de la jeune femme. « Il n’y a pas de solution miracle. On se base sur la psychothérapie. C’est sur du long cours. Le mieux, c’est que la prise en charge soit pluridisciplinaire », égrène Karine Jean. Elle note toutefois dans son rapport que les tendances manipulatoires de l’accusée pourraient « pervertir le lien avec les thérapeutes ».

Interrogée après ces exposés psychiatriques, l’accusée avoue avoir « pu dire n’importe quoi aux experts », car elle n’avait pas confiance en eux.

« Et est-ce que pendant l’audience, vous vous êtes dit la même chose ? », tente le président.

L’accusée répond par la négative. L’audience est prévue pour durer jusqu’au 24 octobre 2025. 

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