L’art comme mode de vie : la galeriste Anahita Sadighi nous ouvre les portes de son appartement à Berlin.
Il n’est pas exagéré de dire qu’Anahita Sadighi s’est imposée comme l’une des galeristes les plus influentes du panorama européen. À 33 ans, elle dirige deux espaces à Berlin où elle parvient à conjuguer avec brio l’art asiatique ancien et les propositions contemporaines, toujours dans le but de donner de la visibilité à des thèmes et des voix historiquement sous-représentés dans le monde de l’art. Nous avons visité l’appartement de 98 mètres carrés qu’elle partage avec son compagnon et qui reflète parfaitement sa sensibilité esthétique et son regard de conservatrice.

Dans le salon d’Anahita Sadighi trône un grand canapé Freistil Rolf Benz, accompagné de la table basse Alanda de Paolo Piva pour B&B Italia. Trois lampes en cristal d’Eloa flottent comme de petits nuages, évoquant pour la galeriste « les constellations ». À gauche de la porte du balcon, un masque féminin bedu de la région de Bondoukou, en Côte d’Ivoire, dialogue avec une ancienne fenêtre chinoise, élément emblématique de l’architecture traditionnelle.
Robert Rieger
Anahita Sadighi vit pratiquement au-dessus d’une de ses galeries. Loin de considérer cela comme un inconvénient, elle y voit plutôt un avantage : « Il ne manque plus qu’un escalier comme dans Ghostbusters », plaisante-t-elle. Cette proximité entre vie privée et vie professionnelle n’est pas le fruit du hasard : lorsqu’elle a vu l’appartement pour la première fois, elle a su qu’il était fait pour elle. Elle décrit ce choix comme très « old school », mais il lui permet en réalité d’économiser des déplacements et de rester productive. Elle reconnaît toutefois qu’il est parfois difficile de tracer une ligne claire entre ces deux aspects de sa vie. Elle affirme néanmoins parvenir à se déconnecter facilement grâce à la vue dégagée qu’offre l’appartement, au cœur de Berlin, qui lui procure un sentiment de calme bien nécessaire.

Les photographies du couloir appartiennent à la série Mémoire Temporelle, du photographe londonien Kalpesh Lathigra. Les images ont été prises à Bombay. La lumière est fournie par une suspension spatiale de Bent Karlby.
Robert RiegerRedécorer comme une déformation professionnelle
Pour Anahita Sadighi, la maison et la galerie se nourrissent naturellement l’une l’autre. Même s’il ne fait pas officiellement partie de ses espaces d’exposition, l’appartement agit presque comme une extension de son travail : elle le redécore fréquemment, ce qu’elle qualifie de « déformation professionnelle ». Sa philosophie est fortement influencée par la pensée chinoise, qui défend l’idée que les objets de la maison doivent être originaux et en constante évolution.
« Si vous laissez toujours les choses au même endroit, elles prennent racine, comme les plantes. Votre espace de vie est quelque chose de vivant et doit être modifié régulièrement pour que vous puissiez continuer à vous épanouir », explique-t-elle. Cette évolution n’est pas seulement esthétique, mais aussi énergétique : l’harmonie de l’espace influence directement le bien-être. Dans son cas, ce dynamisme se reflète tant dans sa vie personnelle que dans son travail de galeriste et de productrice culturelle. « Je pense que notre maison peut nous montrer ce que nous avons vécu, les valeurs que nous apprécions et la voie que nous voulons suivre. »