Vincent, on vous a vu poursuivre La Panthère des Neiges à l’autre bout du monde, ce qui vous a valu un César en 2022. Mais vous revenez avec un film beaucoup plus intimiste, Le Chant des Forêts. De quoi s’agit-il ?

« D’une invitation à passer du temps dans un affût, en compagnie de trois personnages que sont mon père, Michel, mon fils Simon et moi-même. On nous retrouve notamment dans une cabane isolée, à se chuchoter des histoires autour du feu, que le grand-père de Simon a vécues, au fil de milliers de jours et nuits passées dans les forêts, à guetter les bêtes. On raconte à Simon le brame du cerf, le surgissement du lynx… Puis on l’emmène vivre ces aventures, en vrai. Ici, dans nos Vosges natales. Mais aussi dans le Grand Nord, en Norvège. »

Pourquoi ce film à cet instant de votre vie et de votre carrière ?

« Douze ans, c’était l’âge de mon fils quand le projet a été lancé, et c’est l’âge auquel ma vie a basculé lorsque mon père m’a emmené dans mon premier affût. Or à cet âge, les préados ont encore cette capacité d’émerveillement qui s’épuise plus tard. Par ce film, je voudrais contribuer à souffler un peu sur les braises de l’émerveillement, quel que soit l’âge du spectateur. »

Aidé en cela par un 4e  personnage : le grand tétras.

« Oui. Que mon père a passé 50 ans de sa vie à observer, photographier et tenter de protéger. Un oiseau magnifique qui a quasi disparu, hélas, dans les Vosges. Et ça, en grande partie à cause du réchauffement climatique. D’où notre voyage en Norvège, avec l’espoir de pouvoir le montrer à Simon. Un espoir un peu fou, c’est vrai. »

Le titre du film nous invite aussi à ouvrir grandes nos oreilles. Mais pour entendre quoi ?

« La salle plongée dans le noir du cinéma n’est pas sans rappeler les conditions de l’affût, où le son peut jouer pleinement son rôle. À l’affût dans la forêt qui nous enveloppe, on entend avant de voir, que ce soit la hulotte, le grand-duc, le cerf, la grue, et bien sûr le grand tétras. On sent partout la présence invisible qui nous observe à notre insu, où nous ne sommes qu’une bête parmi les bêtes. Et quand surgit la présence, quelle émotion ! C’est ça, ce film, une proposition à vivre cette émotion. Il s’agit donc de plonger le spectateur dans ces

conditions singulières, tous sens en éveil. »

Mais comment capter ces moments de grâce avec une équipe de tournage ?

« On a tourné dans des conditions atypiques. Avec trois, voire cinq personnes au maximum. De sorte de fausser le moins possible la réalité. Par ailleurs, étant obsédé par l’envie de magnifier les bêtes via l’image, tous les matins, tous les soirs, je suis dehors. J’accumule les plans. On a donc aussi pioché dans ces dix dernières années d’images pour nourrir ce récit d’instants magiques. Ce qui a nécessité huit mois de montage, un travail phénoménal. »

La maison brûle de partout. Où tirez-vous encore l’espoir que vos messages puissent passer et être suivis d’effets concrets ?

« Notre arrogance vient en effet bousiller l’environnement et la vie de quantité d’autres créatures. Cette société manque cruellement de raison, et plus encore de poésie. Or, ces moments dans la forêt me font l’effet d’un baume réparateur qui apaise les blessures, cicatrise nos fêlures. Et j’espère que ce film donnera envie aux gens de prendre leur sac à dos, pour se poser dans la forêt et tenter, respectueusement, d’aller à la rencontre des animaux à nos portes. Encore hier, Simon rayonnait en observant un héron qui passait tout près de nous. Pour moi, c’est ça, l’espoir.

Ce film, c’est aussi une façon de me préparer à la disparition de mon père. Mais il dit lui-même que d’un arbre mort dans la forêt, peuvent naître mille et un autres mondes. D’autres végétaux l’investissent ! Des mammifères, oiseaux, insectes, s’y logent et s’en nourrissent. “On est dans ce qui s’en va”, dit-il. Et c’est tellement vrai. »

Sortie le 17 décembre. Avant-Première le 26 novembre à 20 h 30 au Caméo Saint-Sébastien en présence du réalisateur. Réservation vivement conseillée.