Les frais d’avocat du président-maire de Nice seront pris en charge par la métropole dans le cadre d’une plainte en diffamation contre Éric Ciotti.
Une protection fonctionnelle a été accordée à Christian Estrosi, président-maire de Nice (Alpes-Maritimes), dans le cadre d’une plainte en diffamation contre Éric Ciotti, malgré la contestation de celui-ci ainsi que d’autres élus de la métropole. La question d’un usage légitime ou abusif de cette disposition, qui permet la prise en charge des frais d’avocat par la collectivité, s’est posée lors du conseil métropolitain, mercredi, sur fond du conflit personnel entre ces deux élus qui se livreront à un combat fratricide lors des prochaines municipales.
Christian Estrosi (Horizons) avait porté plainte avec constitution de partie civile contre Éric Ciotti (UDR) après ses propos tenus dans le quotidien régional Nice-Matin sur les travaux de reconstruction post-tempête Alex. Le député avait estimé, après la divulgation d’une note interne laissant croire à un arrêt volontaire des chantiers, que cela revenait «à avoir délibérément mis en danger la vie des populations».
Dans le cadre de cette procédure, Christian Estrosi a ainsi sollicité et obtenu une protection fonctionnelle en tant que président de la métropole de Nice Côte d’Azur. La collectivité est chargée d’une grande partie des travaux dans l’arrière-pays niçois mais des soupçons de malversations financières ont engendré l’ouverture d’une enquête judiciaire, toujours en cours.
Argent du contribuable «détourné»
Toutefois, cette protection fonctionnelle interroge au point qu’elle fasse même polémique : dans un courrier adressé aux maires de la métropole à la veille de l’assemblée, Éric Ciotti leur a intimé de s’opposer à lui accorder cet outil législatif. «Ce comportement est d’autant plus grave qu’il détourne des moyens financiers de la métropole et donc des contribuables au profit d’un différend personnel de Monsieur Estrosi vis-à-vis de moi», souligne-t-il dans sa missive qu’a pu se procurer Le Figaro.
Pour Gaëlle Frontini, élue «ciottiste», il s’agit encore «d’un vote qui engage un précédent dangereux : celui d’une institution qui accepte que l’argent de tous serve à régler un différend politique personnel», a-t-elle déclaré mercredi lors du conseil métropolitain.
La maire de la petite commune de Venanson a dénoncé «une mesure exceptionnelle qui semble se transformer en outil d’attaque d’un opposant politique». «En recouvrant à cette mesure, ne faites-vous pas glisser la métropole dans une dérive où l’institution devient un instrument personnel ?», a encore interrogé Lœtitia Loré, soutenue par son collègue Xavier Beck, maire de Cap-d’Ail, qui a insisté sur «une judiciarisation extrêmement dangereuse».
«Intimidation»
La moindre parole critique pourrait-elle faire l’objet d’une plainte avec une protection fonctionnelle ? Pour les soutiens de Christian Estrosi, il ne faut pas tout confondre : «ce n’est pas un caprice pour être défendu, c’est une déclaration extrêmement grave, d’une violence inouïe», a estimé Philippe Pradal, vice-président de la métropole niçoise, évoquant aussi une ingérence du député qui n’est pas élu dans cette collectivité. «La protection fonctionnelle est prévue par la loi pour se défendre et pour attaquer», a soutenu Anthony Borré, premier adjoint à la ville de Nice.
«Monsieur Ciotti transforme la justice en arme politique. Ce courrier est une tentative d’intimidation pour discréditer Christian Estrosi à quelques mois des municipales», s’est dit, «navré», le maire de Saint-Laurent-du-Var, Joseph Ségura. «Je crois qu’on s’égare un peu dans le feu d’une campagne calomnieuse et d’invectives qui est déjà lancée», a commenté la conseillère aux affaires juridiques Martine Ouaknine, qui a présenté cette délibération.
Ces frais exacts de représentation n’ont pas été précisés lors de ce débat au terme duquel la protection fonctionnelle a bien été votée malgré quelques abstentions et oppositions. «J’attends ce débat judiciaire avec impatience : il sera l’occasion de faire toute la lumière sur une gestion que j’ai toujours considérée comme défaillante et dangereuse pour nos vallées», avait déclaré Éric Ciotti auprès du Figaro à propos de cette plainte.
L’audience au tribunal judiciaire de Nice doit se tenir le 10 novembre.