Par

Fabien Binacchi

Publié le

24 oct. 2025 à 16h20

La vive polémique lancée par la droite après l’annulation de la diffusion du film documentaire Sacré Cœur, le mercredi 22 octobre 2025, au Château de la Buzine, n’en finit plus d’enflammer les passions à Marseille. La patronne de la métropole et du département Martine Vassal, candidate aux prochaines municipales, dénonçant la « laïcité à sens unique » du maire Benoît Payan. La Ville, elle, défend une décision prise dans le cadre « de l’application absolue de la loi » et assure qu’« un équipement public ne peut accueillir des projections qui […] soient de nature confessionnelle ». Me Maëlle Comte, avocate associée au sein du cabinet Admys à Lyon et coresponsable du DU « Laïcité et liberté religieuse » à l’université Jean Monnet de Saint-Etienne, livre son éclairage à actu Marseille.

Une œuvre confessionnelle, mais surtout artistique ?

Le film de Sabrina et Steven Gunnell, ex-membre du Boys band d’Alliage, était bien à l’affiche du château de la Buzine, dans le 11e arrondissement de Marseille, ce mercredi 22 octobre 2025. Une séance finalement annulée une heure avant par la municipalité, propriétaire des lieux et qui délègue leur exploitation à une association.

Mais « cette déprogrammation n’a rien à voir avec une appréciation du film ou une volonté de restreindre la liberté d’expression ou de création », a-t-elle appuyé après les réactions enflammées à droite. « Elle répond uniquement à une exigence juridique ».

Face à ces opposants, la mairie s’appuie sur la loi du 9 décembre 1905 qui stipule, selon elle, qu’« un équipement public ne peut accueillir des projections qui, par leur caractère ou leur contenu, soient de nature confessionnelle ».

Un extrait du film Sacré coeur, réalisé par Sabrina et Steven Gunnell.
Un extrait du film Sacré coeur, réalisé par Sabrina et Steven Gunnell. (©Saje distribution )

Sacré cœur, largement financé par Canal+, propriété de Vincent Bolloré (qui est d’ailleurs remercié en son nom propre au générique), est présenté par son distributeur comme un « docu-fiction saisissant » sur « le mystère du Sacré-Cœur de Jésus ». Le film « nous révèle son Amour personnel et inconditionnel », décrit Saje distribution.

Pour autant, l’interprétation de la mairie est fortement nuancée par Me Maëlle Comte : « Il y a effectivement un principe de neutralité du service public. On ne peut effectivement pas mettre en avant d’événements religieux. Mais dans ce cas précis, nous parlons d’une œuvre artistique », avance cette spécialiste du droit public, interrogée par actu Marseille.

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« Une interprétation excessive de la neutralité »

Ce qui change tout, selon elle. L’avocate évoque l’article 28 de la fameuse loi « concernant la séparation des Églises et de l’État ». « Il est interdit […] d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception […] des musées ou expositions », développe le texte. « Soit quand cela touche à la culture, ce qui est le cas ici », appuie-t-elle encore.

De fait, pour Me Maëlle Comte, la décision de la municipalité relève d’« un excès de zèle » ou au moins d’« une interprétation excessive de la neutralité ».

S’ils avaient maintenu la diffusion, le préfet, s’il le jugeait nécessaire, aurait pu saisir le tribunal administratif en référé-laïcité. Un particulier aurait également pu faire appel à la juridiction. Mais, selon la loi, on est dans ce qui relève de la culture.

Me Maelle Comte

D’autres institutions publiques avaient pourtant pris les mêmes précautions que la mairie de Marseille. La SNCF et la RATP avaient refusé de réaliser une campagne d’affichage dans ces stations et gares au vu du « caractère confessionnel et prosélyte » du projet.

« Ils censurent, nous diffusons »

Dans la cité phocéenne, à cinq mois des élections municipales et alors que la campagne gagne en intensité, la droite et l’extrême-droite se sont en tout cas emparées du sujet. « Benoît Payan, c’est quoi la prochaine étape ? Déboulonner la Bonne Mère ? », a écrit sur X le candidat RN Franck Allisio.

Le sénateur Stéphane Ravier, qui lui apporte son soutien, annonce même avoir déposé un référé-liberté contre la décision de la mairie devant le tribunal administratif. « Je ne laisserai pas passer cette atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d’expression, de réunion, de création et de diffusion artistique », a-t-il expliqué.

Martine Vassal a de son côté fait savoir qu’elle assisterait, ce vendredi soir, à une projection du documentaire organisée dans un cinéma Pathé de la ville, en compagnie d’autres élus de son camp.

« Ils censurent, nous diffusons. Ils sont woke, nous sommes sensés. Ils renient nos racines, nous les défendons. Le film Sacré-Cœur sera le bienvenu sur notre territoire », a-t-elle aussi tweeté. Et d’assurer : « Nous prendrons contact avec le producteur pour organiser des projections ».

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