Un homme qui montre ses cheveux gris, signe de défense contre le cancer.Même plus peur de se faire des cheveux blancs, non ? © Freepik

On l’a tous remarqué un jour dans le miroir, la première mèche blanche qui s’invite, discrètement mais sûrement. On se dit « tiens, je vieillis ». Pourtant, derrière cette transformation capillaire anodine se cache une véritable mécanique biologique.

La couleur de nos cheveux vient de petites cellules nommées mélanocytes, logées dans le follicule pileux. Ce sont elles qui fabriquent la mélanine, ce pigment qui colore nos cheveux, nos yeux et notre peau. Sauf qu’avec le temps, leurs cellules “mères”, les cellules souches pigmentaires (ou Melanocyte Stem Cells), s’usent. Elles finissent par ne plus produire assez de pigment, et la chevelure s’éclaircit.

Jusqu’ici, tout semblait très logique, c’est la vie, tout simplement. Mais voilà que des chercheurs de l’Université de Tokyo viennent bouleverser cette idée reçue.

Le grisonnement, une stratégie du corps pour se protéger ?

L’étude, dirigée par la professeure Emi Nishimura, a été publiée en octobre 2025 dans Nature Cell Biology. Les chercheurs se sont intéressés à ce qui se passe lorsque ces fameuses cellules souches pigmentaires sont exposées à des dommages de l’ADN. Ce qui arrive souvent avec le stress oxydatif, les UV ou certaines substances cancérigènes.

Et là, surprise, ces cellules, au lieu de se réparer coûte que coûte, choisissent parfois de s’arrêter net. Elles se transforment en cellules matures incapables de se diviser. En d’autres termes, elles se « sacrifient » pour éviter de transmettre leurs anomalies génétiques. Alors, les cheveux perdent leur couleur, mais le corps évite qu’une cellule abîmée ne devienne cancéreuse. C’est ce que les scientifiques appellent la sénodifférenciation. 

Un processus de vieillissement contrôlé, qui ressemble à un geste de prudence de la part de l’organisme. « Le grisonnement pourrait être un signe visible d’un mécanisme protecteur contre le cancer », expliquent les auteurs dans Nature Cell Biology. En clair, si vos cheveux deviennent gris, ce serait peut-être le reflet d’un mécanisme de défense naturelle. Incroyable !

Cheveux gris : attention, on ne parle pas d’un “bouclier anti-cancer”

Avant d’imaginer que vos cheveux argentés vous protègent comme une armure, il faut rester lucide. Cette étude a été menée sur des souris, pas sur des humains.

Aucune donnée épidémiologique n’indique aujourd’hui que les personnes grisonnant tôt auraient moins de cancers. Et il ne s’agit pas non plus de tous les types de cancers, mais plutôt de ceux liés aux cellules pigmentaires, comme le mélanome cutané. Autrement dit, c’est une piste biologique à creuser, mais pas une vérité universelle…

Cheveux gris : une nouvelle fenêtre sur le vieillissement cellulaire

Ce que cette étude change, en revanche, c’est notre regard sur le vieillissement. On découvre que certaines cellules, lorsqu’elles se savent en danger, choisissent de s’éteindre plutôt que de déraper. C’est une forme d’auto-régulation, presque philosophique.

Ce mécanisme n’est pas sans rappeler celui de la sénescence cellulaire, déjà bien connu des chercheurs. Des cellules qui, arrivées à un certain âge ou trop endommagées, arrêtent volontairement de se multiplier pour éviter les erreurs génétiques.

L’équipe japonaise a ainsi mis en lumière une version « visible » de ce processus. Les cheveux gris seraient la signature extérieure de cette défense intime.

Des travaux qui rejoignent d’autres grandes études

Cette découverte ne sort pas de nulle part. En 2020, une équipe de Harvard avait déjà montré que le stress pouvait accélérer le grisonnement en épuisant les cellules pigmentaires par le biais du système nerveux. Trois ans plus tard, une autre étude parue dans Nature révélait que certaines de ces cellules se « perdaient » littéralement dans le follicule pileux au fil du temps, ce qui expliquait leur incapacité à recolorer le cheveu.

La recherche japonaise vient donc compléter le puzzle. Si nos cellules pigmentaires disparaissent, ce n’est pas toujours une défaillance, mais parfois une décision stratégique du corps pour se protéger. Comme quoi, quand on dit qu’on se fait des cheveux blancs, ce n’est peut-être pas qu’une expression… c’est juste notre corps qui prend un peu trop les choses à cœur !

À SAVOIR

Certains voient leurs cheveux blanchir plus tôt. On parle alors de grisonnement prématuré : avant 20 ans chez les Caucasiens, 25 ans chez les Asiatiques et 30 ans chez les Africains. Dans de rares cas, quelques mèches blanches peuvent même surgir dès l’adolescence, parfois liées à des carences en vitamine B12 ou en cuivre, ou à un stress oxydatif important.

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