Cela fait un mois et demi que vous êtes entrée en fonction comme directrice générale du CHU de Rennes. Quelles sont vos premières impressions ?
Je n’ai pas vu le temps passer. J’ai été très bien accueillie par les équipes du CHU. Ces six semaines de présence au CHU m’ont conforté dans cette conviction d’être dans un établissement qui a une très forte dynamique. Il y a beaucoup d’expertise au CHU de Rennes, avec des équipes médicales qui ont des capacités à faire des actes médicaux incroyables. Dans mes premières visites de services, je vois cette dynamique à l’œuvre. Ce qui me frappe aussi, c’est la dynamique de l’écosystème avec une qualité de relation avec les autres acteurs, comme l’université, l’ARS et l’Assurance maladie, assez remarquable.
Quelles sont les priorités que vous vous êtes données lors de votre prise de poste ?
Le CHU est dans une transformation qui n’a pas beaucoup d’équivalences en France et ça oriente les priorités. Le fil conducteur, c’est la transformation immobilière et des organisations autour de ce projet immobilier, mais aussi l’innovation car la transformation est une belle opportunité pour construire les réponses de demain.
Comment se passe le pilotage de cette transformation du CHU ?
Le nouveau CHU est un projet au long cours, il a été pensé depuis huit ans et on en est à peine à la moitié de la réalisation, donc il faut d’abord comprendre les attentes. Le chantier du Pôle femme enfant pousse, le Centre chirurgical et interventionnel prend sa place, on est en train de préparer l’extension du bâtiment des urgences. Mon objectif, c’est de travailler la transformation des organisations. Il y a un enjeu sur le pôle femme enfant parce que tout un pôle à l’Hôpital Sud, qui a un fonctionnement très différent, va se retrouver à Pontchaillou.
Cette affaire (la plainte pour harcèlement contre le chef de neurochirurgie) a laissé des traces, il y a un avant et un après. Certains ont été marqués au fer rouge, je ne m’attendais pas à ce niveau-là.
Le futur pôle oncologique est un autre gros dossier. Où en est-on ?
Il y a un projet visant à regrouper les équipes du CHU de Rennes et du Centre Eugène-Marquis, mais le projet immobilier dans sa première version, en 2023, n’a pas pu aboutir. Quand je suis arrivée il y a six semaines, la discussion entre les deux établissements n’avait plus lieu. Il va falloir qu’on la reprenne. On est en train d’échanger sur la méthode de travail pour construire ensemble le pôle de cancérologie. Dans quels délais on sera prêt, je ne saurai pas encore le dire. Ce qui ne se discute pas, c’est qu’il y a un projet à travailler ensemble car il y a une complémentarité majeure. Le Centre Eugène Marquis a de la radiothérapie, pas le CHU, le CHU a de la chirurgie experte en cancérologie, pas le Centre Eugène Marquis. Les patients passent d’un établissement à l’autre au fil de leur parcours. Quel que soit le projet immobilier, il faut partir d’un objectif médical et mon intuition, c’est que ce fil s’est un peu perdu. Il faut qu’on revienne aux fondamentaux. Et derrière, on devra être capable de dire quel mur on aura besoin à quel endroit et pour faire quoi.
Les urgences sont un service emblématique des urgences. Quels sont les enjeux du projet d’extension des urgences ?
Les urgences du CHU assument une responsabilité de réponse 24 h/24 que je trouve assez remarquable avec un niveau d’activité très élevée, jusqu’à 280 patients par jour. Je note cependant que le service est aujourd’hui inadapté dans ses locaux par rapport au nombre de personnes qui arrivent (taillé pour une jauge de 150 patients par jour). On essaie de faire rentrer des ronds dans des carrés car le lieu n’est pas fait pour. Le projet d’extension des urgences est une opportunité qu’il ne va pas falloir rater pour repenser l’organisation des urgences avec plus d’espace.
Aux urgences, parfois, les professionnels s’usent. Ils ont parfois l’impression d’être dans le film « Un jour sans fin ».
La pérennisation de la régulation peut-elle être un enjeu de cette extension des urgences ?
Cela peut être une question, mais on ne sera pas les seuls à décider car c’est d’abord une décision de l’ARS qui, pour l’instant, ne veut pas y aller. Et c’est aussi très dépendant des autres acteurs car on n’est pas les seuls à faire de l’urgence. Aucun hôpital public n’imaginerait fermer la porte et dire aux patients d’aller ailleurs, on absorbe le choc, ce qui explique pourquoi, parfois, les professionnels s’usent. Ils ont parfois l’impression d’être dans le film « Un jour sans fin ». Il faut être pragmatique, tout ce qu’on peut améliorer dans l’organisation, il faut le faire, ce n’est pas toujours facile. Il faut travailler sur comment chacun prend sa part, comment mieux travailler avec les professionnels de santé libéraux, mieux travailler les retours à domicile.
Une procédure pour harcèlement visant l’ancien chef du service de neurochirurgie a été classée sans suite récemment. Souhaitez-vous mettre des dispositifs en place pour que cette situation ne se reproduise plus ?
Sur la décision du procureur, la plainte du syndicat des internes a été classée sans suite. Une procédure disciplinaire est toujours en cours et a fait l’objet d’une mesure de suspension de l’ancien chef de service (le professeur Morandi) par les ministères de tutelle, à savoir les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur. C’est une affaire qui a laissé des traces, il y a un avant et un après. Certains ont été marqués au fer rouge, je ne m’attendais pas à ce niveau-là. L’enjeu premier pour l’institution, c’est de reprendre sa capacité à assurer les prises en charge de neurochirurgie, ça veut dire reconstituer l’équipe médicale. C’est en cours. Elle sera finalisée d’ici un mois. Le CHU a, depuis, remonté son activité de neurochirurgie, on a une augmentation de 15 % cette année. L’enjeu sera aussi de réinstaurer une dynamique managériale puisque le chef de service nommé pour accompagner les effets de la décision vient de la chirurgie cardiaque. Il a fait le travail, remis du rationnel, et là, on a la perspective en novembre de confirmer un chef de service neurochirurgien avec un accompagnement de l’équipe. L’enjeu sera de s’assurer qu’on ne revienne jamais aux comportements qui ont pu se passer. Selon la fermeté de la décision qui sera prise, la question de la situation de monsieur Morandi va se poser. Pour l’instant, il ne peut pas revenir à l’hôpital car il est suspendu par le ministre. Il faut que la décision disciplinaire soit prise par une instance nationale, ce n’est pas le CHU qui s’en occupe. On verra en fonction de cette décision.