Une boucherie, un bureau de tabac, une pharmacie, une banque et même un opticien. Mais sur la place Jean-Normand, en plein cœur du quartier du Blosne à Rennes, aucune boulangerie en vue. A quelques centaines de mètres de là, aucune odeur de pain frais ne vient non plus titiller les narines à la sortie de la station de métro Triangle, où sont installés un café-restaurant, une librairie ou un supermarché coopératif. Inutile d’ailleurs de chercher plus loin car vous ne trouverez pas de boulangerie dans ce quartier populaire de la capitale bretonne, qui compte pourtant plus de 15.000 habitants.

« C’est une vraie anomalie, concède une habitante. Il y en a à tous les coins de rue dans le centre-ville mais aucune ici, alors que c’est pourtant indispensable. Les gens ont besoin de pain frais. » Installé depuis cinquante ans dans ce quartier parmi les plus pauvres de la ville, Jean-Yves se souvient de l’époque où il y avait encore trois boulangeries. Qui ont toutes fermé les unes après les autres. La dernière, Phylia, a baissé le rideau en avril dans le petit centre commercial Sainte-Elisabeth qui doit être rasé par la ville. Quelques mois plus tôt, ceux de Torigné et du Landrel avaient connu le même sort.

Deux dépôts de pain pour « la dépanne »

Si quelques commerces ont bien déménagé place Jean-Normand, le nouveau cœur commercial du quartier, aucune boulangerie (pourtant le commerce de proximité préféré des Français) n’a suivi le mouvement. Au grand dam de Jean-Yves. « Il y a parfois deux boulangeries dans certains villages mais aucune ici, c’est incompréhensible car il y a une clientèle », indique ce retraité. Pour trouver leur baguette, les habitants doivent donc se rendre dans le secteur Italie, situé à une quinzaine de minutes à pied. « J’y vais en voiture mais je comprends que ce soit galère pour certains, surtout pour les personnes âgées qui aiment avoir tout à proximité », indique Hassan, croisé à la sortie de la boucherie.

Deux dépôts de pain existent bien dans le quartier, dans un café et au tabac-presse. « Cela dépanne mais cela n’a rien à voir avec une bonne boulangerie », assure Jean-Yves. Tapant la discute avec son voisin de quartier, Alain préfère quant à lui aller acheter son pain dans la grande galerie commerciale du Carrefour Alma, située à la lisière du quartier du Blosne. « J’achète plusieurs baguettes quand j’y suis et après, je les congèle. C’est sûr que ça n’a pas la même saveur que du pain frais mais je m’adapte », assure-t-il.

Un appel à projets pour une boulangerie ambulante

Cet habitant n’a d’ailleurs pas d’autre choix, car la boulangerie qui doit s’installer dans le quartier n’ouvrira pas ses portes avant 2027 sur la place Jean-Normand, plus de deux ans après l’ouverture du pôle commercial. « C’est une erreur de notre part car la présence d’une boulangerie est essentielle dans un quartier », reconnaît Ludovic Brossard, conseiller municipal délégué à l’alimentation durable à la ville de Rennes.

Pour pallier ce manque, un appel à projets a été lancé pour l’implantation d’une boulangerie ambulante tous les jours de la semaine, de 16 heures à 20 heures, à la sortie de la station de métro Le Blosne. « Cela peut intéresser des paysans-boulangers du secteur qui sont déjà présents sur les marchés, assure l’élu. Il y a en tout cas une forte demande pour du pain frais et artisanal que l’on doit satisfaire. » Car le pain, c’est la vie. Les pains au chocolat et les chouquettes aussi.