Par

Zoe Hondt

Publié le

26 oct. 2025 à 6h20

Lundi 20 octobre, deux hommes de 22 et 23 ans ont été jugés en comparution immédiate, au tribunal de Lille (Nord), pour proxénétisme aggravé. Les faits remontent au 11 septembre 2025 : via Instagram, ils auraient organisé avec l’ami d’une jeune femme, un « traquenard » afin qu’elle se prostitue à Roubaix. Originaire de la région parisienne, elle vit en foyer d’urgence et dit être venue à Lille pour un simple week-end entre amis. Les prévenus livrent une tout autre version. Récit.

« Pourquoi vous ne vous prostituez pas, vous ? »

Le 13 septembre 2025, une femme de 20 ans se présente au commissariat de Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne). Elle dit avoir été forcée à se prostituer par deux hommes, à Roubaix. Les faits débutent deux jours plus tôt : un ami, qui se livre à la prostitution, lui propose d’aller à Lille pour le week-end. Les billets de train et le Airbnb sont déjà payés, la jeune femme accepte. À la gare, les minutes défilent, mais son ami n’arrive pas. Elle finit par monter dans le train, seule. Il est environ 19 heures lorsqu’elle arrive à la gare Lille Flandres. Deux hommes l’attendent et l’accompagnent jusqu’à Roubaix. Ils l’auraient ensuite menacée de rembourser le transport et le logement, avant de lui confisquer son téléphone.

Le lendemain, une annonce de prostitution est créée. La victime explique avoir vu défiler une dizaine d’hommes et estime la recette journalière entre 500 et 700 euros. Elle ajoute avoir eu « très peur » et l’envie de « s’enfuir ou mourir ». Après les faits, le médecin légiste rend compte d’insomnies, d’un état de stress élevé et d’une gêne pour s’alimenter chez la victime. Elle obtient quinze jours d’interruption totale de travail.

Les recherches commencent. Les policiers comparent les numéros de téléphone indiqués sur l’annonce avec les appels que la victime a reçus des deux hommes. La ligne téléphonique qui a servi à payer le billet de train de la victime est également tracée. Les prévenus sont confondus et interpellés le 16 octobre. Au tribunal, ils sont confrontés à leurs actes, qu’ils justifient par leur besoin d’argent. « Pourquoi vous ne vous prostituez pas, vous ? Vous contribuez à exploiter des femmes qui ne vont pas bien », considère le président. Ils peinent à répondre.

Une tout autre version

Les deux hommes reconnaissent tout de même « une forme d’implication », mais contestent avoir menacé ou violenté la victime. « Elle est venue librement. La porte n’a jamais été fermée à clé et elle avait toujours accès à son téléphone », déclare l’un deux. Pour le tribunal ça ne change rien : le proxénétisme est l’action « d’aider, d’assister ou de protéger la prostitution d’autrui ». Les prévenus ont en effet des rôles bien précis : l’un finance l’annonce, le transport et l’hébergement, l’autre « recrute » des jeunes femmes via le compte Instagram « Plan sous les filles » et gère le contact avec les clients.

S’ils ont conscience de leur implication, ils donnent pourtant d’autres explications : la jeune femme « s’y connaissait » et son ami les a contactés sur Instagram car elle voulait se faire de l’argent. Elle devait rester une semaine et aurait elle-même envoyé des photos pour créer l’annonce. La jeune femme serait rentrée chez elle pour faire une pause, à cause de ses menstruations. « Si elle était d’accord, pourquoi a-t-elle porté plainte ? », demande naïvement le procureur. Parce qu’elle ne peut pas rembourser le billet de train, selon les prévenus.

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« Deux zozos qui voulaient un peu d’argent facile »

« Il faut que ça rentre dans vos crânes ! », fustige l’avocat de la victime, rappelant aux prévenus la gravité des faits. Sa cliente est « une gamine » qui a été « réduite en objet » et retenue « captive ». Pour lui, il n’y a « aucun doute » sur la culpabilité des deux hommes : « Il n’y a pas un seul élément qui démontre qu’elle voulait le faire. » Il demande 3 000 euros de dommages et intérêts pour « indemniser ce qu’elle a payé de son corps ». L’avocat de la défense veut, quant à lui, « restituer au dossier son exacte dimension ». Selon lui, le réel proxénète est l’ami de la victime. Il dépeint ses clients comme « deux zozos qui voulaient un peu d’argent facile ».

« Le piège s’est refermé » sur la jeune femme selon le procureur. Il décrit une situation « parfaitement rôdée » par l’ami de la victime et les deux Roubaisiens, qui ont tout fait pour « la mettre en confiance ». Leur version des faits ne tient pas : si la victime se prostituait déjà, pourquoi venir à Roubaix ? « Il y a largement suffisamment de clients en région parisienne », raille le procureur. Il requiert la même peine pour les deux hommes : trois ans d’emprisonnement dont un an assorti d’un sursis probatoire.

Le tribunal tranche. Les prévenus sont condamnés à trois ans d’emprisonnement dont deux ans sous sursis probatoire. La partie ferme sera à domicile avec un bracelet électronique.

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