Par
Vincent Guerrier
Publié le
26 oct. 2025 à 6h24
Au début des années 2000, Nicolas Libert et Emmanuel Renoird visitent une maison à quelques hectomètres du bourg de La Perrière (Orne). Une maison qui ne ressemble à aucune autre. Une maison qui est tout droit sortie d’un film hollywoodien ou d’une revue de science-fiction qui veut nous préparer aux « maisons du futur ». Désormais en vente, Le Perche a eu le privilège de la visiter. Petit plongeon au coeur de la Californie.

La maison possède un bel étang. ©Vincent GUERRIER
Un immense bloc de béton, pareil à un vaisseau, est posé sur deux piliers en béton. Au pied de ces piliers sortent plusieurs entrées pareilles à des pieds qui semblent tenir cet ensemble blanc.
Le couple qui visite vit alors à Paris. Ils sont scotchés par le style, et surtout par cette incroyable plongée dans la nature qu’offre cette tour de contrôle et sur son terrain de 13 hectares composé de bois, d’étangs, de collines et de chemins pour la balade. « Mais qui est l’architecte de cette maison ? », s’interrogent-ils, curieux. « Il s’appelle Pierre Dreux », répond l’agent immobilier qui organise la visite. « Pierre Dreux, comme vous ? », relance le couple. « Oui. C’est étonnant, je sais, mais je suis à la fois l’agent immobilier et celui qui a dessiné cette maison. »

Le salon est une sorte de vigie sur les bois environnants. ©Manuel BOUGOT
Vingt-cinq ans plus tard, l’affirmation est largement démentie dans le village. Pierre Dreux n’ayant en effet jamais eu le moindre diplôme d’architecte. Quoi qu’il en soit, l’incroyable maison est à nouveau mise en vente à La Perrière.
Pierre Dreux n’est autre que le fils de Gaston Dreux, ce grand industriel qui a fait travailler jusqu’à 500 personnes dans ses usines au cœur de La Perrière au début des années 50.

Un look unique. ©Vincent GUERRIER
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L’industriel a fait fortune grâce à ses maisons en bois à l’architecture moderne, qu’il a vendues partout en France. Au point de devenir le notable de la commune, possédant de nombreux biens immobiliers du bourg.
Gaston Dreux aime les grands projets. Son fils, Pierre, avec qui il a dirigé un temps la société, avant d’avoir quelques démêlés avec la justice, a donc pensé cette maison après avoir fait un voyage en Californie.
Il nous avait indiqué qu’il s’agissait peu ou prou d’une réplique d’une maison au bord de l’eau, qu’il avait vu à Sausalito, au nord de San Francisco.
Nicolas Libert, actuel propriétaire.
Mais Nicolas Libert, fondateur de plusieurs agences immobilières, et vivant justement entre la France et Los Angeles, n’a jamais réussi à retrouver la maison.
Le rêve d’une île
Le chantier titanesque de la maison voit le jour en 1976, à la place d’une ancienne ferme qui appartenait la famille Liger. Pendant des jours et des nuits, des bulldozers vont décaisser des centaines de mètres cubes de terres, pour reproduire San Francisco dans le Perche.
« Pierre Dreux nous a expliqué qu’il souhaitait pouvoir profiter d’un lac d’un hectare et demi, que l’on pourrait emprunter à l’aide d’une petite embarcation, afin de rejoindre un îlot central », renseigne l’actuel propriétaire, qui restaure actuellement le château de Bonaban, près de Saint-Malo. Les Dreux détournent alors, sans aucune autorisation, une rivière voisine pour remplir ce futur lac. Problème, ils ont tellement retiré de couche argileuse que l’eau est naturellement absorbée, et l’immense lac ne verra jamais le jour.

Une chambre aux ambiances très sixties. ©Vincent GUERRIER
Plusieurs problèmes d’inondations avec le voisinage achèvent de contraindre Pierre et Gaston Dreux à revoir leurs projets à la baisse. Un petit lac sera suffisant. Au centre, une structure contient un savant système permettant de réguler les canalisations de deux autres étangs voisins.

Une chambre, une ambiance. ©Vincent GUERRIERElle ne tournera jamais
La maison participe également à ce projet mégalomaniaque des Dreux. Pour les locaux, dont les nombreux ouvriers qui ont suivi de loin sa construction, il s’agissait de « la maison qui tourne. » Selon plusieurs habitants, Gaston Dreux se serait vanté, en effet, de construire « une maison montée sur un pilier, qui serait capable de pivoter ».

Chaque chambre est équipée d’une salle de bains. ©Vincent GUERRIER
Pour Nicolas Libert, il s’agit là d’une légende urbaine.
Pierre Dreux a toujours imaginé dans ses plans deux piliers. L’un permet l’évacuation des eaux pluviales et contient différents réseaux qui alimentent le salon. L’autre pilier est l’escalier central. Les deux étaient donc nécessaires.
Nicolas Libert
Avec « La capsule », « La soucoupe volante du Perche », la « maison qui tourne » est le nom le plus couramment donné par les locaux à cet édifice, l’une des constructions architecturales de Gaston Dreux dans la commune. Oui, il en existe plusieurs « prototypes » !
Ce qui marque surtout quand on visite la maison, ce n’est pas tant sa grande entrée théâtrale que son incroyable implantation dans la nature. Totalement invisible depuis la route, il faut traverser un chemin plongé dans l’obscurité d’un bosquet, pour la voir émerger.
C’est vraiment l’inverse d’un manoir percheron. Quand vous êtes dans le salon, vous êtes à la hauteur de la cime des arbres. Qu’importe la météo, vous aurez toujours une lumière traversante.
Le propriétaire
Le couple, qui vend cette maison via l’agence Architecture de collection, a totalement restauré l’intérieur avant son arrivée : de l’isolation au système de chauffage, pour bénéficier du confort moderne.

La maison Maneval ©Vincent GUERRIER
Dans le jardin, quelques sentiers de marche peuvent permettre de randonner plusieurs heures, pour profiter des sculptures installées par les propriétaires, dans l’esprit du lieu. Comme cette maison bulle de l’architecte Jean-Benjamin Maneval, conçue dans les années 60 à quelques rares exemplaires, et reprenant l’architecture Space Age.

La terrasse, avec vue sur l’étang. ©Vincent GUERRIER
« C’est une vraie bulle pour les parents et les enfants. On peut y passer une heure pour bouquiner, ou même une nuit, en totale déconnexion. » Près d’un bois, un escalier blanc en colimaçon de l’artiste Vincent Lamouroux semble mener au ciel. Une œuvre de plus dans cette maison conçue comme un décor de film, sans jamais avoir reçu la moindre caméra de tournage.

L’étang était prévu pour être encore plus grand, avec un îlot central. ©Vincent GUERRIERUne déco très seventies
Côté décoration, on est plongé dans les années 60 et 70 en voyageant d’une chambre à l’autre, au rez-de-chaussée. Les couleurs sont vives. Les formes rondes. Les textures douces et moelleuses. Au sous-sol, on peut profiter d’un hammam et même d’une piscine intérieure, et pourquoi pas d’un billard pour les plus joueurs. Une maison pensée aussi pour la fête.

La vue depuis la terrasse. ©Vincent GUERRIER
Selon les mots du propriétaire, la maison, semblable à une tour de contrôle, est une « vigie sur la nature ». Une utopie, « mais pas ostentatoire », décrit l’un des deux propriétaires. « Avoir 13 hectares sans aucun vis-à-vis, dans un tel écrin de verdure, à quelques minutes à pied du bourg de la Perrière, c’est introuvable. »
Avec un tel parc en effet, le couple n’a jamais eu besoin d’aller marcher en forêt de Bellême, pourtant à deux pas. Pour s’offrir cette petite folie de la famille Dreux, il faudra débourser 1,4 million d’euros. Le prix d’un voyage sans retour en Californie, en gardant le Perche comme horizon.
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