C’est une famille soudée, liée autant par l’amour que par les épreuves qu’elle traverse. Soudée aussi physiquement : durant l’entretien, les cinq membres sont restés serrés les uns contre les autres, comme un petit cercle protecteur.
Depuis juin dernier, la famille Alexandre, installée dans le petit village de Commensacq, dans le nord-ouest du département des Landes, a vécu « l’enfer ». « On ne s’y attendait tellement pas. Ça a été dur… C’est un bon gamin, il travaille bien, pourquoi lui ? », se demandent encore ses parents Laëtitia et Damien, entre impuissance et injustice.
Tout démarre en mai. Une toux persistante, un essoufflement chronique… Mathéo consulte le médecin de famille. Croyant à une bronchite, celui-ci prescrit un sirop. « La situation empirait. Jusqu’à ce jour où notre fils, anormalement épuisé, ne parvenait même plus à lever le bras », se souvient la maman. C’était le 9 juin. Une date gravée à jamais.
« Un coup de massue »
Ce jour-là, les parents appellent le Samu. Direction le centre hospitalier de Mont-de-Marsan. « On se disait, en riant, qu’il allait ressortir avec de la Ventoline. Quand le médecin est revenu, on a vu sur son visage que ça allait être plus compliqué. Il a parlé de myocardite ou de péricardite… Et surtout d’un transfert immédiat aux urgences de l’hôpital cardiologique de Haut-Lévêque, en Gironde. »

Au service cardiologie de l’hôpital Haut-Lévêque, Mathéo accompagné de son père.
Document familial
IRM, échographie : le verdict tombe et la vie de la tribu bascule. « Son ventricule gauche ne fonctionne qu’à 7 % alors que ce chiffre devrait grimper autour de 65 %. Cette insuffisance cardiaque sévère, c’est un coup de massue. Le sol se dérobe. On nous parle même d’une possible greffe de cœur. » Sur son lit, Mathéo encaisse, conscient de tout et surtout que son existence vacille. Rien ne lui sera caché.
Je dormais sur un banc dans les couloirs, parfois dans la voiture sur le parking. On se lavait avec des lingettes »
Pour Laëtitia et Damien, un autre marathon commence. Le père, salarié dans une scierie à Labouheyre, se met en arrêt. La mère annule le CDI qu’elle s’apprêtait à signer. Un seul objectif compte : leur fils et réunir la famille le temps de l’hospitalisation de l’adolescent. Et, comme à chaque fois que la vie s’emballe, le système D s’impose. « Chaque jour, on se relayait. L’un au centre hospitalier, l’autre avec nos deux filles, Louhanne et Sarah, âgées de 15 et 11 ans. Je dormais sur un banc dans les couloirs, parfois dans la voiture sur le parking. On se lavait avec des lingettes », raconte Damien.

La famille espère que ce témoignage aidera d’autres personnes qui traversent les mêmes difficultés.
Matthieu Sartre
Une nouvelle épreuve
Pendant un mois, jusqu’au 7 juillet, le Landais de 17 ans reste alité. Avec des hauts et des bas, des prises de sang quotidiennes et des médicaments à ajuster. Face à cette situation déconcertante pour un aussi jeune patient, l’association Zoll – qui intervient régulièrement dans les couloirs de Haut-Lévêque – fait don d’une LifeVest qui calcule 24 h / 24 les pulsations cardiaques de Mathéo. Une veste qui peut aussi lui sauver la vie en agissant comme défibrillateur. Il la portera pendant trois mois.
J’ai eu l’impression de faire un énorme pas en arrière et surtout j‘ai ressenti, pour la première fois, que je ne contrôlais plus mon corps »
La situation stabilisée, Mathéo est admis à la clinique Grancher de Cambo-les-Bains, au Pays basque. Il ne sait pas encore qu’une nouvelle épreuve l’attend. « J’avais des douleurs dans la tête et je sentais le côté droit de mon corps s’engourdir de plus en plus. J’avais la sensation d’être défoncé, j’avais des hallucinations », se souvient le garçon. L’accident vasculaire cérébral (AVC) – causé par un manque d’anticoagulants – ne lui laissera heureusement pas de séquelles mais de grosses frayeurs et un passage aux urgences du centre hospitalier de Bayonne.
Aucune conséquence physique mais des répercussions psychologiques sur l’adolescent. À son retour du service neurologie, il s’effondre. En pleurs. « J’ai eu l’impression de faire un énorme pas en arrière et surtout j’ai ressenti, pour la première fois, que je ne contrôlais plus mon corps. » Et sur son père, qui a assisté à son AVC et en est ressorti profondément marqué.

Mathéo a porté une LifeVest durant trois mois. Un dispositif qui surveillait 24 h / 24 les battements de son cœur.
Document familial
Un boîtier sous la peau
Dompter la maladie. Voilà le quotidien de Mathéo. Lors de sa rééducation, les journées démarrent avec des efforts physiques : marche, vélo, renforcement musculaire, gymnastique… Lui, le jeune de 17 ans, passe ses journées avec des seniors qui combattent le même mal. Comme eux, il apprend à compter les médicaments, leurs noms. Fait attention à ne pas en louper un. Assiste à un atelier diététique, apprend à manger sans sel. Fini la malbouffe, plus une goutte d’alcool. Un coup au moral de plus. « Pourquoi moi… Les infirmières ne comprenaient pas pourquoi j’étais assis à côté d’un monsieur de 70 ans », souffle-t-il.
J’ai gagné un peu plus de confiance en moi. Et surtout, je veux vivre plus vite, plus fort que les autres
Début août, Mathéo peut retourner chez ses parents, à Commensacq. La famille Alexandre est fébrile. En cas de nouveau pépin, l’hôpital le plus proche est à 45 minutes… La vie reprend presque son cours normal dans l’attente d’un nouveau rendez-vous avec le docteur François Picart, le cardiologue de Haut-Lévêque qui suit de près le dossier. Lors de l’examen, le cœur de l’adolescent est encore très dilaté. « Presque cinq fois sa taille normale, explique le papa. Mais le ventricule gauche fonctionne mieux : de 7 % de capacité, on passe à 14 %. »
Pas assez pour Mathéo. « Je veux reprendre une vie normale. Je discute avec le professeur qui me propose une opération, avec un défibrillateur automatique implantable (DAI). Le 1er septembre, je suis sur la table d’opération, avec une anesthésie générale. » Depuis, il vit avec un petit boîtier sous la peau qui surveille en continu le rythme cardiaque et intervient automatiquement en cas d’arythmie dangereuse.
Quinze jours après, Mathéo a repris le chemin des cours. Passionné de mécanique, de moteurs et de véhicules anciens, il suit son alternance entre un garage à Sabres et le CFA de Mont-de-Marsan. Il sait qu’il n’aura pas la même vie que ses camarades et pense déjà qu’une greffe sera, un jour, inévitable. Mathéo a grandi d’un coup, a gagné en maturité. « Mon regard sur la vie a changé bien sûr. J’étais introverti, maintenant j’ai gagné un peu plus de confiance en moi. Et surtout, je veux vivre plus vite et plus fort que les autres. »
Mathéo et sa famille espèrent que ce témoignage aidera d’autres malades. Et sont prêts à échanger avec les familles qui le souhaiteront. Courriel : LDalexandre40210@hotmail.com