Ce n’est ni un mirage, ni un train fantôme mais bien un tramway qui circule ce jour-là sur l’avenue Roger-Salengro, coupée en deux par les travaux titanesques de l’extension de la ligne T3 entre la Gaye (9e) au sud et Gèze (15e) au nord. « Depuis le temps qu’on nous en parle de ce projet, ça fait quelque chose de voir passer le tram là où on a toujours vu passer des voitures », remarque Roberte Amendola, patronne iconique du « Métro » depuis 1999, désormais à mi-chemin entre la station Bougainville et deux futurs arrêts de tram.
Le nouveau tracé du tramway, prolongé de 6,2 kilomètres pour 350 millions d’euros, devrait être inauguré et mis en service officiellement le 10 janvier 2026, prévoient la Métropole et la RTM si aucun obstacle ne se dresse d’ici là. Avant ce bouquet final, qui mettra fin à plus de trois ans de chantier, les équipes de la régie des transports sont en pleine phase d’essai. Les tests au sud, depuis le nouvel arrêt sur la place Castellane, ont démarré depuis juin. Pour l’instant, « rien à signaler » : aucuns travaux supplémentaires n’ont été nécessaires sur les rails, assure la Métropole. Ceux au nord, depuis Arenc (3e) ont démarré le 25 septembre et devraient s’achever mi novembre.
15 rames en plus et 50 conducteurs recrutés
Tous les jours, des rames anciennes (Bombardier) et nouvelles (Neotram) générations circulent au moins une fois par jour pour parcourir 1,9 kilomètre vers le cap Pinède et la station capitaine Gèze. « Il nous faut vérifier que toutes les infrastructures qui ont été construites permettent bien la circulation du tram. Il faut contrôler tous les virages, les intersections, les feux de signalisation, la visibilité des conducteurs. Sur les 12 nouvelles stations, on doit aussi s’assurer que le tramway ne frotte pas sur les quais », liste un ingénieur de la Métropole qui coordonne ces travaux.
Des marches « à blanc » auront lieu jusqu’à l’ouverture de la ligne prévue pour le moment le 10 janvier 2026. / Photo Philippe LAURENSON
D’ici un mois, ce seront les essais « à blanc » qui commenceront dans les deux zones. Comprendre, des rames circuleront à vide, mais à la même cadence et à la même vitesse que ce qui est prévu pour la mise en service dans presque trois mois. « Ce sera une phase décisive de ce projet, l’ultime, celle qui servira à progressivement intégrer les 15 rames supplémentaires sur la ligne T3 », ajoute cet ingénieur de la Métropole.
Dès son ouverture en janvier, la ligne 3 version 2.0 devrait permettre de relier Gèze à la Gaye en 37 minutes et 50 conducteurs de rames seront recrutés par la RTM pour conduire, d’après les estimations de la Métropole, 93 000 passagers en 2030. « J’espère bien que certains s’arrêteront chez nous. Nous sommes restés ouverts malgré les travaux, le manque de visibilité, l’impossibilité de se garer… Beaucoup de patients ont souffert de cette situation, beaucoup de personnes âgées ou à mobilité réduite ne pouvaient plus venir. Il est temps que la tendance s’inverse et que l’on profite de ce tramway », formule Mona Issouf, préparatrice à la pharmacie de Salengro depuis 2003.
L’amertume des commerçants
Malgré une satisfaction commune des commerçants à ne plus vivre entre les plots de bétons et le bruit des outils, peu partagent l’enthousiasme de cette dernière. « Avec tout ce qu’on a perdu, en termes de clients, de chiffre d’affaires, de places en terrasse, le futur passage du tram est une maigre consolation. Je doute vraiment que les passagers viennent davantage. En trois ans, les gens du quartier ont eu le temps de changer d’habitude. Si j’avais de l’argent, je serai parti », maugrée Pierre Colleoni, 61 ans, le patron de la brasserie l’escale des docks, à côté de l’arrêt Arenc.
Roberte Amendola, du restaurant le « Métro » sait qu’elle ne fera pas non plus partie du renouveau et de l’avenir du quartier : « Mon objectif est de vendre mon fonds de commerce le plus vite possible », pour laisser la place à une nouvelle génération, qui vivra au rythme du tramway.